Made in France, la stratégie patriotique payante du groupe Muller

L’autorail XD 2511, qui a transporté le général de Gaulle après l’attentat du Petit-Clamart en 1962, est posté là, repeint de neuf, sur le site de Muller à Laon (Aisne). Rénové, l’engin joue désormais les vigies du Made in France, dont le groupe se fait le porte-étendard.

Fabricant de radiateurs et pompes à chaleurs électriques, Muller, avec notamment ses marques Noirot et Auer, fait de la résistance dans les catalogues professionnels, surchargés de produits asiatiques. « On revendique notre patriotisme industriel », lance Pascal Teurquetil, président depuis le départ de son père, en octobre dernier. Dernier acte de bravoure: le groupe a relocalisé en 2020 à Feuquières-en-Vimeu (Somme) une ligne pour ses cuves en acier émaillé, jusque-là positionnée en Serbie. Avec l’aide du plan de relance: 800.000 euros d’argent public pour un investissement total de 4,5 millions d’euros.

Intégration verticale

Ce n’est pas la première fois que le groupe prend la mondialisation à rebrousse-poil. A Laon, des ouvriers en blouse clipsent avec précaution des cartes électroniques dans des boîtiers en plastique. L’activité, auparavant réalisée au Maghreb, a été ramenée dans l’Aisne, afin de conserver une intégration verticale de la production. Depuis, pas de tentations lointaines. « Faire venir des pièces de Chine peut coûter moins cher de prime abord, détaille Rémi Dwornik,

directeur technique. Mais elles mettent deux mois pour arriver. Soit le temps pour nous de faire une étude et de lancer en production un nouveau radiateur. »

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De la fabrication d’éléments pour les machines à emboutissage jusqu’à la prise de photos pour les catalogues, toute l’activité se déroule sur les sites du groupe. Qui peut ainsi revendiquer un prix de revient à 80% made in France.

François Hollande, Xavier Bertrand et jusqu’à Jean-Bernard Lévy, patron d’EDF, ce 3 mai: tous ont défilé pour cerner la recette patriotique de la famille Teurquetil. Parmi les ingrédients: jouer les avant-gardistes du design, avec par exemple les radiateurs longilignes en matière « terre de Mars » de la marque haut de gamme Campa, installée près de Reims.

Investissements en R&D

Muller ne relâche pas, en outre, ses efforts de recherche: 150 millions d’euros au cours des dix dernières années, soit 10% du chiffre d’affaires. Il vante ainsi ses produits connectés, en partenariat avec Netatmo. « Nous sommes loin devant sur ce marché, grâce à notre poids à l’international », lâche Emmanuel Caille, directeur général industrie d’Atlantic, le grand concurrent, français lui aussi. Pas de quartier dans la compétition… Pour autant, les deux dirigeants défendent en chœur la pertinence de leurs structures familiales pour préserver le Made in France. « Pendant les crises, on continue à investir, à contre-cycle, pointe Pascal Teurquetil. Pas les financiers. »

Partenaire irlandais

Pendant dix ans, Muller a d’ailleurs compté des banquiers à son capital. Mais il s’en est débarrassé, en 1996 pour faire entrer, un groupe familial, l’irlandais Glen Dimplex, actif dans le même secteur. Les liens entre les deux sociétés doivent se renforcer d’ici à l’été. Le drapeau irlandais pourrait-il demain flotter à Laon? « Ce groupe est une pépite industrielle, l’exemple de ce qu’il faut maintenir sur nos territoires », relève Eric Delhaye maire de Laon et secrétaire national de l’UDI. La montée au capital du partenaire dublinois sera surveillée de près.

PORTE-ÉTENDARD TRICOLORE
200 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020.
6 usines en France.
1.000 salariés.
5 centres de R&D.
Source: société

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