Vent de folie sur les bureaux parisiens

La métropolisation est ce mouvement qui pousse de plus en plus de Français à préférer habiter en ville qu’à la campagne. Il s’accélère depuis quelques années, pousse les prix des logements à la hausse dans les villes dynamiques, mais fait reculer les transactions dans les petites villes et les campagnes. Or, ce phénomène est aussi en train de gagner le marché des bureaux. Après les « années centrifuges« , qui voyaient les entreprises chercher de nouveaux locaux, plus grands, mieux adaptés, moins chers, de plus en plus loin des centres urbains, le mouvement s’est désormais inversé.

Le phénomène est d’autant plus visible que la croissance est là : les 1,9% de 2017 rompent avec les 1% des années précédentes et le climat des affaires, qui est à son niveau le plus haut depuis 7 ans, pousse les entreprises à déménager. « Les quelque 200.000 emplois créés chaque année en France depuis 2016, majoritairement dans le secteur tertiaire, et la bonne tenue des investissements des entreprises restent un puissant catalyseur pour la demande de bureaux« , explique Jean-Marc Peter, directeur général de la société de gestion immobilière Sofidy. « La demande de bureaux s’est accrue à un rythme inégalé depuis le début de la crise financière mondiale de 2008 » reconnaît pour sa part Magali Marton, responsable du groupe Recherche immobilière de l’organisation professionnelle RICS.

Une année record

Mais pas partout. Les demandes se concentrent aux deux-tiers sur l’Ile-de-France. La commercialisation de bureaux a terminé l’année sur un record de 854000 m² au quatrième trimestre (et 2,6 millions de m² sur l’ensemble de 2017). Une performance qui est aussi un meilleur score de tous les temps. Au bénéfice, notamment, de la capitale. Paris, qui dans les années 2000 perdait des emplois, accueille désormais un tiers des nouveaux arrivants. Cette pression se retrouve dans l’évolution des loyers. Alors qu’ailleurs ils n’augmentent pas, ils progressent de 4% en moyenne à Paris, à 530 €/m²/an. Et s’envole dans les meilleurs immeubles du centre, où, reconnaît Nicolas Reynaud, directeur général de la foncière SFL, « la barre des 800 euros par mètre carré et par an a été franchie« .

Et pas question d’espérer de petits gestes de la part des bailleurs : c’est niet! Les mesures d’accompagnement (franchises de loyers, services non facturés…) qui représentent en moyenne 22% du loyer annuel en France, peuvent monter à 22% à la Défense et à 30% sur la première couronne sud. Mais elles tombent, dans le centre de la capitale, à moins de 15%. « Sur les locations de petites et moyennes surfaces dans les bons quartiers de Paris, elles tendent même à se réduire encore, compte tenu d’un taux de vacance particulièrement bas (2,8 %) et d’une demande soutenue » constate Bertrand Renaudeau d’Arc, directeur du département bureaux de Savills France.

A quoi faut-il s’attendre pour 2018? Pour en avoir une idée, il faut plonger dans les demandes et les offres en cours, en étudiant l’activité des plateformes d’annonces. Celle de BureauxLocaux.com, par exemple, fait apparaître deux tendances. On pourrait les résumer, comme cela se fait pour les quartiers new-yorkais (Nolita, Soho, Tribeca…), par deux acronymes : SoPi ou Haut-Ma. Ces nouveaux secteurs convoités sont le 9ème arrondissement au sud de Pigalle (d’où SoPi pour « South Pigalle« ) et le Haut-Marais, dans le 3ème arrondissement (d’où « Haut-Ma« ). Leurs loyers ont quasiment doublé en quelques années. Là où les bureaux se louaient autour de 400 euros/m²/an, il faut désormais compter, analyse Sophie Desmazières, fondatrice du site BureauxLocaux.com, « 720 à 800 €/m²/an hors taxes, hors charges« . Le phénomène « Silicon Sentier » la capitale gagne donc d’autres arrondissements. Ce quartier, devenu le plus trendy de la capitale, a vu ses loyers se distendre entre le tout venant (autour de 450 euros/m²/an) et le premium, où ils frôlent les 850 euros/m²/an!

Un écosystème qui s’installe

Les responsables? Les startups et les PME de l’innovation. Pour attirer et fidéliser leurs salariés ou prestataires, elles misent à fond sur la qualité de vie des quartiers. Et le regroupement des talents, en créant des écosystèmes d’entreprises travaillant ensemble et employant des salariés qui se ressemblent. De plus, il reste relativement peu de grandes surfaces dans le centre du Paris-Rive droite. Le départ en banlieue de marchands de tissus du Sentier, et la libération de quelques grandes unités dans le Marais et le 9ème ont créé comme un appel d’air pour de grandes unités. Celles qu’affectionnent justement les Google, les Blablacar, les WeWork et plus globalement toutes les entreprises liées à la nouvelle économie.

Ces sociétés représentent désormais plus de 50% de la demande d’unités de plus de 5.000 m² sur Paris. La pression est si forte qu’on en arrive à un paradoxe : il n’est pas difficile de trouver des bureaux à 500 euros/m²/an dans le 8ème (qui reste pourtant le secteur le plus demandé), c’est-à-dire 60% moins cher que dans les quartiers les plus trendy de la capitale. Et attention! ce n’est pas fini : la tendance haussière sur ces micro-marchés pourrait s’amplifier cette année. Elle pourrait même, note Magali Marton, de la RICS, « se propager à d’autres secteurs« .

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