Ukraine : incident dans une centrale nucléaire, dépendance accrue envers la Russie … ou les USA ?

Information passée quasiment inaperçue dans le flot incessant de sollicitations encombrant notre cerveau  : un accident s’est produit vendredi 28 novembre dans une centrale nucléaire en Ukraine. C’est en effet ce qu’a indiqué Kiev ce mercredi, le gouvernement ukrainien assurant bien entendu qu’il n’y avait aucune risque d’émission de matières radioactives.

– Un incident vraiment sans gravité ? –

Puisqu’on vous dit que l’incident est sans gravité … il y a de fortes « chances » que vous ayez du souci à vous faire … surtout quand l’incident – que certains auraient eu intérêt à avoir provoqué … – a de fortes probabilités d’étendre encore plus la dépendance énergétique d’un pays comme l’Ukraine envers la Russie. Laquelle Russie dispose très certainement de tous les plans des installations nucléaire de l’ancienne  République socialiste soviétique d’Ukraine, l’une des 15 républiques formant l’Union soviétique.  Je sens comme un froid traverser votre dos … Froid qui pourrait devenir encore plus vif si l’on vous disait que le loup US pourrait attendre – plus ou patiemment – son heure …

Rappelons enfin que la centrale concernée est celle de Zaporijia dans le sud-est de ce pays, d’ores et déjà marqué par la catastrophe de Tchernobyl. Ou quand le destin se veut tenace …

Mais rassurez-vous ! Selon le ministre de l’énergie Volodymyr Demtchichine, « il s’agit d’un court-circuit », ce dernier ajoutant que des tests étaient programmés pour jeudi et vendredi et que l’événement n’était source d’« aucune menace ». On aimerait le croire …. « A partir de vendredi, la situation reviendra à la normale. Il n’y a aucun problème avec le réacteur » a-t-il même tenu à marteler, ajoutant que « l’incident n’est en aucune façon lié au réacteur ».

Plus précisément, il s’agirait d’un court-circuit dans le système électrique du réacteur 3 de la centrale, lequel n’aurait pas affecté le réacteur lui-même, aucun rejet radioactif n’étant dans ce cas à déplorer. Des informations par ailleurs confirmées par Michel Chouha, expert à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (IRSN), lequel écarte également tout danger de contamination radioactive.

Il n’en demeure pas moins que même si l’incident se veut être sans gravité, « tous les efforts sont concentrés pour réparer le site », ce qui ne présage rien de bon ….. Si je comprends bien le français, certes traduit de l’ukrainien, cet incident réputé sans gravité … nécessité tout de même une réparation .. laquelle implique de concentrer moult énergie … On se doit également de noter que de simples cas de dommages causés au réseau électrique extérieur ou aux générateurs de secours pourraient impacter le refroidissement des cœurs des réacteurs, conduisant alors potentiellement à un accident majeur du type de celui de Fukushima au Japon.

Rappelons qu’en avril 2014, des experts de l’OTAN (NATO) s’étaient rendus sur place, afin de « conseiller les autorités ukrainiennes sur les plans de secours et les mesures de sûreté dans le contexte de possibles menaces sur les infrastructures énergétiques critiques ». Histoire d’apaiser les foules et les esprits, l’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) indique certes que, selon son homologue ukrainien, « la production nucléaire n’est pas affectée par les événements du point de vue de la sûreté ou de la protection physique des sites », tentant ainsi de minimiser l’impact du conflit actuel entre Russie et Ukraine sur les infrastructures nucléaires du pays.

– L’Ukraine au bord d’une grande crise énergétique

Petit rappel et non des moindres : les centrales nucléaires représentent entre 44% et 46 % de la production énergétique de l’Ukraine. Un dysfonctionnement de ses structures l’obligerait donc à se tourner vers son voisin russe pour satisfaire ses besoins, alors que l’hiver s’installe.

Outre la centrale de Tchernobyl – dont le dernier des quatre réacteurs a été définitivement arrêté en 2000 – le pays dispose de quatre autres sites nucléaires : Rovno et Khmelnitski au nord-ouest, Ukraine-sud au centre et Zaporijia au sud-est lesquels représentent au global 15 réacteurs d’une puissance cumulée de 13 gigawatts, qui assurent près de la moitié de la production d’électricité nationale (46 % en 2012).

Rappelons que l’Ukraine se trouve au bord d’une pénurie énergétique majeure depuis la perte d’une grande partie du bassin houiller du Donbass, désormais passée (simple coïncidence ? ) sous contrôle d’une rébellion pro-russe, la région lui fournissant auparavant le charbon nécessaire au fonctionnement de ses centrales thermiques. Des coupures d’électricité sont d’ores et déjà à redouter dans le pays. Dès mercredi, le ministre ukrainien de l’Énergie a déclaré qu’il était « inévitable » pour Kiev de devoir importer directement de l’électricité depuis la Russie.

– Conflit Ukraine/Russie : quel impact sur la sûreté des installations ?

Il n’en demeure pas moins qu’à la lumière de cet incident, nous ne pouvons que nous inquiéter de la menace que constitue le conflit actuel opposant Russie et Ukraine en terme de sûreté de ces installations. Tout en redoutant les impacts géopolitiques que pourrait avoir une pénurie énergétique ukrainienne, la jetant dans les bras d’une Russie dotée d’importantes ressources en gaz. Ressources qui constituent même une des bases les plus importantes de son économie.

Autre menace : la très forte dépendance de Kiev vis-à-vis de Moscou, en ce qui concerne la fourniture du combustible et des composants de ses réacteurs, éléments indispensables à leur bon fonctionnement …

Michel Chouha, de l’IRSN, précise ainsi que les 15 réacteurs situé sur territoire ukrainien sont « de conception soviétique » . Ce qui les rend tributaires du combustible et des pièces que la Russie livre à leur opérateur, Energoatom, Compagnie nationale publique de production d’énergie nucléaire d’Ukraine. En cas de durcissement du conflit entre les deux protagonistes, « les relations entre le constructeur et l’exploitant pourraient être coupées, ce qui serait préjudiciable à la sûreté », prévient-il.

Ajoutant qu’  »en cas de défaillance d’une pompe, d’une soupape ou d’un générateur de vapeur, l’exploitant se retrouverait alors en panne de pièces détachées, du moins certifiées conformes et dûment testées ».

Elément qui n’est pas fait pour nous rassurer : les réacteurs ukrainiens, construits pour la plupart dans les années 1970 et 1980, sont vieillissants. Cerise – radioactive ? – sur le gâteau, de type VVER (caloporteur et modérateur eau), ces infrastructures souffrent de faiblesses structurelles. Petit espoir : leur principe de fonctionnement est proche de celui des réacteurs à eau pressurisée occidentaux et notamment français.

– Etats-Unis et firme US : arrivée  en sauveur ?

L’approvisionnement de l’Ukraine en combustible nucléaire constitue désormais un problème de plus en plus crucial.

S’il est fourni à l’heure actuelle par la compagnie moscovite TVEL, une des branches du consortium Atomenergoprom, qui regroupe l’ensemble des acteurs de la filière atomique russe, en vue nous dit-on de diversifier ses fournisseurs, l’Ukraine s’est tournée depuis quelques années vers l’Américain Westinghouse. Elle a même conclu avec lui, en 2008, un accord pour la fourniture d’assemblages d’uranium enrichi.

Certes, un rapport daté du 13 octobre, de l’Association nucléaire mondiale rapporte que les essais de combustible menés récemment dans la centrale d’Ukraine-sud, ont été « jugés infructueux ». Pire encore, il auraient entraîné de lourdes pertes pour Energoatom.

Conséquences qui n’ont toutefois pas empêché la signature en avril 2014, d’une prolongation de l’accord avec Westinghouse  jusqu’en 2020.

Russie et Etats-Unis semblent enfin se livrer une concurrence acharnée  sur le dossier, alors qu’Energoatom a annoncé, fin novembre, la signature d’un nouveau contrat avec TVEL en vue de lui fournir le combustible nucléaire sur la période 2015-2016.

Sources : AFP, Le Monde, Reuters, IRSN

http://www.leblogfinance.com/2014/12/ukraine-incident-dans-une-centrale-nucleaire-dependance-accrue-envers-la-russie-ou-les-usa.html

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 06 décembre 2014

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