Quand Syrie et Libye permettent de booster le prix du baril, malgré la hausse des forages US

Quand la géopolitique sert les majors pétrolières US, les conflits en Syrie et en Libye pouvant au final arranger leurs affaires. Dans un tel contexte, il est loin d’être anodin que l’actuel chef de la diplomatie américaine n’est autre que l’ancien PDG d’Exxon Mobil.

Quoiqu’il en soit, le cours du pétrole suit depuis quelques jours une tendance haussière, les perturbations de production au niveau mondial permettant de compenser une nouvelle hausse du nombre de puits actifs aux Etats-Unis. Tout est dit ou presque …

Les inquiétudes suscitées par la progression de la production de pétrole aux Etats-Unis peuvent donc ainsi figurer au second plan. Il n’en demeure pas moins qu’alors que le pays s’avère non contraint par les accords de réduction de l’offre, le décompte hebdomadaire du groupe Baker Hughes publié vendredi fait bel et bien état d’une nouvelle hausse du nombre de puits de forage en activité.

Alors que le prix du baril a gagné 3% la semaine dernière, il a atteint lundi son plus haut niveau en un mois. Au risque d’être cynique, l’action militaire US en Syrie pourrait avoir eu quasiment autant d’effets – voire même plus – sur le cours du pétrole qu’un accord entre pays membres de l’Opep et ses partenaires, obtenu après moult négociations.

Le prix du baril de « light sweet crude » (WTI) aura ainsi progressé de 84 cents à 53,08 dollars sur le contrat pour livraison en mai sur le New York Mercantile (Nymex). Parallèlement à Londres, le baril de Brent de la mer du Nord a pris 74 cents à 55,98 dollars sur le contrat pour livraison en juin sur l’Intercontinental Exchange (ICE).

Si au Canada, certains puits sont à l’arrêt depuis vendredi après un incendie, le champ pétrolier libyen d’al-Sharara – le plus important de Libye – est à nouveau au point mort. Sa production a en effet été suspendue après la fermeture d’un oléoduc. Si le site produisait d’ores et déjà 200.000 barils par jour, sa capacité de 330.000 barils par jour devait lui permettre de jouer un rôle-clef dans la stratégie menée par le pays en vue de relancer sa production.

Or, la production de la Libye est particulièrement suivie par les marchés, le pays n’ayant pas été contraint par l’Opep de limiter sa production sur les six premiers mois de 2017, contrairement à la majeure partie de ses membres et nombre de ses partenaires. Des mesures prises en vue de rééquilibrer le marché mondial, où l’abondance règne. Les analystes de Commerzbank estiment désormais peu probables que l’entreprise pétrolière nationale libyenne puisse atteindre ses objectifs de 800.000 barils par jour fin avril.

Mais au delà du nouvel épisode libyen, les experts tentent de déterminer quelles pourraient être les conséquences de l’attaque aérienne opérée sur la Syrie vendredi par les Etats-Unis. Selon eux , les risques géopolitiques sont à surveiller d’autant plus près qu’on observe à l’heure actuelle un fléchissement des réserves mondiales de pétrole et que le le marché n’est plus désormais en état de surplus de production massif.

A noter qu’aux Etats-Unis, la demande de brut devrait repartir à la faveur de la montée en puissance des raffineries après une période de maintenance qui touche à sa fin. Selon les chiffres du département de l’Energie (DoE), les stocks d’essence et de produits distillés ont baissé à plusieurs reprises ces dernières semaines. La tendance ne devrait pas s’inverser dans les jours et semaines qui viennent, le début de la saison des déplacements estivaux étant imminent, selon les analystes.

Certains estiment toutefois que la Syrie n’est plus un grand producteur, il faudrait donc selon eux que la situation s’envenime dans tout le Moyen-Orient pour que la production mondiale soit affectée. Reste tout de même que cette hypothèse n’est pas complètement à écarter, le comportement de va-t-en-guerre de Donald Trump n’étant pas fait pour apaiser le climat. L’Iran quant à elle pourrait attiser les tensions sur le dossier déjà fort complexe et tumultueux, nous y reviendrons, Certains analystes suspectent même le régime de Téhéran d’être à l’origine de l’attaque chimique imputée au régime de Bachar el-Assad. Selon eux, il ne faut pas exclure l’Iran parmi les suspects. Le fait que Téhéran voit d’un mauvais œil la place prise par la Russie en Syrie, et qu’il ne veuille pas voir de rapprochement entre Etats-Unis et Syrie pourraient en effet motiver de telles actions. Quoiqu’il en soit, le président iranien Hassan Rohani a affirmé qu’après « l’agression » américaine contre la Syrie, l’Iran devait « se préparer à toute éventualité ». Ajoutant : « nous ne savons pas ce que préparent les nouveaux dirigeants américains pour la région ».

Pour Waddah Abded Rabbo, directeur du quotidien algérien al-Watan, le régime syrien n’avait aucun intérêt à provoquer une attaque chimique. Et ce, d’autant plus que Bachar el-Assad a « obtenu ce qu’il attendait depuis six ans » : la reconnaissance et la légitimité par les États-Unis.  « Pourquoi aurait-il gâché cette opportunité en lançant une attaque chimique dans une localité qui n’a aucune importance stratégique ou militaire ? » fait-il remarquer. Pour lui, c’est vraisemblablement la Turquie qui a mené cette opération, le rapprochement entre le gouvernement syrien et Washington lui étant inacceptable.

Au final, autant d’éléments susceptibles de voir toute la région s’enflammer, l’attitude des Etats-Unis justifiant pour une bonne part les politiques des différents pays protagonistes du conflit. Avec encore et toujours une forte odeur de pétrole en toile de fonds ….

Sources : AFP, Le Parisien, El Watan, OLJ

Elisabeth Studer – 10 avril 2017 – www.leblogfinance.com

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