Pour en finir avec l’inégalité avec les territoires français

Depuis une trentaine d’années, les régions françaises semblent cesser de converger sur le plan du développement économique. Depuis la crise de 2008, les problèmes des territoires présentés comme en crise, ou à la dérive, reviennent régulièrement dans le débat public, notamment les départements d’Outre-Mer, les zones périurbaines, les zones rurales, les quartiers de la politique  de la ville, les centre-ville des villes moyennes et les régions du Nord, de l’Est du pays.

Le système français de protection sociale répond en partie et indirectement à la question des inégalités territoriales, par la distribution des revenus de transfert. Depuis une trentaine d’années, il a fonctionné comme un filet de sécurité pour les territoires les plus touchés par la crise. S’il n’a pas produit de convergence territoriale, il a certainement évité le pire en termes d’appauvrissement des territoires. En dehors de certaines politiques publiques (DOM, zones d’éducation prioritaire, zones urbaines sensibles), les politiques publiques actuelles ont toutefois peu vocation à lutter directement contre la dérive des territoires.

En termes d’action publique il faut distinguer parmi les territoires en crise, ceux qui constituent réellement des trappes à exclusion. En effet, tous les territoires présentés habituellement comme en crise ne semblent pas hypothéquer les chances des individus qui y vivent ou qui y naissent. C’est une des leçons de mon travail sur la Géographie de l’Ascension Sociale, qui porte sur les chances de promotion sociale des enfants d’origine populaire, selon le département de naissance.

Plus de chance en Seine-Saint-Denis que dans l’Aisne

Prenons l’exemple de la Seine-Saint-Denis et de l’Aisne, deux territoires caractérisés par des taux de pauvreté et de chômage et des niveaux de vie relativement comparables. Les données de l’Enquête Emploi montrent que naître en Seine-Saint-Denis est associé à des chances beaucoup plus importantes que dans l’Aisne de réussite éducative, et de réussite sociale chez les enfants de classe populaire. Ceci s’explique notamment par les taux d’accès à l’enseignement supérieur qui sont très significativement plus élevés pour les natifs de Seine-Saint-Denis que pour les natifs de l’Aisne. La proximité géographique de l’Île-de-France ne profite pas aux classes populaires de l’Aisne, un territoire qui semble donner moins de ressources à ceux qui y naissent.

Face aux changements économiques rapides, les territoires doivent lutter contre l’inertie des politiques publiques qui y sont menées, notamment en termes d’éducation, et d’accès à l’enseignement supérieur. L’idée que les chances individuelles dépendent fortement du lieu où l’on est né semble totalement opposée à toute notion de justice sociale, mais aussi d’efficacité économique. La spécificité de la situation française réside dans l’écart entre l’ambition égalitaire affichée par les politiques éducatives et les résultats obtenus, qui contribuent à développer la déception, notamment chez les classes populaires. A côté de la lutte contre les inégalités territoriales, il est essentiel de donner des ressources en priorité aux individus dans les territoires où celles-ci sont les plus faibles.

Clément Dherbécourt (analyste à France Stratégie)

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