Crise en Guyane : fort impact sur Arianespace en pleine concurrence avec Space X et Mitsubishi

Le conflit social en Guyane impacte fortement Arianespace. Selon la société européenne, les conséquences financières se chiffreraient pour elle à plusieurs millions d’euros. Les mouvements sociaux ont en effet entraîné le blocage du site de lancement de la fusée Ariane à Kourou. Des coûts qui devraient avoir des incidences sur les comptes de Airbus Safran Launchers, coentreprise à parité entre Airbus et Safran, qui détient 74 % de Arianespace.

Un porte-parole de la société a toutefois confirmé son objectif de 12 lancements cette année. Une fois que les opérations auront repris, Arianespace compte en effet pouvoir limiter les retards aux trois campagnes actuellement en cours, un planning rendu possible du fait qu’aucun lancement n’était prévu en mai. En 2017, Arianespace vise jusqu’à sept lancements d’Ariane 5, ainsi que sur trois lancements du petit lanceur Vega et deux de la fusée russe Soyouz.

Reste que la porte-parole considère comme prématuré toute publication de chiffres consolidés, la date de reprise des opérations étant importante pour pouvoir établir un bilan global dans lequel chaque jour compte, financièrement parlant. Néanmoins, elle peut d’ores te déjà affirmer que l’impact « se comptera en millions, et non en milliers d’euros ».

Or, la reprise n’est pas encore à l’ordre du jour. Des manifestants se sont en effet installés mardi devant le centre spatial de Kourou, le plan de près de 1,1 milliard d’euros proposé par le gouvernement pour améliorer les conditions de vie dans ce département d’outre-mer leur semblant en effet insuffisant.

Mercredi dernier, lors de l’examen du plan en Conseil des Ministres, François Hollande avait déploré les « intimidations » sur place. Pour rappel, l’industrie spatiale assure 9.000 emplois directs et indirects en Guyane, ce qui correspond à 15% de la population active du département. Les emplois directs, au nombre de 1.700, sont pour les trois quarts des contrats locaux.

Selon les projections des analystes, entre 23 et 25 gros satellites commerciaux devraient être lancés, en moyenne, chaque année dans le monde. Les échecs récents de Proton et les calendriers d’ores et déjà surchargés d’Ariane 5 et de Falcon 9 de Space X, qui ne peuvent assumer à eux seuls la totalité de ces tirs, pourraient donner, dans les prochaines années, un coup de pouce au programme japonais ainsi qu’aux nouveaux arrivants sur ce marché, tels que les lanceurs indiens indiquait en janvier 2016 le journal « Les Echos ». « Nous ne sommes pas les seuls en lice. Mais nous affichons une excellente fiabilité », affirmait alors Koki Nimura, le directeur des lancements du conglomérat japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI), évoquant le développement d’une nouvelle génération de fusée japonaise beaucoup plus économique.

Le 24 novembre 2015, le groupe a pour réussi sa première véritable mission commerciale en plaçant avec succès en orbite un satellite géostationnaire de télécommunications du groupe privé canadien Telesat. « C’était une étape cruciale pour nous », déclarait à cette date Koki Nimura, y voyant une fenêtre d’opportunités exceptionnelle pour les lanceurs du groupe.

Début 2016, un « vol » de la fusée H-2A du groupe MHI était selon les experts, facturé plus de 10 milliards de yens, soit 81 millions de dollars, compte-tenu notamment du coût élevé du moteur LE-7 du lanceur et du désavantage géographique de la base de lancement utilisée. Partant de Tanegashima, au sud du Japon, soit loin de l’équateur, les fusées nippones ont besoin de plus d’énergie pour placer un satellite en orbite géostationnaire. Mais la nouvelle fusée H3 de MHI – promise pour 2020 – pourrait ne coûter «  que » 40 millions de dollars. De quoi être compétitive face à ses concurrents même si Space X n’a pas dit son dernier mot. Profitant d’une base plus proche de l’équateur et de technologies moins chères, la société aurait déjà réduit le coût d’un lancement à 60 millions de dollars et programmerait encore une baisse spectaculaire de ses prix avec ses éléments réutilisables.

Si Falcon Heavy, le lanceur lourd de Space X est certes très en retard sur son calendrier (le premier vol était prévu en 2013), il devrait néanmoins décoller cette année. Permettant alors à l’entreprise américaine de se porter candidate pour le lancement des satellites les plus lourds de l’U.S. Air Force …. et de concurrencer Arianespace sur le marché des gros satellites de télécommunications. Ce futur lanceur dotée d’une performance de 21 tonnes en version pourrait également révolutionner le marché s’il devient comme promis, totalement réutilisable, ses capacités en faisant alors un concurrent direct d’Ariane 5.

Les mouvements sociaux frappent donc Arianespace au pire des moments alors que la concurrence fait rage … Espèrons que les Guyanais ne tuent pas la poule aux œufs d’or … à la plus grande joie de Space X.

Sources : Reuters, Les Echos, Futura Sciences

Elisabeth Studer – 5 avril 2017 – www.leblogfinance.com

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