Analyses et opinions : JPMorgan AM positif sur les Etats-Unis, mais prudent sur l'Europe avant la présidentielle française

S’agit-il d’un simple trou d’air ou du début d’une véritable correction ? Mardi, l’indice élargi S&P 500 a lâché plus de 1 % (1,24 % très exactement), ce qui n’était plus arrivé depuis 103 jours de Bourse, sur fond de doutes quant à la capacité du président américain Donald Trump à mener à bien les réformes fiscales et budgétaires promises durant sa campagne, celles-là mêmes qui avaient permis à l’indice de rallier, pas plus tard que le 1er mars, un nouveau plus haut historique à 2.400,98 points.

Pour Vincent Juvyns, stratégiste chez JP Morgan AM, ce « coup de sang » des marchés financiers ne doit pas faire oublier que les « green shoots », les signes de reprise, se sont multipliés. « Entre le 1er janvier et le plus-haut, le S&P500 affichait un gain de 7 ,2 %, proche de l’objectif de 10 % des gérants pour l’année entière », souligne-t-il. Il n’y a donc rien d’anormal à ce que le marché calme le jeu. « On est positif sur l’économie américaine. Nous l’étions également l’an dernier quand le marché redoutait une récession », ajoute-t-il, s’abstenant toutefois de tomber dans un optimisme excessif. « On ne sent pas d’euphorie parmi les investisseurs ni même la population contrairement aux années 2000 ». Et de prévenir : la croissance américaine ne dépassera pas 3 % cette année. « La hausse du PIB devrait se situer à 2,5 % », pronostique-t-il.

Ce chiffre ne prend pas en compte les réformes que pourraient faire passer l’administration Trump, notamment en matière d’infrastructures. « Ce plan est nécessaire, lance l’expert de JP Morgan AM. On a tous en tête l’image du déversoir auxiliaire du barrage d’Oroville en Californie qui a menacé de s’effondrer. » Selon l’American Society of Civil Engineers, quelque 3.600 milliards de dollars sont nécessaires d’ici à 2020 dans le domaine des infrastructures pour les maintenir à niveau. On est loin de l’image que véhiculent les grandes métropoles américaines. « Ce plan, s’il est mis en œuvre, ne sera pas un catalyseur pour l’économie en 2017, souligne Vincent Juvyns. Peut-être en 2018. Mais il profitera surtout au futur président des Etats-Unis ».

L’élection française bride les prises d’initiatives

« Les marchés s’enthousiasment à l’idée du plan de relance de Donald Trump, quand bien même rien n’a été fait, alors que le plan Juncker, moitié moindre certes, a déjà mobilisé 168 milliards d’euros d’investissement, poursuit-il. C’est une immense frustration qu’on n’en parle pas plus. »

En matière de politique monétaire, son analyse diffère un peu de celles des économistes et il table sur une hausse des taux directeurs par trimestre. En zone euro, l’action de la Banque centrale dépendra en grande partie du résultat des grandes échéances électorales, notamment de la présidentielle en France. « S’il n’y a pas de catastrophe ces prochains mois, la BCE sera plus libre de quitter sa politique monétaire ultra-accommodante », estime-t-il. La stratégie d’exit devrait privilégier, dans un premier temps, le taux de dépôt, actuellement négatif de 0,4 %, puis, dans un second temps, le bilan. « La BCE doit garder une capacité d’action sur la partie longue de la courbe des taux en cas de risque politique (Frexit ou Italxit) », explique-t-il, ajoutant qu’il faut également rendre de la capacité aux banques compte tenu du fait que les TLTRO, ces opérations de refinancement à plus long terme ciblées, sont désormais terminées. Les établissements de la zone euro ont d’ailleurs demandé bien plus de prêts à long terme très bon marché que prévu, la BCE ayant servi 233,5 milliards d’euros à 474 banques, contre 125 milliards attendus en moyenne par les économistes. La BCE devrait communiquer davantage après les élections. En cas d’échec de la candidate frontiste Marine Le Pen, Vincent Juvyns prédit un retour en force des capitaux sur les marchés d’actions européens. Pourquoi pas dès le 24 avril, lendemain du premier tour de l’élection. Pour l’heure, JP Morgan AM est neutre sur les actions européennes, contre « sous-pondérer » auparavant. Il privilégie le secteur bancaire, qui profitera d’un environnement de taux plus favorable, et les titres décotés (« value »).   

Investir – Analyses & opinions – Les Echos Bourse