Retraites: les mesures choc proposées par le rapport Moreau

Allonger la durée de cotisation, retirer des avantages fiscaux aux retraités, durcir le mode de calcul des pensions des fonctionnaires: le rapport Moreau remis vendredi 14 juin à Matignon fournit un catalogue de mesures à prendre pour limiter un déficit prévu de 20 milliards en 2020.

Très attendu, ce rapport est remis vers 10H00 au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, par la présidente de la Commission pour l’avenir des retraites, la haut fonctionnaire Yannick Moreau, ancienne présidente du Conseil d’orientation des retraites (Cor). Au vu des quelques fuites, il contient des propositions vouées à mécontenter beaucoup de Français.

44 ans de cotisation

Les salariés du privé et du public d’abord, qui pourraient être amenés à cotiser 43, voire 44 ans, contre une durée maximale de 41,5 ans aujourd’hui pour ceux qui sont nés en 1955 et 1956, selon des syndicats qui ont rencontré Yannick Moreau.

Cela signifie par exemple qu’un jeune, ayant fait plusieurs années d’études et entrant dans la vie active à 25 ans, devra cotiser jusqu’à l’âge de 69 ans s’il veut obtenir une retraite à taux plein. L’âge pour obtenir le taux plein est actuellement de 65 ans et va passer progressivement à 67 ans du fait de la réforme de 2010 de Nicolas Sarkozy.

CSG des retraités alignée sur celle des actifs

Les retraités imposables risquent de faire aussi la grimace puisque le rapport devrait proposer d’aligner le taux de CSG qu’ils acquittent (6,6%) sur celui des actifs (7,5%), ainsi que de leur retirer l’abattement fiscal de 10%.

Quant aux retraités ayant élevé trois enfants ou plus, ils verraient le bonus de 10% sur leur pension de retraite devenir imposable ou être plafonné.

Sujet beaucoup plus délicat: les fonctionnaires qui pourraient être mis à contribution, avec un changement du mode de calcul de leurs pensions. Il ne porterait plus sur les six derniers mois de salaires mais sur les dix meilleures années. Pour les salariés du privé la période de référence prend en compte les 25 meilleures années depuis la réforme Balladur de 1993.

Un « casus belli » pour les syndicats

D’ores et déjà, certains syndicats de fonctionnaires, dont la CGT, sont montés au créneau, parlant de « casus belli » si une telle proposition devait être retenue. Mais le leader de la CFDT, Laurent Berger, s’est déclaré favorable à « un rapprochement des différents régimes » de retraite, « à condition de prendre en compte la spécificité des carrières et des structures de rémunération ».

Le gouvernement veut que la prochaine réforme des retraites –la cinquième en 20 ans– soit « globale » et « inscrite dans la durée », selon la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine. « Si les fonctionnaires ne doivent évidemment pas rester à l’écart d’une réforme à venir, il n’est pas envisageable d’en faire les boucs émissaires de la situation de nos régimes de retraite », a précisé Marisol Touraine.

Les avantages des fonctionnaires et plus encore des salariés des régimes spéciaux est un des angles d’attaque que semble prendre l’opposition de droite pour mettre le gouvernement en difficulté vis-à-vis d’un électorat votant largement à gauche.

Les Français pour un alignement public / privé

Des sondages récents montrent qu’une majorité de Français est favorable à un alignement du public sur le privé. Dans l’entourage du chef de l’Etat, on a précisé début juin que le mode de calcul des retraites des fonctionnaires sera un des éléments du « débat » dans l’élaboration de la future loi, attendue pour l’automne au Parlement.

Mais le gouvernement se montre prudent dans ce dossier ultra-sensible. Jean-Marc Ayrault a ainsi temporisé en expliquant que les pistes de la commission Moreau seraient des « hypothèses » de réforme.

Et Marisol Touraine d’enfoncer le clou vendredi dans la Nouvelle République du Centre-ouest. « Soyons clairs: le rapport (…) n’est pas le projet du gouvernement », affirme-t-elle. « Ce sont des pistes de travail, pas forcément exhaustives d’ailleurs, et en aucun cas une réforme bouclée qui nous serait livrée clé en main ! ».

Pour autant, ces pistes devraient servir de base à la concertation entre le gouvernement et les syndicats, entamée lors de la conférence sociale des 20 et 21 juin.

(Avec AFP)


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