Avion russe abattu par la Turquie : pression voilée pour plomber le gazoduc russe Turkish Stream ?

Encore de fortes odeurs de gaz et de pétrole liées à l’approvisionnement en gaz de l’Union européenne ? Cela y ressemble bigrement … Ou comment plomber le projet d’un gazoduc on ne peut plus stratégique entre Russie et Turquie via désormais des actes militaires … et des pressions occidentales ?

Après la destruction d’un bombardier russe par les forces turques, lesquelles affirment que ce dernier avait pénétré l’espace aérien de la Turquie, Vladimir Poutine a – quoi qu’il en soit – dénoncé « la trahison d’un Etat ami ».

Des propos qui résonnent tout particulièrement alors que le géant gazier russe Gazprom ambitionne de mettre en service dès la fin 2016 un nouveau pipeline à destination de la frontière gréco-turque, projet qui devrait notamment permettre de compenser l’abandon du projet South Stream vers l’Union européenne.

Selon le président russe, il s’agit  «d’un coup de poignard dans le dos porté par des complices du terrorisme », ce dernier condamnant le tir conduisant au crash d’un bombardier russe, quelques heures auparavant.

Selon les précisions fournies par Vladimir Poutine dans des propos cités par le quotidien moscovite Kommersant,  l’avion a été touché par un missile air-air lancé par un chasseur F-16 turc au-dessus du territoire syrien, à 1 kilomètre de la frontière turque, et il est tombé à 4 kilomètres de cette frontière.

D’après Poutine, l’avion ne menaçait aucunement la Turquie. Cette attaque “sort du cadre de la lutte normale contre le terrorisme”, a-t-il également ajouté, précisant que la Russie avait passé un accord avec les Etats-Unis concernant la prévention de ce type d’incidents.

“Ce tragique événement aura de sérieuses conséquences sur les relations russo-turques”, a poursuivi le président russe, rappelant que la Russie avait toujours considéré la Turquie “non seulement comme un proche voisin, mais comme un Etat ami”.

Or, “plutôt que de prendre immédiatement contact avec nous, les autorités turques se sont tournées vers leurs partenaires de l’Otan pour étudier la situation. Comme si c’était nous qui avions frappé leur avion, et non le contraire. »

– Russie et Turquie liées sur le projet stratégique de Turkish Stream

En juillet dernier, Gazprom avait annoncé la rupture de contrat avec le groupe italien Saipem concernant la construction du gazoduc Turkish Stream. Projet auquel la Grèce est associée  … La bataille contre l’Eurogroupe  pourrait également se tenir dans l’ombre, avec de fortes odeurs de gaz et de pétrole … L’Italie de Mario Draghi, ancien vice-président pour l’Europe de Goldman Sachs, actuel président de la Banque centrale européenne (BCE) pouvant peser de tout son poids dans la bataille.

En tout état de cause, une filiale de Gazprom, South Stream Transport BV, avait informé alors l’italien Saipem de la rupture du contrat relative à la construction de la première branche du gazoduc Turkish Stream.

Une décision qui peut surprendre, et ce d’autant plus qu’un navire de la société spécialisée dans la recherche et les forages pétroliers avait jeté l’ancre le 6 juillet dernier près d’Anapa, en mer Noire, en vue de débuter les travaux.
South Stream Transport BV avait alors motivé sa décision par la nécessité « d’arriver à un accord sur les questions pratiques et commerciales en ce qui concerne la réalisation du projet de Turkish Stream ». Les négociations avec la Turquie traînent en effet en longueur, freinant le lancement des travaux. A moins que la Turquie ne soit l’objet de fortes pressions occidentales pour remettre le projet aux calendes grecques …

Si Moscou et Ankara sont arrivés à un accord préalable sur Turkish Stream le 13 juin à Bakou, (Azerbaïdjan), le ministre turc de l’Energie, Taner Yildiz,  concédait certes alors ne pas pouvoir affirmer « que toutes les obstacles sont surmontés » mais demeurait confiant quant à une issue positive. Espérant  officiellement que le contrat soit signé le plus vite possible.

– De très fortes pressions US  sur le projet Turkish Stream 

En mai 2015, si Panagiotis Lafazanis, ministre grec de l’Energie, avait indiqué qu’Athènes montrait un vif intérêt au prolongement sur son territoire du nouveau pipeline que le géant gazier russe Gazprom envisage de construire à destination de la Turquie, il avait parallèlement déclaré à la presse russe que les Etats-Unis exerçaient une très forte pression sur la Grèce, afin de la dissuader de participer à la réalisation du projet de gazoduc Turkish Stream, destiné à livrer du gaz russe en Europe.

Le dossier est loin d’être dénué d’intérêts financiers pour la Grèce, puisque M. Lafazanis avait tenu à souligner que Athènes souhaitait obtenir de la part de Moscou une réduction de tarif sur le gaz russe livré à partir de 2016, ainsi qu’une baisse des volumes fournis selon des contrats d’enlèvement ferme (« take or pay »).

« Il n’est pas dans l’intérêt de la sécurité énergétique à long terme de la Grèce d’étendre jusqu’à son territoire le gazoduc Turkish Stream », avait ainsi déclaré le 8 mai 2015 l’envoyé spécial des Etats-Unis pour les affaires énergétiques internationales, Amos Hochstein. S’efforçant ainsi manifestement de dissuader Athènes de nouer un partenariat avec Moscou pour la construction du projet.

A la veille de ce message, le 7 mai 2015, le président russe Vladimir Poutine s’est dit prêt quant à lui à contribuer au financement des plans grecs qui verraient le gazoduc se prolonger de la frontière turco-grecque vers le reste de l’Europe. Gazprom avait alors annoncé que les livraisons de gaz sur le marché turc via Turkish Stream commenceraient en décembre 2016.

C’est lors d’une visite en Turquie, qu’au début du mois de décembre 2014, le président russe a annoncé l’abandon de South Stream, évoquant une nouvelle alternative de rediriger le gazoduc en cours de construction vers le territoire turc.

En janvier 2015, Moscou a tenu à préciser que le nouveau projet Turkish Stream de Gazprom prévoyait de déployer le pipeline jusqu’à la frontière gréco-turque, charge restant aux Européens de créer les infrastructures en vue de récupérer le gaz au delà de ces limites.

Face aux risques que la Commission européenne ne s’avère réticente quant à un possible transit du gazoduc via la Grèce, M. Lafazanis avait estimé pour sa part que l’isolement énergétique de la Russie n’était pas un développement positif pour l’Europe. Selon lui, les pays européens ont besoin du gaz russe, aucune solution alternative n’étant envisageable à ses yeux.

Elisabeth Studer – 24 novembre 2015 – www.leblogfinance.com

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