Portugal : projet de hausse des cotisations et taxes des fonctionnaires … en vue de satisfaire la troïka

Les fonctionnaires portugais une nouvelle fois appelés à contribuer à leur manière au redressement de l’Etat portugais …. lequel se trouve être leur employeur …
Dans une sorte de chantage à peine voilé – sûreté de l’emploi contre coupes sombres des rémunérations et/ou du pouvoir d’achat – le porte-parole du gouvernement portugais a indiqué jeudi que Lisbonne envisageait d’augmenter les cotisations d’assurance-maladie des fonctionnaires et élargir l’assiette de la taxe de solidarité sur les retraites les plus élevées. Des mesures qui seraient destinées à compenser une mesure d’austérité prévoyant des coupes de près de 10 % dans les retraites des fonctionnaires, mais rejetée par la Cour constitutionnelle le 19 décembre dernier. Un « contre-temps » pour le gouvernement qui représente un manque à gagner de388 millions d’euros au sein du budget 2014.

Une nouvelle ponction pourrait  donc être opérée sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires alors qu’une contribution extraordinaire de solidarité, dont le taux varie entre 3,5 % et 10 %, a déjà été appliquée en 2013 pour les retraites supérieures à 1 350 euros par mois. Les cotisations d’assurance-maladie des fonctionnaires devant quant à elles passer cette année de 2,2 % à 2,5 %, avant application de nouvelles mesures éventuelles.

Ces « mesures transitoires » sont essentielles pour « ne pas compromettre les objectifs budgétaires fixés pour 2014″ et permettre au Portugal de conclure son programme d’assistance financière internationale a insisté le porte-parole, M. Marques Guedes. Ajoutant que les détails des mesures devaient être présentés lors d’un prochain conseil des ministres.

A noter que le président portugais, Anibal Cavaco Silva, n’envisage pas pour sa part de de saisir la Cour constitutionnelle afin qu’elle se prononce sur la légalité des mesures contenues dans le budget 2014, comme cela avait été le cas en 2013.

Rappelons qu’en septembre 2013, se rapprochant des mesures drastiques mises en place en Grèce en vue de répondre aux exigences du FMI (Fonds Monétaire International), de la BCE (Banque centrale européenne) et de l’Union européenne, le gouvernement portugais avait adopté, en conseil des ministres, des mesures impliquant de rogner de près de 10% le montant des retraites des fonctionnaires. Conditions « d’éligibilité » : que la personne perçoive une pension mensuelle supérieure à 600 euros ; on est loin des grandes fortunes … Selon Helder Rosalino, secrétaire d’Etat à l’Administration publique, deux tiers des 468.000 fonctionnaires à la retraite auraient ainsi été concernés.

Arguments invoqués alors par le gouvernement pour tenter de limiter la grogne des syndicats : rétablir le « principe d’équité » entre les fonctionnaires et les salariés du privé.
Ce projet de loi avaitété inclus dans la réforme de l’Etat que le Portugal se doit de soumettre à ses créanciers, l’objectif global étant de réduire les dépenses publiques de 4,7 milliards d’euros d’ici à fin 2014. La pression s’exerçant sur le gouvernement portugais étant officiellement justifiée  par l’octroi d’un prêt de 78 milliards d’euros en mai 2011 par la BCE, le FMI et l’UE.

Les mesures alors annoncées devaient permettre de réduire de 1,1 milliard d’euros le déficit de la Caisse de retraite des fonctionnaires, lequel s’élève actuellement à 4,4 milliards d’euros.

Fin août 2013, la Cour constitutionnelle avait d’ores et déjà censuré une mesure visant à licencier des fonctionnaires sans affectation. Décision obligeant le gouvernement à mettre de l’eau dans son vin, sans toutefois renoncer totalement. Un nouveau projet de loi envisageant d’octroyer aux fonctionnaires en disponibilité 60% de leur salaire pendant douze mois, puis 40% « pendant une période indéterminée ». S’ils ne pourront plus être congédiés, la baisse de leurs revenus est plus conséquente que celle prévue initialement.

L’Etat portugais projette par ailleurs de supprimer à terme près de 30.000 postes de fonctionnaires sur les 575.000 comptabilisés fin juin 2013.

Depuis 2005, 173.000 postes ont d’ores et déjà été détruits dans la fonction publique. De quoi ouvrir la voie à des privatisations et à la reprise de l’activité  par des entreprises privées ? Qui sait … depuis quelques mois, les patients du service public de santé ont progressivement changé de statuts, passant de « doentes » (« malades ») à des « clientes » (« clients »). Tout un symbole …

Rappelons également qu’à la fin juillet, le Portugal a lancé le processus de privatisation de la Poste (CTT). Opération mise en œuvre dans le cadre du plan de sauvetage négocié il y a deux ans avec ses créanciers internationaux.  Le porte-parole du gouvernement, Luis Marques Guedes, avait alors indiqué que cette opération se ferait via le biais de négociations directes « avec un ou plusieurs investisseurs de référence ». Manuel Rodrigues, secrétaire d’Etat aux Finances avait indiqué pour sa part que jusqu’à 100% du capital de la poste pourrait être cédé, garantissant toutefois « une participation de 5% aux salariés du groupe ».

Le Portugal a d’ores et déjà procédé à plusieurs privatisations depuis l’octroi – sous conditions – d’une aide financière de l’Union européenne et du Fonds monétaire international.  Ainsi, en 2012, l’Etat portugais a cédé le gestionnaire d’aéroports ANA au groupe de BTP français Vinci pour 3,08 milliards d’euros, après avoir vendu des participations dans les groupes électriciens EDP et REN à des investisseurs de Chine et d’Oman.  En mai dernier, le gouvernement portugais a annoncé la privatisation d’ici la fin 2013 de la branche assurance de la banque publique Caixa Geral de Depositos (CGD).  Au final, la vente de ces actifs a pour but de réduire une dette publique qui dépasse certes les 127% du PIB.

Début juin, si le Fonds monétaire international avait certes congratulé à sa manière le Portugal pour ses efforts réalisés dans la la mise en oeuvre de son plan de sauvetage, il n’en demeurait pas moins inquiet quant à l’état des finances du pays. Considérant que Lisbonne est confrontée à des risques élevés de ne pas atteindre les objectifs qui lui ont été assignés par la troïka.  Cette alerte du FMI intervenait quelques heures à peine après l’approbation du versement d’une nouvelle tranche de 657,47 millions d’euros.

Les risques que le Portugal ne respecte pas « les objectifs de base du programme restent élevés », avait ainsi estimé le FMI dans son rapport sur la septième évaluation des comptes du pays. Une manière d’indiquer au gouvernement portugais que les mesures d’austérité planifiées lui paraissaient insuffisantes, même si le pays semble être sur la « bonne » voie.
Notant « des progrès importants dans la réduction des déséquilibres économiques », le FMI estimait alors toutefois que les perspectives de croissance du pays « demeurent sombres ».
Rappelons que les prévisions officielles du gouvernement portugais tablent sur un recul de la croissance de 2,3% en 2013, un taux de chômage avoisinant 18,2% étant parallèlement attendu.

Sources : AFP, Reuters

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com    – 5 janvier 2014

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