Payer son avocat à crédit, c’est possible et voici comment

« Ce prix c’est le prix des pressions exercés dans certains Barreaux et dont je préfère taire le nom ce soir. Je suis passée devant la commission de Déontologie qui m’a donnée raison. Je tenais à rappeler que notre clientèle, notre public, ce sont les gens. Il est important de les ramener dans notre giron. Il est possible de rendre viable un cabinet en travaillant avec des particuliers et de les traiter aussi bien que des entreprises. Le Barreau de Paris est lui ouvert et conscient de la nécessité de faire évoluer notre profession et je m’en félicite ». L’émotion était palpable jeudi 3 décembre dans la voix d’Anne-Constance Coll, avocate à la cour, lorsqu’elle s’est avancée sur le scène improvisée pour l’occasion afin de recevoir le prix de l’innovation de l’incubateur du Barreau de Paris dans la bibliothèque de l’Ordre des avocats. Un trophée qui vient récompenser un long chemin de croix pour faire accepter sa vision, peut-être jugée trop sociale ou risquée par certains, du droit. 

Un crédit en 10 fois sans frais

Le cabinet COLL qu’elle a fondée avec l’aide de son mari, propose une aide au financement qui, à sa connaissance, ne souffre d’aucune concurrence « puisque les concurrents peuvent faire comme nous mais il ne le font pas ». Concrètement, le cabinet joue le rôle de banquier en proposant un prêt à la consommation gratuit pour ses clients qui se situent juste au-dessus du seuil de l’aide juridictionnelle, soit 941 euros de ressources mensuelles pour une personne seule. « C’est un crédit qui permet de payer en dix fois sans frais puisque nous avons décidé d’assurer le paiement des intérêts pour qu’il soit indolore pour le client. Il ne s’agit pas d’un simple paiement échelonné mais d’un véritable plan de financement. Ce système rassure le client et sécurise nos honoraires », affirme Anne-Constance Coll. Pour mettre en place ce service gratuit, le cabinet a signé un partenariat avec une banque et souscrit à une assurance en cas de défaut de paiement. Elle l’assure, sa trésorerie s’améliore et le risque est contenu. « L’évolution de notre chiffre d’affaires confirme la viabilité de notre approche: plus 700% en quatre ans! ». 

Un chat avec ses avocats

Après avoir débuté à Grigny, dans l’Essone, le cabinet Coll s’est en effet fortement développé. Il possède désormais des antennes à Corbeil-Essones, Milly la Forêt, Athis Mons, Paris, Lyon et Toulouse.  Poursuivant son approche de « démystification » du droit, l’avocate a également mis en place un numéro vert unique et gratuit pour aiguiller les demandes dans les différents cabinets et éviter les rendez-vous inutiles ainsi qu’un système de chat pour que chaque client puisse échanger facilement avec son avocat. Par ailleurs, lors de prise en charge, le client est informé de l’ensemble des dépenses qu’il devra régler outre celles du cabinet, comme par exemple les huissiers lors de l’assignation ou le timbre fiscal afin d’éviter les mauvaises surprises. « L’évolution de notre activité confirme la réalité du besoin: 50 appels par jour ouvré sur la plateforme, 25 rendez-vous par jour et 650 dossiers de particuliers par an », détaille Anne-Constance Coll.

Un outil de lobbying

Victorieuse de la 2nde édition des prix de l’innovation de l’incubateur du Barreau de Paris parmi 6 dossiers, l’avocate a empoché un chèque de 10.000 euros et pourra passer devant le jury d’admission de l’accélérateur Microsoft Ventures si elle le souhaite pour développer encore un peu plus sa « start-up ». « Le Barreau de Paris ne peut pas accueillir une société commerciale donc nous sommes obligés pour le moment de passer pas un partenaire », précise Adrien Perrot, avocat au Barreau de Paris et co-fondateur de l’incubateur. Lancé en janvier 2014, cet incubateur se veut d’ailleurs plus un outil de lobbying pour assouplir les conditions d’exercices des avocats (publicité, automatisation des contrats…) qu’un lieu d’accompagnement des jeunes pousses. « L’innovation en matière juridique vient très souvent de l’extérieur. Or, de très nombreux avocats considèrent qu’il vaut mieux travailler avec ces jeunes sociétés innovantes qui cassent les codes qu’être contre elles. Mais la réglementation actuelle nous empêche de prendre ce virage là », plaide Adrien Perrot. Reste à savoir s’il sera entendu. 

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