Pourquoi Nexter a réalisé une année 2017 canon

Qu’on se le dise, Nexter fait parler la poudre. Le groupe français d’armement terrestre a annoncé mardi 6 février des prises de commandes 2017 record, avec 1,635 milliards d’euros de contrats signés, soit deux fois plus qu’en 2016 (771 millions). « On n’avait pas été à ce niveau depuis vingt ans », assure le PDG du groupe, Stéphane Mayer. Le groupe aura ainsi vendu 400 engins l’année dernière, dont 15 Caesar (camions équipés de canons) au Danemark, 18 autres en Indonésie et plus de 300 en France, où le groupe a décroché la première tranche du programme Scorpion de renouvellement des blindés de l’armée de terre, (319 blindés multirôles Griffon et 20 engins de reconnaissance et de combat Jaguar).

Comment expliquer ces bons chiffres ? Nexter a su s’appuyer sur deux atouts majeurs. D’abord, le canon Caesar. Ce bestseller a prouvé son efficacité avec les artilleurs français déployés face à Daech en Irak, et de façon bien plus controversée, avec les forces saoudiennes dans le conflit au Yémen. Ensuite, le soutien sans faille de la France. Les commandes de Griffon et de Jaguar vont assurer, et pour longtemps, le plan de charge des usines françaises de Nexter. Le chiffre d’affaires du groupe, pas encore audité, va donc logiquement augmenter par rapport à 2016 (866 millions d’euros). Les effectifs aussi : Nexter a recruté 331 salariés en CDI en 2017, et envisage 400 embauches en 2018.

« Contrat du siècle » en Inde ?

2018 s’annonce tout aussi intense sur le plan commercial, avec une multitude de contrats potentiels à l’export. Le groupe espère notamment boucler le contrat pour 490 blindés VBCI au Qatar, annoncé en décembre lors de la visite d’Emmanuel Macron sur place, et estimé à plus de 2 milliards d’euros. Il vise un contrat définitif avec la Belgique, qui avait annoncé en juin 2017 une commande de 417 Griffon et 60 Jaguar, ce qui ferait de Bruxelles la première référence export de ces nouveaux blindés. En Inde, le groupe français est en finale, face à l’israélien Elbit, dans une compétition pour 1.400 canons tractés de 155mm, un contrat que Stéphane Mayer avait surnommé « contrat du siècle en matière d’artillerie » en mars 2016.

Fini ? Toujours pas. L’ex-Giat espère toujours boucler un premier contrat pour son blindé 6X6 polyvalent Titus, développé sur fonds propres, en Arabie Saoudite. « J’avais l’espoir d’un dénouement favorable en 2016 et en 2017, je l’ai toujours en 2018, même si les discussions sont longues », indique Stéphane Mayer. Enfin, en France, Nexter devrait être officiellement notifié de sa victoire sur la compétition dite « VBMR léger », pour des 4X4 de 10 à 12 tonnes, dont l’armée de terre doit commander 358 exemplaires.

Approfondir l’ « Airbus des blindés »

Une autre bonne nouvelle pourrait arriver avec la loi de programmation militaire (LPM), présentée en conseil des ministres jeudi 8 février. Comme annoncé par Emmanuel Macron lors de ses vœux aux armées le 23 janvier, la LPM devrait acter l’accélération des cadences de production des blindés du programme Scorpion. La LPM précédente prévoyait une cadence de production de 10 Griffon par mois à l’horizon 2020, et 2 Jaguar mensuels en 2021. Ce rythme devrait être accéléré : « On nous a demandé si nous pouvions doubler ces cadences, nous avons répondu que c’était faisable, indique Stéphane Mayer. Il reste à voir à combien le ministère de la défense va nous demander de monter. Une solution à 15 Griffon et 3 Jaguar par mois nous semble bien équilibrée au plan industriel. »

Fort d’un carnet de commandes gonflé à bloc et d’une visibilité appréciable, Nexter peut travailler sereinement sur son grand chantier de long terme : l’approfondissement de son rapprochement avec l’allemand KMW. Réunis au sein du holding KNDS, sorte d’Airbus des blindés, les deux groupes mènent pour l’instant leur intégration par petits pas. Ils coordonnent leurs offres à l’export pour éviter de se concurrencer, développent des dérivés de leurs gammes respectives intégrant des équipements communs. Mais l’accélération de l’intégration franco-allemande ne pourra venir que du lancement des deux grands programmes franco-allemands prévus pour 2030 : le char de combat du futur, remplaçant du Leclerc français et du Leopard allemand ; et le système d’artillerie du futur. « Ces programmes sont essentiels, car KNDS a la spécificité d’avoir été créé sans programme commun », rappelle Stéphane Mayer.

En attendant, il n’est pas exclu que Nexter et KMW s’affrontent encore sur certaines compétitions. Ce pourrait être le cas au Royaume-Uni pour un contrat de 600 à 800 blindés, sur lequel le VBCI français et le Boxer allemand pourraient se retrouver face à face.

Challenges en temps réel : Entreprise