Six dirigeants du football mondial arrêtés à Zürich

Un séisme a frappé la Fifa mercredi avec l’arrestation à Zurich, de sept responsables soupçonnés de corruption, à deux jours de l’élection pour la présidence. 11 personnes ont été suspendues.

Un séisme a frappé la Fifa mercredi 27 mai avec l’arrestation à Zurich, à la demande des autorités américaines, de sept responsables soupçonnés de corruption, à deux jours de l’élection pour la présidence qui voit Joseph Blatter briguer un cinquième mandat. En soirée, la Fifa a suspendu 11 personnes, dont Jeffrey Webb, un de ses vice-présidents.

Selon les autorités suisses, les sept responsables interpellés au matin sont soupçonnés d’avoir accepté des dessous-de-table d’un montant de plusieurs millions de dollars des années 1990 à nos jours.

L’élection à la présidence de la Fifa aura lieu comme prévu vendredi malgré cette révélation a assuré lors d’une conférence de presse Walter De Gregorio, directeur de la communication de l’instance.

Walter De Gregorio a également déclaré que le président de la Fifa, Joseph Blatter, et son secrétaire général Jérôme Valcke « ne sont pas impliqués » dans cette affaire.

Soupçon « de blanchiment d’argent et gestion déloyale »

Le ministère américain de la Justice a annoncé mercredi l’inculpation pour corruption de neuf élus de la Fifa et cinq partenaires de cette instance mondiale du football, pour des faits s’étalant sur les 24 dernières années.

Par ailleurs, le siège de la Confédération de football d’Amérique du nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf), situé à Miami, a été perquisitionné dans le cadre de cette procédure, a précisé le ministère dans un communiqué.

Une conférence de presse du procureur de Brooklyn, en charge du dossier, est prévue à 10H30 locales (14H30 GMT).

Les partenaires de la Fifa inculpés sont des professionnels du marketing sportif, a-t-il ajouté, précisant qu’ils sont soupçonnés d’avoir « payé de manière systématique et accepté de payer bien au-delà de 150 millions de dollars en pots-de-vin et rétrocommissions pour obtenir de lucratifs droits médiatiques et marketing pour les tournois internationaux de football ».

Certains accusés et personnes ayant accepté de plaider coupable risquent jusqu’à 20 ans de prison, outre les sanctions financières.

Les faits supposés de corruption « s’étalent sur deux générations au moins de dirigeants du football, présumés avoir tiré profit de leur capital confiance pour encaisser des millions de dollars en pots-de-vin et rétrocommissions », a relevé la ministre de la Justice, Loretta Lynch, qui avait ouvert elle-même la procédure à l’époque où elle occupait le poste de procureur du district Est de New York.

« Ces inculpations évoquent une corruption endémique, généralisée et profondément ancrée à la fois à l’étranger et ici aux Etats-Unis », a-t-elle ajouté.

Le ministère américain a précisé que les faits incriminés portaient sur plusieurs matches et tournois en relation avec la Concacaf, ainsi que lors de la sélection du pays hôte de la Coupe du monde 2010 – qui s’est déroulée en Afrique du Sud – et de l’élection à la présidence de la Fifa en 2011.

Il a également mentionné des faits similaires liés au sponsoring de la Fédération brésilienne de football (CBF) par une « importante société américaine d’équipement de sport », non identifiée.

Les personnes inculpées sont: Jeffrey Webb, vice-président de la Fifa et président de la Concacaf; Eduardo Li, membre des comités exécutifs de la Fifa et de la Concacaf; Julio Rocha, chargé du développement à la Fifa; Costas Takkas, attaché au cabinet du président de la Concacaf; Eugenio Figueredo, actuel vice-président de la Fifa; Rafael Esquivel, membre du comité exécutif de la Conmebol; José Maria Marin, membre du comité d’organisation de la Fifa pour les jeux Olympiques; Nicolas Leoz, ancien membre du comité exécutif de la Fifa, ainsi que le sulfureux Jack Warner, un ancien membre du comité exécutif de la Fifa, déjà impliqué dans de nombreuses affaires de corruption.

Les sept premiers de cette liste ont été arrêtés mercredi matin à Zurich, en Suisse, à la demande des autorités américaines. Un congrès de la Fifa, avec élection de son président, est prévu jeudi dans cette ville.

Selon la justice américaine, quatre personnes ont par ailleurs plaidé coupable – dont Charles Blazer, ex-secrétaire général de la Concacaf et Daryll Warner, fils de Jack Warner et ex-employé de la Fifa – ainsi que deux entreprises – dont l’une a accepté de payer 151 millions de dollars d’amende.

Dans une procédure distincte, le parquet suisse a annoncé avoir saisi des documents électroniques au siège de la Fifa à Zurich. Ces saisies ont eu lieu dans le cadre d’une procédure pénale contre X pour soupçon « de blanchiment d’argent et gestion déloyale » entourant les attributions des Coupes du monde de football de 2018 et 2022. Cette procédure, ouverte depuis le 10 mars, n’avait pas été rendue publique jusqu’à aujourd’hui.

Le New York Times, qui a révélé les arrestations des six responsables, a indiqué que des policiers suisses se sont présentés au petit matin dans le luxueux hôtel cinq étoiles Baur Au Lac du centre de Zurich, où sont logés les principaux dirigeants de la Fifa. Deux hommes non menottés ont été emmenés. Parmi eux, figurait Eduardo Lio, du Costa Rica.

Selon le quotidien new-yorkais, les accusations visent des faits de corruption au cours des vingt dernières années. Elles portent notamment sur des attributions de Coupes du monde, de droits de marketing et de télévision. Les accusations visent également des escroqueries par voie électronique, des faits de racket et de blanchiment d’argent.

Les accusations concernent au total une dizaine de personnes, précise le journal, mais certaines d’entre elles ne se trouvent pas actuellement à Zurich.

Jack Warner impliqué

Parmi les dirigeants présents ou passés de la Fifa visés par les accusations figurent Jeffrey Webb (Iles Caïman), Eugenio Figueredo (Uruguay), tous deux membres du comité exécutif, et Jack Warner (Trinité-et-Tobago), un ancien membre du comité exécutif, déjà impliqué dans de nombreuses affaires de corruption.

Une porte-parole de la Fifa a indiqué à l’AFP que l’instance cherchait « à clarifier la situation » après ces arrestations. Une conférence de presse a été convoquée à 11h00 locales (09h00 GMT) au siège de la Fédération, en présence de Walter De Gregorio, directeur de la communication.

Le Prince Ali, candidat à la présidence vendredi face à Sepp Blatter, a, lui, évoqué dans un bref communiqué « un jour triste pour le football ». « L’affaire connaît ses développements actuellement, des détails émergent, il ne serait pas approprié de faire d’autres commentaires pour l’heure », a-t-il ajouté.

« La police cantonale a arrêté six fonctionnaires du football (…) à la demande des autorités américaines. Des représentants des médias sportifs et de sociétés de marketing sportif seraient impliqués dans des versements à de hauts fonctionnaires d’organisations footballistiques (des délégués de la Fifa et d’autres personnes appartenant à des organisations affiliées à la Fifa) en échange de droits médiatiques et des droits de marketing de compétitions organisées aux Etats-Unis et en Amérique du Sud », a indiqué le ministère suisse de la Justice dans un communiqué, précisant agir à la demande du parquet du district est de New York. La procédure avait été ouverte par le procureur Loretta Lynch, devenue entre-temps ministre de la Justice de Barack Obama.

Demande d’extradition

« Selon la demande d’arrestation américaine, l’entente relative à ces actes aurait été conclue aux Etats-Unis, où ont également eu lieu les préparatifs. Des paiements auraient transité par des banques américaines », ajoute le communiqué suisse.

Les suspects interpellés font l’objet d’une demande d’extradition américaine.

Ils vont être entendus par la police de Zurich. Ceux qui accepteront leur extradition feront l’objet d’une procédure simplifiée « par laquelle l’OFJ (Office fédéral de la Justice) pourra sans délai approuver la demande d’extradition vers les Etats-Unis et l’exécuter ».

Pour ceux qui s’y opposeront, « l’OFJ priera les Etats-Unis de faire parvenir une demande formelle d’extradition à la Suisse dans le délai de 40 jours prévu par le traité d’extradition en vigueur entre les deux pays », selon le communiqué.

J. Blatter: « Nous nous assurerons que ceux impliqués seront exclus du jeu »

Ce coup de filet spectaculaire intervient à deux jours de l’élection à la présidence de la Fifa, où Joseph Blatter, à sa tête depuis 1998, briguera un cinquième mandat.

Joseph Blatter, âgé de 79 ans, est au centre de nombreuses critiques pour sa gouvernance de la richissime instance, qui a enregistré un chiffre d’affaires de près de 2 milliards d’euros en 2014, année de la dernière Coupe du monde. Dans un communiqué, il a réagi en soirée: « C’est un moment difficile pour le football, les supporteurs et la Fifa. De tels comportements n’ont pas leur place dans le football et nous nous assurerons que ceux impliqués seront exclus du jeu »

De nombreuses accusations de corruptions, relayées par les médias, ont visé l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar.

(AFP)