Nabucco battu par TAP pour exporter le gaz d’Azerbaïdjan

 TAP qui rit, Nabucco qui pleure … nouvelle étape dans la guerre des pipelines.
Le consortium gazier azerbaïdjanais Shah Deniz II vient de retenir le projet de gazoduc TAP  pour ses livraisons de gaz vers l’Europe en contournant la Russie. Au grand dam de son concurrent, le projet de pipeline de Nabucco-Ouest. Le consortium, composé des géants BP, Statoïl (Norvège), Total (France) et Socar (Azerbaïdjan) aura au final préféré le projet Trans Adriatic Pipeline à celui porté par l’Union européenne.

Long de quelque 880 kilomètres, TAP (Trans Adriatic Pipeline) doit relier Thessalonique (Grèce) à Brindisi (sud de l’Italie) en traversant l’Albanie, puis en passant sous l’Adriatique. Le gaz en provenance de l’Azerbaïdjan transitera ensuite en Suisse via le gazoduc Transitgaz vers la France et l’Allemagne.
Le pipeline est détenu par le suisse EGL (42,5%), l’allemand EON Ruhrgas (15%) et le norvégien Statoil (42,5%). Ce dernier faisant également partie des groupes exploitant le gisement Shah Deniz. Le pipeline pourrait être opérationnel à partir de 2017 et pourrait transporter 10 milliards de mètres cubes (mmc) de gaz de la Caspienne par an et accroître sa capacité à un maximum de 20 mmc.
Trans Adriatic Pipeline (TAP) améliorera « la sécurité d’approvisionnement en gaz de l’Europe et, par là même, de la Suisse », tout en diversifiant les sources, a estimé pour sa part Axpo – initiateur du projet. Considérant par ailleurs que ce dernier permet de renforcer la position helvétique sur le marché en Europe.
Selon Axpo, l’Union européenne devrait voir ses besoins augmenter de 25 % d’ici 2035, selon les hypothèses les plus basses. En 2012, ses importations ont représenté près de 260 milliards de m3.

En février 2012, le consortium mené par le britannique BP qui exploite l’immense gisement gazier de Shah Deniz en Azerbaïdjan avait d’ores et déjà sélectionné le projet de gazoduc TAP au détriment d’ITGI  (Interconnexion Turquie – Grèce – Italie) . Créant une déconvenue de taille pour l’Italie et la Grèce … qui n’avaient pas besoin de cela … TAP et ITGI étant en compétition pour transporter le gaz de Shah Deniz vers l’Italie.
Mais l’Azerbaïdjan avait alors estimé que l’un des partenaires du projet, l’entreprise gazière grecque DEPA, ne serait pas capable de mener à bien la proposition. Redoutant en effet que la crise de la dette qui sévit actuellement en Grèce empêche Athènes de mener à bien le projet. Argument de poids : le plan de privatisation du gouvernement grec lancé en 2012 inclut DEPA.
Le consortium devant à terme décider lequel des deux gazoducs – Nabucco  et SEEP (South East Europe Pipeline) – pourraient transporter le gaz vers l’Europe Centrale.
Le choix de TAP constituait alors un sérieux revers pour ITGI, pipeline qui doit relier la Caspienne à l’Italie via la Turquie et la Grèce. Ses promoteurs sont le groupe italien Edison, le grec Depa et le turc Botas.
Rappelons que BP exploite le gisement gazier de Shah Deniz II et détient 25,5 % des parts, tout comme Statoil. Le reste est divisé entre l’entreprise publique azérie SOCAR, l’entreprise russe LUKOIL, l’iranienne NIOC, la française Total et l’entreprise turque TPAO.
Découvert en 1999, le champ de Shah Deniz, d’une superficie d’environ 860 km2, est situé à 70 km des côtes de l’Azerbaïdjan en mer Caspienne, une des régions mondiales les plus riches en gaz. Ses réserves constituent 1.200 milliards de m3 de gaz. La production gazière y a commencé en décembre 2006.

Mais au final, il n’est de surprise pour personne que les enjeux demeurent avant tout géopolitiques, l’Union européenne cherchant avant tout à réduire sa dépendance vis à vis du gaz russe. A noter également, que le projet initial d’acheminement du gaz iranien avait été abandonné, suite aux pressions internationales.

Quant à Nabucco, rappelons que la deuxième phase d’exploitation du champ de Shah Deniz , dont le coût est estimé autour de 10 milliards de dollars (7,1 milliards d’euros), était considérée jusqu’à présent comme la principale source potentielle d’approvisionnement du pipeline …
Le consortium chargé du projet soutenu par la Commission européenne, composé de OMV, du hongrois MOL, du roumain Transgaz, du bulgare Bulgargas, du turc Botas et du français GDF Suez, a indiqué que malgré son échec face au TAP, il chercherait à « développer les opportunités basées sur des sources de gaz alternatives ».
« Le besoin de diversification reste un défi pour le marché européen, en particulier dans les pays d’Europe centrale et du Sud-Est. Nous restons convaincus que l’itinéraire Nabucco est la seule alternative pour répondre à ces besoins« , déclare-t-il par ailleurs dans un communiqué.

Rappelons que le gazoduc a pour objectif d’acheminer quelque 30 milliards de mètres cubes de gaz par an de la Caspienne vers l’Europe. Le  pipeline devrait relier à terme la Turquie à l’Autriche via la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie sur une longueur de 3.900 kilomètres.  Mais  le projet s’est heurté  à de nombreuses  difficultés, liées en grande partie au manque de fournisseurs disposés  à l’alimenter.
En vue de relancer le projet, ses actionnaires ont récemment  proposé de construire un gazoduc plus court et moins coûteux,  dénommé Nabucco Ouest. Lequel acheminerait 10 à 23 milliards de mètres cubes de gaz de la frontière turco-bulgare à l’Autriche.

Elisabeth STUDER – www.leblogfinance.com  – 28 juin 2013


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