Sahara occidental : conférence internationale sur la « décolonisation » du Maroc, le phosphate comme enjeu

Possibles impacts à prévoir au niveau géopolitique, mais également économique, la zone renfermant des richesses telles que phosphate  et pétrole : une conférence internationale traitant du délicat sujet de la « décolonisation » du Sahara occidental se tiendra du 2 au 4 juin dans la capitale nigériane, Abuja. Plus de 600 participants sont attendus pour débattre de plusieurs thématiques relatives au dossier.

Organisée par le réseau associatif des universités du Nigeria, cette « importante conférence » réunira des universitaires, des acteurs de la société civile, des ONG et des comités de solidarité avec le peuple sahraoui d’Afrique, d’Europe et du continent américain.

La délégation sahraouie y sera représentée par des responsables politiques, des élus, diverses ONG ainsi que des universitaires. Des militants sahraouis des droit de l’homme seront également présents à ce rendez-vous pour je cite « témoigner des violations multiples, massives et répétées des droits de l’homme perpétrées par le régime marocain qui occupe et colonise le Sahara occidental ».

Rappelons que le Sahara occidental  – territoire de 267000 Km2, représentant presque la moitié de la superficie du Maroc – est sous administration marocaine depuis 40 ans. Si le dossier a pu créer des tensions les plus vives entre les différents protagonistes, désormais, à l’exception notable de l’Algérie et de ses alliés, plusieurs Etats ont cessé de réclamer l’indépendance de cette ancienne colonie espagnole, riche en phosphate et prometteuse en ressources pétrolières. Les gisements de phosphate du Sahara occidental sont en effet estimés comme les plus importantes du monde avec plus de 50 milliards de tonnes sur des réserves mondiales estimées à 65 milliards de tonnes. Or dans un contexte de croissance de la population, nombre d’analystes estiment que l’agriculture mondiale dépend entièrement de l’extraction du phosphate, utilisé pour fabriquer les engrais chimiques. D’où l’enjeu du dossier …

Le 6 novembre 2014, sa majesté le roi du Maroc, Mohamed VI l’a encore martelé  : «le Sahara occidental restera dans le Maroc jusqu’à la fin des temps » . Si il y a quelques années encore, ces propos auraient pu susciter une vague de réprobation  au sein des instances de l’Union africaine qui compte parmi ses membres, la République arabe sahraouie démocratique, il n’en est rien désormais. Rabat a en effet mené une vaste offensive diplomatique en vue de faire accepter son plan d’une large autonomie en lieu et place de l’indépendance de ce territoire qu’il occupe depuis 1975.

Les divergences africaines sur la question ont notamment éclaté au grand jour lors des travaux de l’Assemblée générale de l’ONU à New York en octobre 2014. Comme la Côte d’Ivoire, d’autres pays africains ont choisi la position marocaine. Ils soutiennent désormais le plan d’autonomie du Sahara avancé par Rabat. C’est le cas du Gabon, du Cameroun, de la Guinée, du Sénégal et du Burundi. Option totalement rejetée par l’Algérie et la plupart des pays de l’Afrique australe.

Parmi les soutiens fidèles à la cause sahraouie, on peut noter tout particulièrement l’Afrique du Sud, le Zimbabwé, la Zambie, la Tanzanie, le Malawi, le Mozambique, la Namibie, l’Angola, ainsi que l’Ethiopie et le Nigéria. Pour eux, le Sahara Occidental est « le dernier territoire africain sous domination coloniale ». Ils rappellent régulièrement que la Cour internationale de justice a rejeté les prétentions territoriales du Maroc sur le Sahara dès 1975.

Si le Maroc est accusé d’exploiter les ressources du territoire  qu’il occupe au détriment des populations locales, les multinationales qui achètent sa production sont elles-mêmes jugées complices, telle PotashCorp, la plus grande entreprise d’engrais au monde.

En retour, le gouvernement marocain se défend en affirmant que les mines situées sur le territoire du Sahara occidental profitent aux populations locales, via embauches sur place et financements de services publics.

Les représentants sahraouis affirment quant à eux que ces derniers sont discriminés dans l’attribution des emplois dans les mines ou les ports au profit des Marocains qui viennent s’installer sur place grâce aux incitations financières du gouvernement.

Alors que le Mali proche  est lourdement impacté par des violences attribuées à al-Qaida, certains experts pense que le Maroc  –et donc l’approvisionnement en phosphate– pourrait être à son tour touché par des troubles internes. Selon le Global Post, toute une génération de Sahraouis qui a grandi dans les camps de réfugiés —majoritairement en Algérie— a été totalement absente des révolutions arabes. Cette jeunesse pourrait être tentée de s’affronter au Maroc, dans ce que certains pourraient considérer comme les prémices de la « grande guerre des engrais ».

Sources : FrancetvInfo, Christian Science Monitor, Slate, Globalintel.com, Expression.dz

Elisabeth Studer – 01 juin 2015 – www.leblogfinance.com 


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