Que faire de votre assurance vie lors d’un divorce ?

Chacun ses placements, tout partager, ou décomposer chaque versement de façon savante ? En cas de divorce, le sort de l’assurance vie dépend de votre contrat de mariage et du moment où vous avez alimenté le contrat. Conseils et explications avec l’aide de Thierry Renard, co-fondateur de la fintech de conseil patrimonial Ritchee.

Partons du cas « standard » : un couple sans contrat de mariage, ce qui concerne 80% des couples selon l’Insee. Par défaut, leur régime était donc celui de la communauté réduite aux acquêts… Au moment de la séparation, que devient l’épargne « personnelle » de chacun, les PEL, Livret A, PEA, etc., tous les produits bancaires ouvert au nom d’un des membres du couples ?

Thierry Renard : « Il est ici question de placement bancaire. Il faut faire attention au libellé. Le libellé peut être personnel, nominatif… mais l’argent peut appartenir à la communauté, dans la mesure où c’est la communauté qui abonde ce placement pendant le mariage. Souvent les clients peuvent être amenés à se tromper sur ce point. Bien évidemment, sous le régime – sans contrat – de la communauté réduite aux acquêts, tout ce que vous pouvez acquérir à compter du mariage appartient à la communauté. De l’autre côté, avec ce régime, tout ce qui est antérieur au mariage et ce qui est reçu en donation ou succession est bien personnel et nominatif. En revanche, les revenus [intérêts bancaires ou plus-values, NDLR] tirés de ces placements bancaires personnels lors du mariage sera communautaire. »

Avec le régime par défaut de la communauté réduite aux acquêts, il est donc le plus souvent nécessaire de se lancer dans un complexe décompte, au moment du divorce… Comment trier précisément, parmi les placements bancaires, ce qui appartient au couple et ce qui appartient à l’un ou l’autre de façon personnelle ?

T.R. : « Pour que cela soit reconnu comme un bien propre, il faut le prouver. Prenons l’exemple d’une donation reçue par l’un des membres du couple marié. Une donation familiale n’est pas un bien communautaire. Mais, en cas de divorce, il faut pouvoir prouver que cette somme est issue d’un don en cours de mariage. Ou, s’il s’agit d’un placement antérieur au mariage, là encore, il faut pouvoir le prouver. Il est donc ardemment conseillé de conserver les preuves, même si votre couple va bien… »

Restons sur le cas d’un divorce en l’absence de contrat de mariage : que se passe-t-il pour l’assurance vie ?

T.R. : « La procédure est la même que pour l’épargne bancaire. Il faut tracer comment cela été alimenté : est-ce de l’argent personnel, antérieur au mariage, ou au bénéfice de la communauté ? Ce sera notamment au notaire ou à l’avocat d’intervenir sur ce partage. Un exemple simple : une assurance vie de 100 000 euros ouverte par monsieur pendant le mariage avec de l’argent tiré de ses revenus. Cet argent appartenant à la communauté, en cas de divorce, la moitié revient à madame. »

Quelle est la spécificité de l’assurance vie par rapport à l’épargne bancaire face à un divorce ?

T.R. : « L’assurance vie est un support qui permet une meilleure traçabilité des sommes, si vous y joignez les documents nécessaires évidemment. »

Comment s’assurer d’une bonne traçabilité des sommes sur une assurance vie ?

T.R. : « Un exemple : en cours de mariage, vous recevez une donation familiale. Il faut faire une déclaration de remploi [ou clause de remploi, NDLR] : une attestation portant sur l’origine des fonds ajoutée au dossier fourni à l’assureur. »

En quoi l’assurance vie se différencie-t-elle de l’épargne bancaire sur ce point ?

T.R. : « Dans notre pratique de courtier et de conseiller en gestion de patrimoine. ça fait partie de la check-list habituelle : quand on s’intéresse à l’origine des fonds, on demande si cela a un caractère propre à l’un ou l’autre des époux. Je ne suis pas sûr que cette vérification soit systématique pour un produit bancaire plus courant. A mon sens l’assurance vie est un support adapté à la traçabilité des fonds, à condition d’être accompagné. »

La clause bénéficiaire désigne à qui sont reversés les fonds en cas de décès de l’assuré. En cas de divorce, peut-on facilement changer cette clause bénéficiaire, ou est-ce que la procédure bloque toute volonté de modification ?

T.R. : « Normalement, la personne qui détient le contrat d’assurance vie peut agir quand elle le souhaite sur la clause bénéficiaire. Même si vous ouvrez un contrat avec des fonds appartenant à la communauté, vous avez une liberté totale pour désigner le bénéficiaire. Ce ne sera pas bloquant. Il faut distinguer l’aspect successoral du partage des fonds au moment du divorce [cette liberté totale sur la clause bénéficiaire n’empêche pas de devoir tracer et séparer les sommes présentes sur le contrat, NDLR].

Avez-vous un conseil concernant la clause bénéficiaire en lien avec la problématique du divorce ?

T.R. : « Oui. Sur l’aspect stratégie, il y a mieux à faire que de cocher la clause bénéficaire standard [“Mon conjoint ou partenaire de Pacs, à défaut mes enfants, nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, à défaut mes héritiers.”, NDLR]. Il faut aussi éviter de désigner nominativement son mari ou sa femme : en cas de divorce et en cas d’oubli, au décès, l’épargne pourrait revenir à l’ex conjoint(e). Il vaut mieux écrire “mon conjoint non séparé de corps” et “mon conjoint non engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps” car une procédure peut être longue. Ces formulations sont là pour éviter que l’argent revienne à l’ex-conjoint en cas de décès lors de la procédure de divorce ou suite à une séparation. »

Si le contrat d’assurance vie est antérieur au mariage et qu’il a été alimenté aussi pendant le mariage… l’origine des fonds est hybride. Techniquement, comment se passe la séparation de l’épargne ? Est-ce que tout est investi sur le fonds en euros afin de faciliter la répartition de l’épargne ?

T.R. : « C’est un point très sensible. C’est pour cela que l’on déconseille de créer ce type de contrat hybride comme vous dites. Il va falloir contacter l’assureur et proratiser. Il n’y a pas de règle pré-établie. Séparer les sommes et tracer l’origine lors du divorce, c’est avant tout le travail de l’avocat et/ou du notaire. »

Quand il existe un contrat de mariage, la situation est-elle plus simple ? Tout en commun avec la communauté de biens et tout séparé avec la séparation des biens ?

T.R. : « Dans un cas comme dans l’autre, c’est forcément plus simple. Mais, attention, même en séparation de biens… il peut y avoir des complexités. Un exemple : un couple en séparation de biens sauf que monsieur alimente le contrat de madame, qui ne travaille pas dans l’exemple en question… Or, dans ce schéma classique de la séparation, le logement est aux deux noms alors que seul monsieur rembourse le crédit et finance une assurance vie ouverte en miroir [une pour monsieur, une pour madame dans l’exemple en question, NDLR] : cela s’appelle une donation déguisée sur le plan fiscal. Suite au divorce, l’administration fiscale peut requalifier toutes ces sommes en donation, avec d’importants droits de donation à payer au fisc. »

Quel est votre conseil principal ? Tracer l’origine de toutes les sommes sur un contrat ?

T.R. : « A notre sens, il n’y a pas de régime magique. La communauté réduite aux acquêts [régime par défaut, sans contrat de mariage, NDLR] est clairement le régime que l’on retrouve le plus souvent. Mais il faut tenir compte de chaque cas. Le bon conseil, c’est d’adapter en fonction de chaque situation… et effectivement de tracer l’origine des fonds avec des déclarations attachées au contrat s’il y a des sommes spécifiques. »