Alerte rouge sur les comptes de l’Unédic

Cela peut paraître une goutte d’eau dans les 2.700 milliards d’euros de dette publique. Mais la situation financière de l’assurance chômage inquiète la Cour des Comptes, qui vient de publier son rapport annuel. A cause du Covid, la dette de l’Unédic devrait passer de 36,8 à 54,2 milliards en 2020. Soit une fois et demie ses ressources. Un fardeau insupportable selon les magistrats, qui demandent à l’Etat d’en reprendre une partie et de clarifier son rôle dans le pilotage de l’organisme paritaire. Le sujet est d’autant plus chaud que le mois d’avril marque le début de discussions avec les syndicats sur la gouvernance et l’entrée en vigueur progressive de la réforme de l’assurance chômage.

En théorie, l’Unédic est censé dégager des excédents en période de croissance pour financer les dérapages liés aux crises. Mais elle affiche un déficit chronique, de trois milliards par an en moyenne sur la dernière décennie. C’est ce qui a poussé le gouvernement à imposer, fin 2019, une réforme des règles d’indemnisation: allongement de la durée minimale d’éligibilité aux droits, modification du salaire de référence, dégressivité des allocations des cadres, bonus-malus sur les contrats courts. Ces mesures devaient permettre de dégager 6,5 milliards d’excédents d’ici 2022. Avec la crise, l’exécutif a été

contraint de suspendre sa réforme et l’Unédic de financer un tiers du coût du chômage partiel. Résultat, ses dépenses ont grimpé de 29% et ses recettes ont chuté de 9%.

Un fardeau insurmontable

Or, « la question du traitement de la dette de l’Unédic n’a pas fait l’objet d’analyses approfondies par les services de l’État », regrettent les magistrats. A l’inverse, le gouvernement a transféré, dès l’été, les dettes de la sécurité sociale et des hôpitaux dans une structure déjà existante, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Certes, l’Unédic a pu emprunter, sans difficultés, à faible taux, et les intérêts ne passeront « que » de 300 à 400 millions par an. Mais elle devra rembourser les obligations arrivées à échéance, à hauteur de quatre milliards par an, soit 10% de ses recettes. « Or, elle n’a pas vocation à porter et à financer une dette structurelle, dont le coût des charges annuelles pourrait devenir insoutenable en termes financiers dans les périodes de remontée des taux. »

Les magistrats suggèrent d’isoler une partie de la dette dans les comptes de l’Unédic et de lui affecter une nouvelle ressource dédiée, soit de la transférer à l’Etat comme ce fut le cas pour la SNCF début 2020. Ils demandent aussi une nouvelle trajectoire financière pour renouer avec l’équilibre à moyen terme, sans toutefois donner de pistes d’économies. Le gouvernement, lui, n’a pas renoncé à sa réforme, il a juste conditionné deux des mesures – période d’éligibilité et dégressivité – à une amélioration de l’emploi. Il vient de transmettre le décret d’application aux syndicats, qui sont vent debout et pourraient le contester devant le Conseil d’Etat.