22e Congrès mondial du pétrole en Turquie, les géants de l’énergie au chevet du prix du brut

Ironie de l’histoire ? Symbole de la place tenue par la Turquie en termes géostratégiques ? Alors que le président turc Erdogan est pointé du doigt par de nombreux gouvernements lui reprochant d’avoir instauré un régime plus proche de la dictature que de la démocratie, c’est tout de même Istanbul qui a été choisie pour réunir de dimanche à jeudi prochain l’industrie mondiale du pétrole et du gaz dans le cadre du 22e Congrès mondial du pétrole.

«  Cette fois – Istanbul!  » tel était le slogan de la délégation turque face aux Etats-Unis avec Houston, le Kazakhstan avec Astana et le Danemark avec Copenhague lors des élections qui s’étaient tenues en vue de déterminer la ville qui accueillerait le Congrès mondial cette année. Dans une compétition étroite, Istanbul a remporté la manche avec 55% des voix au troisième tour contre son rival le plus fort, Houston avec 45%.

Ce sommet  qui intervient alors que les prix du baril n’arrivent pas à remonter malgré les efforts conjugués de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et des partenaires, les Etats-Unis profitant quant à eux des baisses de production annoncées par le cartel et ses alliés pour inonder le marché de leur gaz et pétrole de schiste.

Si la précédente réunion, tenue en 2014, avait eu lieu dans un contexte de cours du brut avoisinant 100 dollars le baril, avant que les prix ne chutent brutalement plombés par une offre surabondante, alimentée notamment par la mise sur le marché des hydrocarbures de schiste US. Depuis, les Etats-Unis semblent vouloir profiter des baisses de production annoncées par le cartel et ses alliés pour inonder le secteur.

Désormais, les compagnies pétrolières et la plupart des pays producteurs très dépendants de la manne pétrolière et gazière sont sous pression, les prix du brut stagnant sous les 50 dollars le baril.

Rappelons que depuis janvier, les membres du cartel ainsi que nombre de ses partenaires – et en premier lieu la Russie – s’imposent des plafonds de production avec pour objectif officiel de réduire la surabondance d’offre au niveau mondial, l’enjeu final étant de permettre de relancer les cours.

Mais face aux efforts des pays producteurs – qui ne pourront leur profiter qu’à moyen ou long terme, et uniquement en cas de baisse effective de l’offre – les compagnies américaines continuent à faire repartir les puits en activité. Les décomptes hebdomadaires établis par le groupe Baker Hughes font état semaine après semaine d’une hausse du nombre de puits actifs aux Etats-Unis, alors même que la production américaine ne cesse déjà d’accélérer.
Les analystes considèrent que cette hausse continue freine une véritable avancée des prix. La politique menée par les majors pétrolières US semblant ainsi « parfaitement »  équilibrer les marchés …. dans un contexte de réduction de production de l’Opep. Nombre d’analystes estiment même ouvertement désormais que la hausse de la production US est consécutive à une volonté américaine de saisir la brèche ouverte par le cartel. Ils redoutent néanmoins que l’Opep s’essouffle à maintenir ses quotas actuels, sa stratégie destinée à faire remonter le cours servant au final ses concurrents, qui de surcroît peuvent ainsi gagner en parts de marché.

Si l’accord scellé entre le cartel et ses partenaires a été renouvelé en mai et court désormais jusqu’en mars 2018, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que les Etats-Unis vont produire toujours plus d’ici là. Plus encore, selon l’Agence, le taux de croissance de la production US devrait être supérieur au taux de croissance de la consommation, essentiellement tirée par les pays émergents, tels que Chine et Inde.

Si une réunion entre ministres des pays impliqués dans l’accord est prévue à la fin du mois, la Russie pourrait s’opposer à une prolongation ou à un renforcement des quotas actuellement en vigueur. C’est en tout cas, ce que s’affirme l’agence Bloomberg, citant des responsables russes s’exprimant sous couvert d’anonymat.

Un « malheur » n’arrivant jamais seul, les productions en provenance de Libye et du Nigeria sont reparties à la hausse ces dernières semaines. Rajoutant sur le marché plusieurs centaines de milliers de barils par jour. Une situation qui a conduit plusieurs banques, comme JP Morgan, Société Générale ou Goldman Sachs à revoir à la baisse leurs prévisions sur les prix.

La plupart des experts s’attendent à ce que l’Opep tente avant toute chose de défendre son accord lors du congrès qui se tiendra en Turquie. Les analystes de la demande pourraient alors faire valoir que la demande est un peu faible. L’AIE pourrait quant à elle faire une nouvelle fois   part de son inquiétude concernant une pénurie d’offre, conséquence selon elle de la baisse des investissements des compagnies pétrolières.

Affaire à suivre, assurément. Alors qu’au cours de la cérémonie d’accueil dimanche soir, un prix sera remis au secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson, ex-patron de la major Exxon Mobil. Doivent notamment participer au Congrès le PDG de la compagnie saoudienne Saudi Aramco, Amin H. Nasser, ou ceux des majors Total (Patrick Pouyanné), Shell (Bee van Beurden) ou BP (Bob Dudlay).

Le ministre de l’Energie russe Alexandre Novak,et son homologue du Qatar Mohammed Saleh Al-Sada feront quant à eux partie de la délégation d’officiels venus de pays producteurs d’hydrocarbures. Ambiance assurée alors qu’en pleine crise diplomatique entre le Qatar et ses voisins arabes, ce pays –  premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) – a d’ores et déjà annoncé vouloir augmenter de 30% sa production de gaz.

Sources : AFP, Bloomberg

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Elisabeth Studer – 08 juillet 2017 – www.leblogfinance.com

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