Siemens, l'occasion dont Bouygues rêvait pour sortir d'Alstom

La fusion annoncée entre Alstom et la branche ferroviaire de Siemens devrait enfin donner à Bouygues, actionnaire du groupe français de transport depuis plus de dix ans, l’occasion qu’il attendait pour solder une aventure qui a fait long feu.

Le groupe de BTP, de médias et de télécoms s’étant engagé mardi soir à conserver l’intégralité de ses 28,2% d’Alstom jusqu’à l’assemblée générale extraordinaire du groupe français de transport qui statuera sur le projet de fusion, au plus tard le 31 juillet 2018, cette sortie n’aura pas lieu avant dix mois au plus et pourra prendre plusieurs formes.

« Après cette date, le groupe n’est plus engagé. Les scénarios sont ouverts », a déclaré à Reuters une source proche du dossier.

Bouygues disposera alors pour vendre tout ou partie de sa participation d’une première fenêtre courant jusqu’à la finalisation (closing) de l’accord de fusion, envisagée fin 2018.

S’il a conservé sa participation après la finalisation de l’opération, celle-ci sera diluée à 14% environ.

« Bouygues n’aura plus d’administrateur après le closing », a ajouté la source. « Et être actionnaire à hauteur de 14% (du nouvel ensemble) ne l’intéressera pas. »

N’ayant pas vocation à rester minoritaire dans un nouveau tandem franco-allemand qui ne correspond plus à ses priorités stratégiques, le groupe de BTP pourra utiliser cette deuxième fenêtre de tir pour sortir progressivement de la future entité Siemens Alstom s’il ne l’a pas fait avant.

Bouygues est entré au capital d’Alstom en 2006, en faisant alors l’acquisition des 21% détenus par l’Etat français depuis le sauvetage trois ans plus tôt du spécialiste des infrastructures de transport – et à l’époque aussi d’énergie -, comme la Commission européenne le réclamait.

NIVEAU DE VALORISATION

Bouygues et Alstom ont alors des intérêts industriels communs, notamment dans l’énergie nucléaire, auxquels s’ajoutent des liens amicaux entre les deux PDG, Martin Bouygues et Patrick Kron. Le groupe Bouygues rêve alors de créer un fleuron français du nucléaire avec Areva.

Par la suite, Bouygues se renforce progressivement au capital d’Alstom pour atteindre 31%. Fin 2012, il se laisse toutefois diluer à 29% environ en décidant de ne pas suivre une augmentation de capital de 350 millions d’euros lancée par Alstom.

Au fil des difficultés de ce dernier sur le marché des nouvelles centrales thermiques, l’avenir de la participation de Bouygues suscite des interrogations fréquentes mais la chute régulière de l’action Alstom rend toute sortie de plus en plus ardue.

La donne change brutalement en 2014 lorsque General Electric rachète les activités d’Alstom dans l’énergie. La position de Bouygues, qui prête lors de l’opération 20% de ses titres à l’Etat français, est alors de dire qu’Alstom n’est pas un actif stratégique mais que tout reste sur la table.

Avant l’annonce du projet avec Siemens, Exane BNP Paribas écrivait que l’heure du choix pour Bouygues allait bientôt sonner avec la fin prochaine, le 17 octobre, des différentes options d’achat de l’Etat sur les titres prêtés.

« La disparition de ces obligations contractuelles, qui ont jusqu’ici empêché Bouygues de vendre une large participation, ouvrira la porte à de toutes nouvelles opportunités de cessions », écrivait Exane.

Bercy a confirmé mardi soir, comme deux sources au fait du dossier l’avaient dit la veille à Reuters, que l’Etat n’exercerait pas ces options d’achat.

Lors des accords de 2014 avec GE et l’Etat, Bouygues avait fixé à 35 euros le prix minimum de l’action Alstom auquel il serait susceptible de céder sa participation. A l’époque, le titre se négociait autour de 21 euros.

L’accord entre Alstom et Siemens peut permettre à la future entité d’atteindre des niveaux de valorisation plus conformes aux attentes de Bouygues.

L’action Alstom a clôturé à 33,64 euros mardi, avant l’officialisation de l’accord avec Siemens. Elle a pris plus de 10% depuis le 21 septembre, quand les spéculations ont été relancées sur un rapprochement entre le constructeur du TGV et la branche de matériel roulant et de signalisation ferroviaire du conglomérat allemand.

(Avec Reuters)

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