Qui est responsable de l’absurde fermeture de Fessenheim?

Ce samedi 22 février, un des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim est définitivement coupé du réseau d’EDF. Le second le sera en juin prochain. « Chacun peut juger de la pertinence de la décision, avait prudemment commenté Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, au cours d’un récent Matin HEC-Challenges. Deux présidents de la République successifs [François Hollande et Emmanuel Macron, NDLR] se sont engagés à fermer Fessenheim. La décision n’est pas prise, bien sûr, sur le motif d’une rationalité économique mais d’un programme politique qui s’applique. » Bel euphémisme en effet, quand on additionne les conséquences négatives de cette fermeture.

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La France se prive ainsi de la production d’électricité au plus bas coût européen dans des conditions parfaitement sûres. « Fessenheim se place dans le trio de tête [des centrales nucléaires françaises, NDLR] au vu des performances en matière de sécurité », précisait même dans Le Figaro le représentant à Strasbourg de la très sourcilleuse Autorité de sûreté nucléaire. Les collectivités locales alsaciennes perdent 2.000 emplois directs et indirects et 14 millions d’euros de rentrées fiscales. Le manque à gagner est largement plus important pour EDF, qui abandonne plus de 350 millions de marge dans l’affaire. Sans parler de la conséquence écologique la plus paradoxale: pour pallier la production d’électricité perdue –70% de la consommation de l’Alsace-, on va remplacer une production totalement décarbonée, premier atout de l’énergie nucléaire, par un appel à des centrales thermiques fortement émettrice de CO2! Bref, le type même de choix contre-productif sous tous ces aspects dont il n’est pas inintéressant de se demander comment une démocratie a pu accoucher d’une décision aussi absurde.

La lourde responsabilité des écologistes

La première responsabilité revient aux écologistes allemands, qui n’ont cessé de stigmatiser Fessenheim, planté à leur frontière, particulièrement à partir du moment où Angela Merkel a décidé de fermer les centrales nucléaires dans son pays après la catastrophe de Fukushima. Une orientation paradoxale, qui fait que l’Allemagne émet aujourd’hui 50% de CO2 de plus par habitant que la France! Les Verts français portent également leur part de responsabilité, eux qui n’ont cessé d’entraîner le reste de la gauche dans cette direction.

Et c’est Martine Aubry, alors secrétaire du PS, qui est tombé dans la gueule du dragon écologique, quand elle a signé, en novembre 2011, un accord de parti à parti avec Cécile Duflot, la patronne d’EELV à l’époque: pas moins de 24 réacteurs (sur les 58 en opération en France) devaient être fermés, à commencer par Fessenheim, « la plus vieille centrale nucléaire française », comme l’avait évoqué François Hollande en 2012, au cours de sa campagne présidentielle. Au moins, le candidat socialiste, une fois élu, a-t-il transformé l’injonction PS-EELV en une limitation à 50% du nucléaire dans le mix énergétique Français « à l’horizon 2025 ». Un horizon qu’Emmanuel Macron a repoussé à 2035, sans remettre en cause la fermeture de la centrale alsacienne, devenue un sujet tabou.

« L’avantage d’avoir utilisé le mot ‘horizon’, c’est qu’on ne l’atteint jamais », avait professé, avec une parfaite mauvaise foi, l’ancien Premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault. Certes, le pragmatisme des présidents successifs a permis de réduire de moitié les scalps espérés par les écologistes, puisque ce ne seront finalement que douze réacteurs qui seront fermés. Mais à Fessenheim, il n’y a bel et bien plus de nucléaire à l’horizon.

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