« La guerre des prix dans la grande distribution tire tout le monde vers le bas »

Georges Plassat, PDG de Carrefour, s’est plaint dans le Figaro « d’une guerre des prix qui fragilise l’emploi et se termine sur des ruines ». Partagez-vous son avis?

Il est normal de constater le caractère stupide de la guerre des prix. C’est une guerre sans vainqueur, tout le monde perd. Cette guerre des prix tire tout le monde vers le bas. Elle est un phénomène multifactoriel. Le premier facteur est la rivalité entre les grands de la distribution. Leclerc clame sa différence en ayant toujours dit qu’il était le moins cher. Il a gagné des parts de marchés par rapport aux autres qui étaient positionnés différemment. Cette guerre des prix n’est pas soutenue par un avantage compétitif véritable. Tous les grands groupes ont la même taille et des centrales d’achat comparables. 

Le deuxième facteur est qu’au cours des 30 dernières années, les grands de la distribution ont tué les marques.  Ils ont scié les branches sur lesquelles ils étaient assis. Ils ont tués les références classiques de la marque. Les prix ont été tirés vers le bas. Ils n’ont pas été soutenus grâce à un produit marketing. Il est donc impossible de vendre de la valeur. Il ne reste qu’à se positionner sur les prix avec un raisonnement court-termiste.

Le troisième facteur est l’apparition du low-cost. Il y a 7 ans, on anticipait que les parts du hard-discount représenteraient de 20 à 25% dans la grande distribution française. Ils représentent aujourd’hui en fait 12 à 13%. Le low-cost ne progresse plus mais régresse même. Les grands de la distribution ont créés des rayons internes pour concurrencer le low-cost. Le différentiel de prix entre hard discount et grande distribution s’est évanoui. La grande distribution classique est venue sur les plates-formes du hard discount alors qu’au contraire le low-cost est monté en gamme. 

Comment sortir de cette guerre des prix?

Le problème si on veut en sortir est d’avoir l’intelligence collective de laisser remonter progressivement les prix. Par exemple en 2011, dans les télécoms, la TVA est passée de 5,5% à 19,6%. SFR et Orange ont augmenté leurs tarifs. Bouygues n’a pas répercuté la hausse. 2 jours après, les autres opérateurs se sont alignés et n’ont pas augmentés leurs forfaits. Ils ont sacrifié 15 points de marges pour un avantage au final éphémère.

Quelles conséquences cette guerre des prix engendre-t-elle sur l’emploi en France?

Cette guerre des prix a des conséquences dramatiques. Pas tant pour la grande distribution qui est en position de force car le consommateur est bien obligé d’aller faire ses courses alors qu’il y a une consolidation du secteur. Cette situation est dramatique pour les PME et les agriculteurs qui sont les fournisseurs de la grande distribution. Le constat est assez noir : le contexte macro-économique libéral favorise la concurrence en Europe. Tout ce qui ressemble de près ou de loin à des ententes économiques sont sanctionnées. Pourtant quel est le bénéfice d’un système ultralibéral? Le consommateur y gagne dans un premier temps avec une réduction des prix mais dans un deuxième temps, …il n’a plus de travail.

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