Russie vs Arianespace : pas de sous, pas de Soyouz

Quand l’affaire Ioukos impacte par ricochet Arianespace. L’agence spatiale russe Roscosmos vient de menacer jeudi de cesser de livrer des fusées Soyouz à Arianespace, en l’absence de levée effective de la saisie judiciaire portant sur 300 millions d’euros dus par Arianespace mise en œuvre dans le cadre de l’affaire Ioukos.

Détrompez-vous : cela ne s’appelle pas du chantage , mais de la négociation  …

« Nous ne recevons pas actuellement l’argent dû par Arianespace pour notre travail. Pas d’argent, pas de produit. Nous ne pouvons travailler gratuitement », a déclaré ainsi le service de presse de Roscosmos. Laquelle ajoute qu’en conséquznce, rien sera livré.

Le fait que, de son « point de vue, l’Etat français s’est exprimé, à travers le procureur de la République, en faveur des ex-actionnaires de Ioukos » n’arrange rien à l’affaire.

Rappelons que dans le cadre de la procédure de compensation du démantèlement du groupe pétrolier Ioukos, plusieurs biens appartenant à la Russie ont été saisis en France en juin 2015, et notamment 300 millions d’euros de dettes d’Arianespace à Roscosmos.

Ces saisies découlent de la décision de la Cour d’arbitrage de La Haye en juillet 2014, décision annulée depuis, condamnant l’Etat russe à verser une indemnité de 50 milliards de dollars (46 milliards d’euros) aux anciens actionnaires de Ioukos. La Russie refusant d’appliquer ce jugement, les anciens actionnaires du groupe pétrolier ont lancé des procédures dans différents pays afin d’obtenir réparation.

Certes, en janvier et en avril, la justice française a décidé de lever la saisie des 300 millions d’euros, estimant que Roscosmos était une entité juridique séparée de l’Etat russe et que les actifs saisis n’appartenaient donc pas à la Fédération de Russie. Mais les anciens actionnaires de Ioukos ayant interjeté appel, la levée de la saisie n’a pu se concrétiser.

Dans un courrier adressé en fin de semaine dernière au Premier ministre Manuel Valls, le directeur général de Roscomos, Igor Komarov, avait déploré que cet appel ne soit examiné qu’en avril 2017. Ce retard cause à l’opérateur russe « un préjudice considérable », avait-il ajouté-t-il, précisant alors que si le règlement n’était pas effectué dans les six mois, le groupe saisirait un tribunal arbitral.

La saisie des paiements dus par Arianespace – laquelle a recours au lanceur Soyouz, fabriqué par Roscomos, pour lancer ses satellites notamment pour la mise en orbite de satellites Galileo – « complique notre coopération future sur ces programmes et sur les autres programmes spatiaux de l’Union européenne », avait ajouté pour sa part Sergey Saveliev, directeur adjoint de Roscomos.

En février 2015, le directeur général du bureau d’études Progress Alexandre Kiriline avait annoncé que l’agence fédérale spatiale russe fournirait 13 fusées Soyouz-ST à la société française Arianespace. Selon lui, les fusées devaient servir aux lancements effectués depuis le cosmodrome de Kourou en Guyane française. « Pour le moment, dix fusées construites par notre entreprise ont été lancées depuis le Centre spatial guyanais. Les contrats prévoient la livraison de 13 fusées-porteuses supplémentaires qui seront lancées depuis Kourou d’ici 2019″, avait également indiqué Alexandre M.Kiriline. Le premier contrat pour la livraison de fusées Soyouz-ST à la société Arianespace a été signé en 2005. A l’époque, le groupe français envisageait de réaliser au moins 50 lancements depuis Kourou dans un délai de 15 ans.

A noter enfin que la Russie se montre d’autant plus menaçante qu’elle s’avère inquiète d’une éventuelle adoption prochaine de la loi Sapin 2, le texte devant être examiné par le Sénat, le 3 novembre prochain.

Cette loi comprend en effet un amendement – surnommé d’ailleurs « amendement Poutine » par ses détracteurs – visant à mieux protéger les biens des Etats étrangers contre les saisies.

Quant à la France, et à l’éventuel manque à gagner de Arianespace en cas de gel des livraisons, ces chiffres devraient nous fournir quelques éléments : en octobre 2010, le PDG d’Arianespace Jean-Yves Le Gall, avait annoncé que le groupe français avait signé 17 contrats sur la mise en orbite de satellites à l’aide de lanceurs russes Soyouz-ST, pour un montant d’un milliard d’euros.

Sources : AFP, Les Echos, Sputnik news

Elisabeth Studer – 27 octobre 2016 – www.leblogfinance.com

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