Quand la rue de Rivoli exacerbe la bataille du vélo à Paris

Paris ambitionne de devenir, malgré les critiques, une des capitales mondiales du vélo et veut concurrencer des villes comme Amsterdam ou Copenhague où la petite reine est le moyen de transport privilégié. Pour cela, la mairie a lancé en 2015 le Plan Vélo avec pour objectif de doubler le nombre de kilomètres de pistes cyclables (de 700 à 1.400 km) et de faire passer la part des trajets effectués à vélo de 5% à 15% d’ici à 2020. Le projet est doté d’un budget de plus de 150 millions d’euros.

Christophe, qui se rend tous les jours à son travail à vélo près de la place Vendôme, observe depuis cinq ans les « efforts » réalisés par la municipalité. Mais « ils ne se sont pas encore traduits concrètement », affirme ce responsable de programmes immobiliers tout en empruntant la rue des Capucines dans le 2e arrondissement de Paris. Il croise les voitures en sens inverse dans une voie cyclable récemment aménagée dans cette rue à sens unique et limitée à 30 km/h pour les véhicules motorisés.

« Les zones à 30km/h sont des zones d’apaisement de la circulation. Quand le cycliste a de la visibilité, en règle générale, un simple marquage au sol suffit », affirme à l’AFP Christophe Najdovski, adjoint à la mairie de Paris, chargé des transports.

« Sécurité de A à Z »

« La seule façon de rassurer les gens est de créer des pistes cyclables uniquement pour les cyclistes. Tant qu’il n’y a pas de réseau unique pour les vélos, ça n’incitera pas les gens à se déplacer. Il faut une sécurité de A à Z », tempère auprès de l’AFP Charles Maguin, président de Paris en Selle.

L’association collabore avec la mairie de Paris, leur « interlocuteur principal », mais n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme avec son « Observatoire du Plan Vélo » qui mesure l’avancement des travaux engagés par la maire PS de la capitale Anne Hidalgo. A deux ans et demi de la date butoir, seules 5% des infrastructures cyclistes ont été réalisées selon l’association.

« C’est un calcul partiel car il ne prend en compte que les aménagements en dur », proteste M. Najdovski. Ces « aménagements en dur », c’est-à-dire avec un séparateur au sol protégeant les utilisateurs de vélos, sont les seuls considérés comme des pistes cyclables à part entière par Paris en Selle, et les cyclistes en général.

Rue de Rivoli: un projet loin de faire l’unanimité

Ce sera le cas rue de Rivoli, où des travaux d’aménagements ont débuté le 1er août. La rue qui mène de la place de la Bastille à la place de la Concorde va passer à une seule file pour les voitures avec la création d’une voie à double sens pour les cyclistes. Jugé « essentiel » par Paris en Selle, le projet est loin de faire l’unanimité.

« C’est une stupidité, les aménagements vont mener à une saturation du trafic », dénonce Mouhssine Berrada, vice-président de la Fédération nationale des artisans du taxi. S’il dit comprendre la « promotion » du vélo à Paris, il regrette le manque d’écoute de la part de la maire de Paris. Le préfet de police de Paris Michel Delpuech s’est lui aussi dit « inquiet » du projet, M. Maguin dénonçant en retour l' »attitude délibérément obstructive » et « conservatrice » du préfet.

Du côté de la préfecture, on assure que « le préfet de police n’est pas du tout hostile au Plan Vélo », mais M. Delpuech se préoccupe de « l’accès garanti pour les véhicules de police et de secours » dans la voie bus rue de Rivoli dans une lettre adressée fin juillet à Anne Hidalgo. Depuis la loi du 28 février 2017, la compétence générale de circulation a été transférée à la ville de Paris, la préfecture ne pouvant plus qu’émettre des prescriptions concernant la circulation des véhicules de sécurité et de secours.

En réaction, Paris en Selle a dénoncé le « dogme mortifère » dans lequel « est enfermé » le préfet. M. Najdovski pointe lui « la nécessité d’un changement culturel ». Charles Maguin pointe lui le manque d’interlocuteurs: « A la mairie, il n’y a que deux interlocuteurs vélo, c’est peu pour une ville qui aspire à être une capitale mondiale du vélo ».

(Avec AFP)

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