Travail dominical: le laboratoire de la méthode Macron

Déverrouiller l’économie française, créer des opportunités, encourager la mobilité… La Loi Macron pour la croissance porte cette ambition tout en confiant aux partenaires sociaux le soin d’en négocier les modalités. Pas de changement sans accord, c’est le pari – risqué – du gouvernement. L’ouverture des grands magasins le dimanche constitue, en ce sens, un laboratoire de la méthode du ministre de l’Economie. Fin novembre, le rejet d’un accord au BHV, à l’issue d’un vote du personnel, a montré combien le sujet était difficile. « Le référendum a fait l’objet d’une polémique, avait minimisé Emmanuel Macron, car on a fait voter les démonstratrices qui n’étaient pas concernées par la mesure. Et les compensations indiquées étaient inférieures à celles qui sont débattues au niveau de la branche. » Hier, précisément, les négociations entre patronat et syndicats se sont terminées. Et l’on saura bientôt si la méthode gouvernementale, basée sur le donnant-donnant, fonctionne pour réformer. Les syndicats ont jusqu’au 23 décembre pour se prononcer. Puis 15 jours supplémentaires pour faire jouer éventuellement leur droit d’opposition, s’il est approuvé par au moins 30% des suffrages.

Que dit ce texte de 16 pages rédigé à l’issue d’un « processus long et difficile d’échanges et de rapprochements de points de vue », selon le communiqué de l’Alliance du commerce? L’accord concerne en premier lieu les salariés, soit 30.000 personnes employées dans 90 magasins en France. Il leur est proposé, sur la base du volontariat, de travailler au maximum 15 dimanches par an avec une rémunération double ce jour-là. Ceux-ci auront droit, par ailleurs, à 5 jours de repos compensateur ou bien payés selon leur choix. De même, le personnel à temps partiel pourra travailler un jour de moins par semaine sans perte de salaire s’il opte pour le dimanche. Et tous se verront proposer une indemnité de frais de garde des enfants de 30 euros ainsi qu’une prise en charge de leur titre de transport à hauteur de 60%.

Embauche spécifique

Parallèlement, le projet d’accord prévoit l’embauche spécifique de salariés pour l’ouverture dominicale. Ainsi, la douzaine de grands magasins concernés à ce jour, comme le Printemps et les Galeries Lafayette boulevard Haussmann, s’engagent à créer 1.200 postes nouveaux. Selon L’Alliance du commerce, leurs partenaires commerciaux pourraient en créer un nombre équivalent. Une opportunité pour les jeunes, les seniors et les handicapés qui seront privilégiés à l’embauche, selon le texte. Ainsi, une centaine de places seraient proposées prioritairement, sur critères sociaux, à des étudiants à l’université ou dans des écoles de commerce comme Novancia. « Ils toucheraient, au prix du Smic actuel, 160 euros brut par dimanche », indique-t-on de source syndicale.

Restent les démonstratrices qui constituent environ la moitié des personnels qui travaillent dans les grands magasins. Pour elles, rien n’est pour l’instant prévu. Le projet soumis aux syndicats ne les concerne pas. De même pour les commerces de moins de 11 salariés où seul un avis consultatif est nécessaire. Mais l’accord négocié par les partenaires sociaux pourrait servir de référence … à condition qu’ils le signent ou ne s’y opposent pas. Sinon, les négociations sur le travail dominical reprendront en 2016 au sein des entreprises comme le Printemps ou les Galeries Lafayette. Et la CGT comme FO, qui sont majoritaires, ont déjà fait savoir qu’elles y feraient obstacle.

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