Optique, dentaire, audition: ce que prévoit le reste à charge zéro

C’est une mesure phare du plan santé de la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Surtout une mesure symbolique pour le pouvoir d’achat des Français, dont le déploiement a commencé en pleine crise des gilets jaunes, début 2019. La réforme du reste à charge zéro – ou « 100% santé » – sera totalement mise en œuvre au 1er janvier 2021. En attendant, son déploiement franchit une étape majeure le 1er janvier 2020, avec le remboursement intégral des lunettes et de certaines prothèses dentaires. Des changements importants et parfois complexes. Challenges vous aide à vous y retrouver.

• Le reste à charge zéro : qu’est-ce que c’est ?

Le reste à charge zéro vise à proposer le remboursement intégral par l’Assurance maladie et les complémentaires santé de certaines lunettes, prothèses dentaires et auditives. Dit autrement, l’objectif de cette réforme est qu’il reste au consommateur zéro euro à payer sur certains de ces équipements à l’horizon 2021. Selon un rapport de la commission des comptes de la santé en 2017, malgré une couverture santé très généreuse en France, le reste à charge reste très élevé dans trois secteurs : l’optique (22% en moyenne), le dentaire (43%) et l’audition (53%). « Aujourd’hui, 10,1% des Français renoncent à s’équiper d’appareil optique pour des raisons financières, ce chiffre monte à 16,8% pour les prothèses dentaires », argumentait le gouvernement en dévoilant cette réforme en 2018. Sur l’optique, par exemple, le taux de renouvellement des lunettes tous les deux ans a chuté ces dernières années, passant d’environ 35% du nombre total d’équipements vendus en 2013 à environ 23% en 2017, selon le cabinet Opus Line. « Environ 3 millions de personnes sont susceptibles de porter un appareil auditif en France », ajoute le ministère de la Santé, qui a évalué que seules 35% des personnes souffrant de déficience auditive étaient effectivement appareillées.

Quels types de soins et produits entrent dans le cadre du reste à charge zéro ?

Chaque secteur concerné par la réforme doit proposer un panier de soins et d’équipements dit « 100% santé », c’est-à-dire intégralement remboursés. « Les paniers proposés sans reste à charge en optique, en audiologie et en dentaire seront composés d’équipements de qualité qui permettent de répondre aux besoins essentiels des Français », assure le ministère de la Santé dans un communiqué. Pour Agnès Buzyn, la qualité doit être garantie « par exemple en termes d’amincissement ou d’antireflet pour les verres, ou, pour les audioprothèses, de discrétion des appareils ». Pour composer ces paniers et les conditions tarifaires, des négociations ont été menées distinctement avec chaque secteur (voir détails ci-dessous). Le cahier des charges à respecter pour les parties prenantes a été fixé par décret (daté du 11 janvier 2019).  « Les offres proposées dans le panier de soin seront amenées à progresser pour s’adapter aux évolutions techniques et aux besoins de santé des Français », ajoute le ministère. Outre ces paniers « 100% santé », le gouvernement met l’accent sur la « liberté de choix » des Français. Aussi, dans chacun de ces secteurs, ces derniers conservent la possibilité de choisir des équipements différents, à tarif libre et remboursés (ou pas) par leur complémentaire santé, selon les garanties proposées par leur contrat.

Source : ministère de la Santé

Qui peut bénéficier du reste à charge zéro ?

La mise en place du reste à charge zéro concerne « l’ensemble de nos concitoyens qui disposent d’une couverture complémentaire, soit environ 95% de la population », assure le ministère de la Santé. Petite précision de la Fédération française de l’assurance (FFA) : « Pour bénéficier du 100% santé, vous devrez obligatoirement avoir un contrat complémentaire santé ‘responsable’, qu’il soit individuel ou collectif. » Les complémentaires doivent avoir modifié les termes de ces contrats au 1er janvier 2020 pour y inclure le RAC zéro. Les personnes éligibles à la CMU-C et l’ACS, des dispositifs sous condition de ressources regroupés au sein de la complémentaire de santé solidaire depuis le 1er novembre 2019, sont également concernées.

Quel est le calendrier de la réforme du reste à charge zéro ?

Le déploiement du reste à charge zéro, dont le principe a été voté fin 2018, est progressif jusqu’au 1er janvier 2021. Il a démarré doucement dès 2019, avec la mise en place de plafonds de prix d’achat sur certains équipements, comme les audioprothèses, ou de limites sur certains frais dentaires. Prochaine étape majeure : le 1er janvier 2020, le RAC 0 entre en vigueur pour l’optique (montures et verres proposés dans des paniers bien définis) et, dans le dentaire, pour les couronnes et bridges du panier « 100% santé ». Enfin, au 1er janvier 2021, les aides auditives du panier « 100% santé » et les autres prothèses (notamment les dentiers amovibles) seront concernées aussi.

Qu’est-ce qui change, concrètement, pour les lunettes ?

A compter du 1er janvier 2020, les opticiens doivent proposer une gamme de lunettes sans reste à charge. Le cahier des charges négocié avec le gouvernement fixe très clairement les contours de cette offre « 100% santé ». Côté montures, cette offre comporte ainsi a minima 17 modèles pour adultes et 10 modèles pour enfants en deux coloris différents. Ces montures doivent respecter les normes européennes et être vendues à un prix inférieur ou égal à 30 euros. Attention, si le client opte pour une paire de lunettes « hors panier », c’est-à-dire plus haut de gamme, le remboursement est alors limité à 100 euros au lieu du plafond actuel de 150 euros. Le reste du prix sera à la charge du porteur de lunettes. Côté verres, l’offre est désormais scindée en deux : des verres dits de « classe A « , sans reste à charge (incluant automatiquement les options verre anti-rayures, aminci et anti-reflets), et de « classe B » pour le panier « libre ». « Aujourd’hui, le prix moyen d’une paire de lunettes à verres simples est de 290 euros, dont 135 euros pour les montures. Après le remboursement de 225 euros*, soit 78 % de la facture, par l’Assurance Maladie et la complémentaire santé, l’assuré doit encore payer en moyenne 65 euros », calcule le ministère de la Santé.

Selon Xerfi, qui a mené une étude pour le Rassemblement des opticiens de France (Rof), le 100% santé dans l’optique « cible une population nouvelle de 1.082.188 personnes, dont l’entrée sur le marché serait étalée sur deux ans, en raison notamment des délais d’obtention d’une ordonnance et de la mise à jour progressive des contrats responsables [des complémentaires santé, NDLR] », dont 541.094 nouveaux entrants sur le marché en 2020. Si l’afflux de nouveaux clients ferait augmenter le volume de ventes des opticiens de 4,2%, leur chiffre d’affaires global, lui, refluerait de 2,1% (-136 M€) en 2020, en raison de la baisse des prix des lunettes.   

* Montants basés sur les remboursements moyens constatés de 225 € (Assurance Maladie : 10 € et complémentaire santé : 215 €)

Qu’est-ce que le reste à charge zéro change pour le dentaire ?

En soins dentaires, trois paniers de soins sont prévus dans le dispositif du RAC zéro pour le dentaire alors que, selon la Drees, près de 17% des Français renoncent à des soins dentaires pour des raisons financières. Un taux qui grimpe à 28% pour les 20% des Français les plus modestes. Le panier de l’offre 100% santé comprend certains modèles de prothèses, couronnes et de bridges (selon la localisation de la dent soignée, à savoir si elle est visible ou non visible, du type de dent à traiter et du type de matériaux utilisés -céramique, métallique-) qui sont intégralement remboursés par l’Assurance maladie et les complémentaires santé. Cette offre sera complétée “par les autres prothèses à compter du 1er janvier 2021 avec un reste à charge nul pour l’assuré”, précise le ministère de la Santé. Un deuxième panier de prothèses aux “tarifs maîtrisés”, c’est-à-dire plafonnés, avec un reste à charge réduit est prévu. Enfin, un panier libre existe toujours : les tarifs sont fixés librement par le chirurgien-dentiste et le patient peut ainsi choisir les équipements et matériaux qu’il souhaite. Pour compenser les effets négatifs de la réforme sur les revenus des dentistes, l’Assurance maladie a signé en juin 2018 avec l’Union dentaire et la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) – qui représentent à eux deux 60 % des chirurgiens-dentistes – une nouvelle convention qui court jusqu’en 2023. Cet accord prévoit des hausses de tarifs sur les actes liés aux soins courants (caries, détartrage…) et à la prévention. Ces revalorisations représentent un gain net pour les dentistes de 287 millions d’euros sur cinq ans.  

Reste à charge zéro : que va-t’il se passer pour l’auditif ?

Les aides auditives sont déjà mieux remboursées depuis le 1er janvier 2019, et leur remboursement total est prévu en 2021. Les évolutions tarifaires progressives sur le déploiement de la réforme se traduiront par la mise en place d’un double panier de soins : une offre de catégorie 1 sans reste à charge et une offre de catégorie 2 aux tarifs libres. Le panier 100% santé, précise le ministère, inclut tous les types d’aides auditives, 12 canaux de réglage et propose au moins trois options parmi les suivantes : système anti-acouphène, connectivité sans fil, réducteur de bruit du vent, synchronisation binaurale, directivité microphonique adaptative, bande passante élargie ≥ 6 000 Hz, fonction apprentissage de sonie, dispositif anti-réverbération… Selon le réseau de soins Carte Blanche Partenaires, qui travaille avec plus de 1.300 centres d’audioprothèses en France, le panier « 100% santé » devrait concerner 30% des ventes d’équipements en 2021. Il faut dire qu’il y a une place à prendre sur le marché de l’aide auditive, l’appareillage étant particulièrement coûteux (1.500 euros en moyenne par oreille) et, par conséquent, le taux de recours étant très faible chez les personnes souffrant d’une déficience auditive (environ 35%, selon le ministère). En effet, « à ce jour, le reste à charge moyen est de 850 euros par oreille », fait valoir Carte Blanche Partenaires.      

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