Pétrole pas cher: ces secteurs qui en profitent et ceux qui trinquent

Malgré le rebond des cours observé ces derniers jours, l’or noir reste toujours très bon marché. Depuis l’été 2014, le prix du Brent a reculé de près de 65%. Sur le court terme, la tendance ne devrait pas s’inverser. « La production pétrolière mondiale dépasse la consommation de 1,5 à 2 millions de barils par jour », souligne ainsi Euler Hermes dans une note publiée cette semaine. La plupart des analystes ne voient d’ailleurs pas les prix redécoller à moins d’un changement de stratégie des pays producteurs et en particulier de l’Arabie saoudite, qui pèse à elle seule environ 10% de la production mondiale. « Il est probable que les prix restent faibles jusqu’en 2018 au moins », estime ainsi Moody’s dans un communiqué diffusé le 10 mars dernier. En attendant, l’écart entre les gagnants et les perdants du pétrole bon marché pourrait se creuser. Challenges.fr fait le point secteur par secteur.

Les gagnants

Les compagnies aériennes :

Le transport aérien est certainement le grand gagnant dans cet environnement de pétrole bon marché. La réduction des coûts de carburant a permis d’augmenter les marges des compagnies aériennes. Cela leur a également permis de stimuler la demande en baissant le prix des billets.

Les constructeurs automobiles:

Les constructeurs automobiles ont également de quoi avoir le sourire. Tant que les prix du pétrole sont bas, les prix de l’essence aussi. Cela incite les automobilistes à rouler davantage et à ne pas chercher d’alternatives à la voiture. Le secteur, très cyclique, bénéficie également à plein de la reprise économique. En Europe, les ventes de voitures neuves ont ainsi bondi de 14,3% sur un an en février.

Le secteur minier:

Les prix modérés du pétrole vont permettre aux mines, très gourmandes en énergie fossile, de réduire leurs coûts opérationnels d’environ 4 à 5% selon Moody’s. Mais toutes les entreprises ne seront pas concernées à la même échelle. Les mines qui font face à une baisse de la qualité des minerais extraits ou qui doivent exploiter la terre plus en profondeur auront toujours besoin de davantage de pétrole que les autres. Ce qui augmentera leurs coûts de production. D’autres entreprises du secteur en revanche, comme les fonderies d’aluminium ou les raffineries, pourraient profiter indirectement d’un pétrole durablement bon marché grâce à des prix de l’électricité peu élevés (voir plus bas).

Le transport maritime:

Alors que les experts de Moody’s s’attendaient à l’origine à un effet très positif sur le transport maritime, ils se montrent désormais moins optimistes. L’effet d’un baril peu cher est aujourd’hui considéré comme « modérément positif ». Première raison: les exportations et les importations des pays exportateurs sont en berne. Deuxième raison: la concurrence est telle entre transporteurs que la majeure partie des économies de carburant ont servi à baisser les tarifs de fret. Ainsi, après un bon premier semestre, les entreprises convoyant des containers ont vu leur marge se réduire en fin d’année.

Le commerce de détail:

Une essence moins chère, c’est aussi un peu plus de marge pour se faire plaisir dans les magasins. Une partie des commerçants devraient ainsi profiter de ce surplus de ressources. En particulier les magasins qui ciblent les classes populaires et moyennes, qui pourraient disposer ainsi d’un budget plus confortable pour leurs achats. Les magasins haut-de-gamme, eux, ne devraient pas sentir de réelle différence puisque leur clientèle est plutôt susceptible de profiter d’un plus fort pouvoir d’achat pour voyager ou partir en vacances.

Les perdants

Le secteur pétrolier et une partie de l’industrie:

Contraints de s’adapter à des prix bas et à une surabondance d’or noir, les entreprises directement liées à la production de pétrole connaissent des temps difficiles. « Plus de 40 entreprises cotées spécialisées dans le gaz de schiste ont déposé le bilan depuis l’été dernier », remarquent ainsi les analystes d’Euler Hermes. En attestent également les déboires de Vallourec en Bourse, le champion hexagonal des tubes sans soudure, qui doit faire face à beaucoup moins de débouchés. Avec la chute des cours, les entreprises pétrolières ou gazières ont réduit leurs investissements et leurs commandes à de nombreux sous-traitants qui produisent des pompes, des valves ou d’autres équipements de ce genre. Les industriels concernés ont été contraints de mettre en oeuvre d’importants plans de restructuration en 2015. Par ailleurs, les pays émergents très dépendants aux exportations de matière premières, comme le Brésil et la Russie, sont en grande difficulté. Les industriels qui exportent vers ces pays ont dû revoir leurs perspectives de croissance à la baisse.  

Les producteurs d’énergie:

En Europe, les prix de l’électricité ont suivi ceux du pétrole, du gaz et du charbon : ils sont en baisse. Il ne faut pas oublier qu’une grande partie de l’électricité est produite via la combustion de ces énergies fossile. Résultat: les revenus des producteurs d’électricité ont eu tendance à dégringoler. Les coûts, eux, n’ont pas nécessairement été réduits dans les mêmes proportions. En France, EDF a ainsi été contraint d’écouler 15% de sa production nucléaire à des tarifs plus bas que prévu au cours des neuf premiers mois de l’année 2015.    

Le BTP dans les pays producteurs:

La baisse des recettes liées à la vente d’or noir ont incité les pays producteurs à couper le robinet du crédit pour les grands chantiers publics. Cela fragilise le secteur de la construction. C’est particulièrement le cas dans les pays du Golfe. En fin d’année dernière, l’Arabie saoudite a d’ailleurs annoncé une réduction des subventions à l’essence et une hausse des prix des carburants et de l’électricité. Une première! D’autres secteurs pourraient souffrir de cette nouvelle rigueur budgétaire. Le Qatar par exemple réduit la voilure dans les secteurs de la communication et de la culture, comme l’explique Télérama. La chaîne Al Jazeera America a fermé, le Qatar Museums aurait licencié plusieurs centaines de salariés et un rapprochement entre BeIn Sports et Canal+ est envisagé.

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