Vaccin: querelle de piqûres entre médecins et pharmaciens

Début février, la Haute Autorité de santé, l’instance qui veille à la qualité des soins en France, a donné son feu vert à la vaccination en pharmacie, uniquement pour le produit d’AstraZeneca. Ce qui a déclenché une levée de boucliers chez les médecins. « C’est inutile et prématuré, fustige Jean-Paul Ortiz, néphrologue à Perpignan et président de la puissante Confédération des syndicats médicaux français. On ne manque pas de bras pour vacciner, mais de doses à injecter. »

De fait, le ministère de la Santé distribue le précieux sérum au compte-gouttes. La première semaine, il avait à peine 55.000 flacons de dix doses à répartir entre les quelque 103.000 médecins libéraux, dont 60.000 généralistes. « Le vaccin AstraZeneca est, pour l’instant, réservé aux personnes les plus fragiles de 50 à 64 ans, poursuit Jean-Paul Ortiz, donc c’est aux médecins, qui connaissent bien leurs patients, d’effectuer l’ordre de priorité. » Et le syndicaliste de brandir la fréquence des effets indésirables ou le faible recul sur le produit pour repousser à plus tard la vaccination par les pharmaciens.

« Corporatisme caricatural »

Des arguments qui font bondir Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine: « Avec la montée en puissance des vaccins AstraZeneca et Janssen dans les semaines à venir, l’appui des pharmaciens sera

de toute façon indispensable. Jean-Paul Ortiz, comme les autres dirigeants de syndicats médicaux, fait preuve d’un corporatisme caricatural. En pleine guerre sanitaire, on ne tire pas sur ses alliés! » Le pharmacien de Montélimar juge, en outre, largement exagérés les risques agités autour du nouveau vaccin qui peuvent se traiter par « quelques comprimés de paracétamol ».

Surenchère électorale

D’après lui, c’est d’abord la campagne des élections professionnelles chez les médecins libéraux, prévues du 31 mars au 7 avril, qui incite Jean-Paul Ortiz à jouer la surenchère: « Les médecins de terrain ne seront pas dupes. Ce n’est pas en s’essuyant les pieds sur le paillasson du pharmacien qu’il gagnera des voix. » Une attaque balayée par l’intéressé: « Je n’ai pas fait dix ans d’études pour me battre pour faire des piquouses », ironise-t-il. Tout en reconnaissant qu’avec huit listes syndicales en concurrence, l’éparpillement des candidatures est maximal. Lui compte d’ailleurs œuvrer, après les élections, pour rassembler le pôle des syndicats de médecins réformistes derrière sa bannière. Et quoi de mieux pour fédérer que de raviver les vieilles querelles.

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