Tehtris, future première licorne française du cyber?

La France tiendrait-elle enfin sa future licorne cyber ? La start-up bordelaise Tehtris, fondée par deux anciens experts cyber de la DGSE, a annoncé jeudi 12 novembre une levée de fonds de 20 millions d’euros. Celle-ci, souscrite par le fonds Brienne III d’ACE Management, le fonds Open CNP de l’assureur CNP, la région Nouvelle-Aquitaine et des business angels, est pour l’instant la deuxième plus grosse levée du secteur cyber en 2020, après celle de CybelAngel (34 millions d’euros), bouclée en février dernier. L’objectif de l’opération est clair : « accélérer notre rôle d’acteur majeur au service d’une souveraineté numérique européenne, en renforçant nos équipes techniques, commerciales et marketing », explique Eléna Poincet, directrice générale et cofondatrice du groupe.

La pépite française, qui affiche aujourd’hui une soixantaine de salariés, s’apprête ainsi à changer de dimension. « Nous prévoyons la création de plusieurs centaines d’emplois en trois ans, principalement en région Nouvelle-Aquitaine et à Paris », indique Laurent Oudot, cofondateur et directeur technique de Tehtris. Si elle ne communique par son chiffre d’affaires, celui-ci serait, selon nos informations, d’un peu moins de 10 millions d’euros, avec une très forte croissance et un résultat net positif. « Comme CybelAngel, Alsid, Gatewatcher ou Skreen, Tehtris fait partie de ces start-up cyber qui ont réussi à se muter en « scale-up », résume Gérôme Billois, associé au cabinet Wavestone et auteur d’un radar annuel des start-up cyber françaises. L’enjeu pour eux est désormais d’accélérer à l’international pour devenir un véritable acteur mondial ». Tehtris vise dans un premier temps l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Suisse, l’Autriche et l’Europe de l’Est.

Unité 8200

La société est, avec son compatriote HarfangLab, une des rares start-up françaises à avoir été créée par des experts cyber issus des services de renseignement français : ses deux fondateurs se sont rencontrés à la direction technique de la DGSE, mise en lumière dans les deux dernières saisons de la série de Canal+ le Bureau des légendes. « C’est une start-up de type Unité 8200, du nom de l’unité de renseignement électromagnétique de l’armée israélienne, dont les anciens agents ont créé de nombreuses start-up cyber, explique Bernard Barbier, fondateur du cabinet BBCyber et ancien directeur technique de la DGSE. Jusqu’à présent, ce n’était pas tellement dans la culture française, mais on peut espérer que cet

La France tiendrait-elle enfin sa future licorne cyber ? La start-up bordelaise Tehtris, fondée par deux anciens experts cyber de la DGSE, a annoncé jeudi 12 novembre une levée de fonds de 20 millions d’euros. Celle-ci, souscrite par le fonds Brienne III d’ACE Management, le fonds Open CNP de l’assureur CNP, la région Nouvelle-Aquitaine et des business angels, est pour l’instant la deuxième plus grosse levée du secteur cyber en 2020, après celle de CybelAngel (34 millions d’euros), bouclée en février dernier. L’objectif de l’opération est clair : « accélérer notre rôle d’acteur majeur au service d’une souveraineté numérique européenne, en renforçant nos équipes techniques, commerciales et marketing », explique Eléna Poincet, directrice générale et cofondatrice du groupe.

La pépite française, qui affiche aujourd’hui une soixantaine de salariés, s’apprête ainsi à changer de dimension. « Nous prévoyons la création de plusieurs centaines d’emplois en trois ans, principalement en région Nouvelle-Aquitaine et à Paris », indique Laurent Oudot, cofondateur et directeur technique de Tehtris. Si elle ne communique par son chiffre d’affaires, celui-ci serait, selon nos informations, d’un peu moins de 10 millions d’euros, avec une très forte croissance et un résultat net positif. « Comme CybelAngel, Alsid, Gatewatcher ou Skreen, Tehtris fait partie de ces start-up cyber qui ont réussi à se muter en « scale-up », résume Gérôme Billois, associé au cabinet Wavestone et auteur d’un radar annuel des start-up cyber françaises. L’enjeu pour eux est désormais d’accélérer à l’international pour devenir un véritable acteur mondial ». Tehtris vise dans un premier temps l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Suisse, l’Autriche et l’Europe de l’Est.

Unité 8200

La société est, avec son compatriote HarfangLab, une des rares start-up françaises à avoir été créée par des experts cyber issus des services de renseignement français : ses deux fondateurs se sont rencontrés à la direction technique de la DGSE, mise en lumière dans les deux dernières saisons de la série de Canal+ le Bureau des légendes. « C’est une start-up de type Unité 8200, du nom de l’unité de renseignement électromagnétique de l’armée israélienne, dont les anciens agents ont créé de nombreuses start-up cyber, explique Bernard Barbier, fondateur du cabinet BBCyber et ancien directeur technique de la DGSE. Jusqu’à présent, ce n’était pas tellement dans la culture française, mais on peut espérer que cet exemple en inspire d’autres. » Dans le petit milieu du cyber, l’Unité 8200 est une sacrée référence: selon le livre Israël, le 6ème GAFAM? (VA Press), les anciens agents de l’unité ont créé plus de 1.000 start-up, et représentent 25% des effectifs de la filière cyber israélienne.

Fondé en 2010, Tehtris s’appuie sur une plateforme logicielle ultra-avancée, dite XDR (eXtended Detection & Response). Cet outil intégré détecte et bloque automatiquement les menaces sur tous les segments à risque : réseaux, serveurs, postes de travail, courriers électroniques, tablettes, smartphones, cloud, applications… La plateforme, qui s’améliore sans cesse grâce aux algorithmes d’intelligence artificielle développés en interne, a déjà fait l’objet d’une reconnaissance internationale : Tehtris a été primé en 2019 et 2020 lors du salon RSA de San Francisco, le grand raout mondial du cyber, obtenant plusieurs prix face à 3.000 autres start-up du secteur. « Techniquement, Tehtris est au niveau de Crowdstrike, le géant américain du secteur, qui est valorisé près de 30 milliards de dollars, estime Bernard Barbier, qui va entrer au « Advisory Board » du groupe. La société a le potentiel pour être la licorne française du cyber dont la France a besoin. »

Défense cyber automatisée

Tehtris assure en tout cas n’avoir aucun complexe face aux géants du secteur (Microsoft, Palo Alto, Cisco, FireEye…). « On les bat régulièrement dans les appels d’offres, assure Laurent Oudot. Quand on regarde le marché, on est parmi les seuls acteurs au monde à savoir bloquer automatiquement des ransomwares (rançongiciels), ce que beaucoup de géants ne savent pas faire ». Face aux 3 à 4 millions de logiciels malveillants créés chaque semaine dans le monde, Tehtris a en effet automatisé la défense cyber. Ses algorithmes et robots logiciels combattent automatiquement les tentatives d’espionnage ou de sabotage. Un programme dit SOAR (Security Orchestration, Automation and Response) lance automatiquement les contre-attaques en bloquant ou en supprimant les intrus. « Nos algorithmes et robots logiciels affrontent à la fois des pirates humains et d’autres algorithmes, indique Laurent Oudot. Avec cette automatisation poussée, on a calculé que ce système nous permet de faire, avec 60 salariés, le travail de 2.000 à 3.000 experts. »

De quoi accéder au statut de licorne (valorisation de plus d’un milliard d’euros)? Ce serait une première en France pour un acteur de lé cybersécurité. Si l’écosystème français a prouvé qu’il savait créer des start-up cyber (dont le nombre est passé de 100 à 152 de 2017 à 2020 dans le radar cyber de Wavestone), aucune société tricolore n’a réussi à s’imposer parmi les licornes américaines (Crowdstrike), israéliennes (CyberArk, CheckPoint) ou britanniques (Darktrace). Le contrat stratégique de la filière des industries de sécurité, signé par l’Etat et la filière en janvier dernier, ambitionne de créer « au moins trois licornes » dans le secteur cyber. S’il poursuit sa trajectoire de croissance, Tehtris pourrait bien être l’une d’entre elles.

« Valorisations surréalistes »

Laurent Oudot assure en tout cas n’avoir aucune intention de vendre la société à un acteur étranger. « Des sociétés du Fortune 500 nous ont déjà fait des propositions avec des valorisations surréalistes, on ne les a même pas regardées », raconte le cofondateur de Tehtris. L’ancien agent de la DGSE appelle au contraire à une structuration de l’écosystème français, pour « chasser en meute » à l’export et répondre à l’entrisme des acteurs israéliens et américains sur le marché français. « On est dans une guerre économique, il faut se mettre en position de la gagner », juge-t-il.

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