Pourquoi la BCE et la Fed vont dans le mauvais sens

Pourquoi la BCE et la Fed prennent-elles selon vous de mauvaises décisions?

Nous sommes dans un scénario à la fois paradoxal et inédit en matière de politique monétaire. Comme le démontrent ses dernières décisions (allongement de sa politique de rachats d’actifs et nouvelle baisse de son taux d’intérêt au jour le jour de -0,2% à -0,3%), la Banque centrale européenne (BCE) se veut toujours plus accommodante. Tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) s’apprête à annoncer une remontée de ses taux. Pourtant, au vu de la situation économique de la zone euro comparée à celle des Etats-Unis, c’est l’inverse qui devrait se produire. Car si le rythme de la croissance tend à s’accélérer en Europe, celui-ci prend le chemin inverse outre-Atlantique.

Qu’est-ce qui motive un durcissement de la politique monétaire de la Fed?

Qu’il s’agisse de l’évolution de l’inflation, de l’endettement ou d’une éventuelle bulle financière ou immobilière outre-Atlantique, rien ne justifie un durcissement de la politique monétaire de la Fed. Au contraire. Après six ans, les Etats-Unis entrent dans la fin d’un cycle expansionniste avec une croissance encore robuste, mais qui devrait tourner autour des 2% l’an prochain. Autrement dit, l’absence d’inflation, le recul de la profitabilité des entreprises et la remontée des risques de défaut des entreprises militeraient plutôt pour une politique monétaire plus expansionniste. Mais la Fed n’a pas de marge de manœuvre : son taux d’intervention est au plus bas, et la taille de son bilan est très élevée. Pour avoir des munitions aujourd’hui, la banque centrale américaine aurait dû resserrer sa politique monétaire dès 2012.

Mettez-vous sur le même plan les stratégies de la Fed et de la BCE ?

Si l’on peut s’interroger sur la pertinence de la stratégie de la Fed, celle de la BCE me semble encore plus ubuesque. Que constate-t-on? L’Europe amorce sa deuxième année de reprise économique avec une croissance qui devrait se situer aux alentours d’1,5% en 2016. Pourtant, alors que l’Europe entre dans un début de cycle expansionniste, la BCE poursuit comme si de rien n’était l’assouplissement de sa politique monétaire.

Son objectif – officiel – est de faire tendre l’inflation vers les 2%. Mais force est de constater qu’elle n’y parvient pas. Quant à son but – officieux –, qui était de faire baisser l’euro, il est atteint. Son taux de change avec le dollar tourne autour d’1,08, ce qui est inférieur à la parité de pouvoir d’achat entre les deux devises, qui se situe historiquement entre 1,15 et 1,17 dollar pour 1 euro. Or continuer à faire baisser la monnaie européenne reviendrait à s’engager dans une guerre des changes que les dirigeants de la BCE ne manquent pas de condamner en public. En réalité, l’institution de Francfort s’est piégée elle-même. Du coup, elle passe son temps à courir derrière des marchés -financiers d’autant plus frustrés qu’ils lui en demandent toujours plus. 

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