Stade de Bordeaux: l'encombrant boulet du partenariat public-privé

« Ce sera l’une de mes premières négociations : mettre un terme à ce contrat. » En novembre 2019, Pierre Hurmic, alors candidat écologiste à la mairie de Bordeaux, ne faisait pas mystère de ses intentions au sujet du stade Matmut Atlantique, et en particulier du partenariat public-privé (PPP) qui a permis sa construction en 2015. « Il y a des marges de manœuvre pour en sortir », assurait-il, prévoyant de s’entourer des « meilleurs avocats », profession qu’il exerce lui-même. Un an et demi plus tard, celui qui a accédé à la mairie de la principale ville de la plus grande région de France ne tient tout à fait le même discours. Pas sur le constat de fond, sur « l’erreur stratégique depuis le départ » ; mais sur les modalités pour se défaire de cet encombrant boulet.

Aux origines du projet, au début de la dernière décennie, le coût du stade est estimé à 135 millions d’euros, puis 183 millions, et même très rapidement 199 millions. Les partenaires publics, l’État (28 millions), la région (15), la métropole (15) et la ville (17), avancent finalement 75 millions d’euros. Les Girondins, via leur actionnaire, M6, paient 20 millions en cash et s’engagent à verser à la municipalité un loyer de 3,85 millions par an. Vinci et Fayat

règlent 10 millions et seront concessionnaires via leur filiale Stade Bordeaux Atlantique (SBA). Enfin 114 millions sont empruntés pour le compte de la ville et de la métropole.

Une « ristourne » en janvier

Mais en 2016, le Canard enchaîné révèle la vraie facture, qui serait en réalité de… 359 millions ! Certaines clauses du contrat signé avec le consortium Vinci-Fayat auraient été mal comprises par l’ancienne municipalité. Laquelle répond que le PPP rapportera de toute façon 94 millions à la ville sur 30 ans, et qu’elle en deviendra alors propriétaire, donc que cela reste une « bonne affaire ». Ce n’est pas vraiment ainsi que l’on pourrait qualifier le stade, à l’heure actuelle. La dette dépasse les 10 millions d’euros pour la société gestionnaire, SBA, et avoisine les 120 millions d’euros, initialement à la charge de la mairie de Bordeaux, qui l’a transférée à la métropole en contrepartie d’un versement annuel de 2,4 millions d’euros en 2016.

Dans ces conditions, difficile d’imaginer que Pierre Hurmic ait fondamentalement changé d’avis sur le sujet du stade. D’autant moins que les Girondins ont demandé en janvier, et obtenu, une « ristourne » d’un montant d’1,46 million d’euros sur le loyer versé à la métropole, arguant du manque à gagner dû à l’absence de public. Un geste contre lequel a voté une partie de la Gauche, dont le maire de Bordeaux. Mais se désengager du PPP aurait un coût extrêmement élevé : « Le contrat a été cadenassé par Vinci et Fayat ; c’est presque impossible d’en sortir », confie un avocat consulté sur le sujet. Pierre Hurmic a espéré un temps que les Girondins de Bordeaux rachètent le stade. Mais, plombé par 50 millions d’euros de déficit, le club n’en a tout simplement pas les moyens, lui qui vient d’annoncer un plan social avec 26 licenciements. Dans ces conditions, il ne reste pas pléthore d’options au maire de Bordeaux, et le statu quo semble même être la seule issue possible…

Par Jean Berthelot de La Glétais, correspondant à Bordeaux

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