Analyse et Stratégie : Hausse des taux longs (si elle a lieu…), les actions qui en profitent, celles à éviter

Pas de secret, Jerome Powell, le président de la Fed, l’a encore répété à l’occasion du symposium de Jackson Hole la semaine dernière : la hausse progressive des taux d’intérêt de la part de la Réserve fédérale est le meilleur moyen de préserver la dynamique de l’économie américaine, de favoriser une croissance de l’emploi aussi forte que possible et de maîtriser l’inflation. Dès lors, il ne fait aucun doute, sauf si peut-être l’impact de la guerre commerciale se fait trop fort sur les entreprises et l’économie réelle, que les hausses de taux directeurs vont se poursuivre aux Etats-Unis dans les prochains mois. A court terme, il faut déjà s’attendre à un nouveau tour de vis en septembre, le huitième depuis 2015, avant un autre, très certainement, en décembre.

En Europe également, l’heure est plutôt à un prochain resserrement de la politique monétaire, même si une première hausse des taux directeurs n’est pas attendue avant l’été 2019.

Rien n’est acquis pour les taux longs…

« Pour autant, et l’exemple américain le montre bien, la hausse des rendements longs n’est pas assurée, indique le cabinet Oddo BHF dans une note publiée ce mardi. Les déterminants contradictoires s’accumulent. L’inflation hors énergie reste très modérée à l’instar de l’évolution salariale (paradoxale dans un contexte de plein emploi outre-Atlantique). La montée en puissance des risques commerciaux et géopolitiques, en poussant l’aversion au risque, contribue à doper la demande d’actifs sans risque alors que l’accroissement du déficit budgétaire américain devrait générer l’effet inverse. Enfin, l’examen de l’évolution historique du ratio cuivre/or, fréquemment utilisée pour évaluer les anticipations cycliques (hausse : accélération du cycle) et du rendement de l’UST [Treasuries américains] plaide pour… une baisse des taux longs outre-Atlantique. »

Crédits photo : Oddo BHF

Bref, on le voit bien, si la thématique des taux longs va rester au centre de l’attention à court comme à moyen terme, difficile de prédire très précisément leur évolution. Il est quand même très utile de savoir qui, en Bourse, est susceptible de profiter d’une hausse des taux longs, et qui au contraire va en pâtir. C’est l’exercice auquel s’est livré le cabinet d’analystes dans cette même note. Pour y parvenir, ils ont examiné les corrélations sur six mois entre les variations de cours des actions et du taux sans risque à dix ans dans la zone euro.

Crédits photo : Oddo BHF

Il en ressort que les banques et le secteur de l’assurance sont naturellement très bien représentés. Mais aussi et surtout les entreprises liées aux matières premières, ressources de base et les cycliques avec la chimie et la construction. A l’inverse, les grands groupes du secteur des utilities et des services à l’environnement, traditionnellement fortement endettés, les foncières, voire la technologie, sont les plus pénalisés par les anticipations d’une hausse des taux longs. Tout comme les sociétés de l’alimentation et des boissons.

Et si l’on se penche sur les valeurs en particulier, Oddo BHF dresse une liste des gagnants et perdants de ce scénario.

En France, on relèvera du côté des actions qui profitent d’une hausse des taux longs, et par ordre de plus forte corrélation, Axa, Michelin, Crédit Agricole, Société Générale, BNP Paribas, Saint-Gobain, LafargeHolcim, Lagardère, Total et Essilor.

A l’inverse, les plus affectées potentiellement sont Teleperformance, Aéroports de Paris, Bureau Veritas, Dassault Systèmes, Sopra Steria Group, Capgemini et Veolia Environnement.

La courbe américaine continue de s’aplatir, c’est-à-dire que l’écart entre les taux longs et courts est de plus en plus faible. Elle a même passé un cap, soulignent les stratégistes de La Banque Postale AM (LBAM) : « depuis la semaine dernière elle est plus plate que la courbe japonaise ».

Plus qu’une anecdote, cette configuration peut inquiéter. Soit elle est due à une récession anticipée par les investisseurs, soit elle s’explique par une distorsion de la partie longue de la courbe de taux, liée à l’important stock de dette publique détenu par la Réserve fédérale. L’issue est alors plus favorable dans ce cas. Le récent discours du patron de la Fed, Jerome Powell, lors du Symposium de Jackson Hole plaide plutôt pour la seconde hypothèse. Pour le banquier central, la croissance américaine est solide.


Investir – Analyses et opinions – Les Echos Bourse