Analyse et Stratégie : « La Bourse semble faire la sieste », ce qui rend très nerveux le nouveau Nobel d'économie

Après Robert Schiller cet été, le « Schiller » du ratio de valorisation boursière, c’est au tour d’un autre Nobel d’économie de s’inquiéter de ce qu’il se trame en Bourse. Le lauréat de cette année, Richard Thaler, qui en connaît pourtant un rayon sur les bizarreries humaines, lui qui a fait des biais cognitifs une spécialité, a admis hier, dans un entretien téléphonique à Bloomberg, « ne pas comprendre » le comportement des marchés.

« Il semble que nous vivions le moment le plus risqué de nos vies », en référence à la menace nucléaire nord-coréenne et au risque politique américain, et pourtant, observe-t-il, « la Bourse semble faire la sieste. » Un avis que partagent d’autres cadors de l’économie, dont Christine Lagarde du FMI, Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances sur le départ, ainsi que plusieurs banquiers centraux de part et d’autre de l’Atlantique. Le dernier en date, Klaas Knot, de la Banque des Pays-Bas et, à ce titre, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, mettait lundi en garde, également dans un entretien à Bloomberg, contre un « optimisme excessif » qui rend la Bourse vulnérable à une « correction majeure. […] Bien que nous soyons aujourd’hui confrontés à des crises politiques majeures – la Catalogne, le Brexit, la Corée du Nord et la dispute diplomatique entre la Turquie et les Etats-Unis – l’indice de volatilité est fixé à un niveau historiquement bas. Cela ne présage rien de bon. »

Le S&P 500, à l’instar de tous les grands indices boursiers de Wall Street, enchaîne les records depuis l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, lequel a promis une grande réforme de la fiscalité qui passera, selon la dernière visée, par une baisse de l’impôt sur les sociétés de 35% à 20%. La promesse tarde pourtant à se matérialiser faute de voix, ce sera sans les démocrates, les élus républicains ne sont pas tous sur la même ligne, s’interrogent sur le comment ces réductions d’impôts seront financés, Trump est furax, il insulte à tout-va les dissidents, c’est la foire d’empoigne dans le camp de la majorité. L’influent sénateur républicain Bob Corker, contre l’idée d’ajouter « un centime de plus au déficit », qui parle de la Maison-Blanche comme d’une « halte-garderie pour adultes », a dit craindre, dans les colonnes du New York Times, que Trump place les Etats-Unis sur le chemin de la troisième guerre mondiale. « Les investisseurs auraient dû perdre confiance », pour Richard Thaler, mais non, rien de tout cela. Rien de rien, le calme plat. « Rien ne semble effrayer le marché. »

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