Baskets: dans l’ombre de Veja, Faguo plante ses forêts

Des arbres à perte de vue. La forêt semble encore jeune, quelques années tout au plus. Des chênes et des frênes alignés. 3.000 arbres ont été plantés par Faguo à Machecoul (Loire-Atlantique). « Quand on décide de fabriquer un produit, on intègre la plantation d’un arbre pour compenser, explique Nicolas Rohr, cofondateur de Faguo. Ce qu’il faut éviter, c’est le greenwashing de certaines marques. On ne doit pas parler de réduction de matières premières ou de production de CO2 mais on doit montrer des faits. » Et peu importe que le couple de retraités qui a planté cette forêt en collaboration avec les pépinières Naudet ne se souvienne plus de Faguo malgré le panneau planté à l’entrée de la forêt. En tout, Faguo dénombre 270 forêts plantées dans l’Hexagone en 2019, avec en moyenne 6.000 arbres. L’entreprise y consacre 1% de son chiffre d’affaires, ayant planté plus de 1,5 million d’arbres depuis sa création.

Fondée en 2008, Faguo poursuit son développement dans les baskets, le prêt-à-porter ainsi que la bagagerie. Et si la marque française met en avant sa conscience environnementale, le made in France est bien loin quand on regarde d’où proviennent les produits qu’elle vend. Le textile provient de Chine, quand les baskets sont acheminées en bateau depuis le Vietnam. Quant aux chaussures de ville ou derby, elles sont réalisées au Portugal. D’où la plantation d’arbres pour tenter de compenser l’impact d’une production souvent réalisée à l’autre bout du monde. Faguo s’est fixé comme objectif d’arriver à 30% de produits recyclés dans ses modèles d’ici à 2020 pour des produits uniquement recyclés d’ici à 2024. La marque a d’ailleurs lancé ses premières baskets 100% recyclées à l’automne dernier.

Déménagement à Nantes

La deuxième vie de Faguo ne sera d’ailleurs plus parisienne, contrairement à Veja qui a son siège près de Bastille. Fago a récemment déménagé son siège du XVIIIe arrondissement parisien vers l’île de Nantes afin de gagner en qualité de vie tout en se rapprochant de ses forêts pour joindre le geste à la parole marketing. En 2019, l’entreprise a enregistré 12 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit une croissance de 2 millions en un an. Faguo, qui veut dire France en chinois, a toujours été bénéficiaire selon ses fondateurs sauf lors des exercices 2012 et 2013.

Contrairement à Veja qui n’avait aucun magasin jusqu’à peu avant l’ouverture de celui de Paris, Faguo a fondé son développement sur l’ouverture de nombreuses boutiques : 19 magasins ont ainsi été ouverts depuis 2015 dont dix succursales. L’objectif est d’arriver à 22 en 2020. Pour l’instant 25% des revenus proviennent des ventes à l’étranger avec la Corée du Sud comme principal marché suivi de la Belgique, l’Espagne et les Etats-unis. Faguo entend monter en régime pour arriver à 50% du chiffre d’affaires provenant de l’international d’ici quatre ans.

Encore loin de Veja

A Nantes, l’entreprise entend également bénéficier des synergies de son actionnaire Eram au niveau des fonctions support (relations humaines, juridiques et comptabilité). L’entreprise était au capital de Faguo depuis 2012 avec 20% acquis pour 1,5 million d’euros. Celle-ci est montée à 49% en 2017, les deux cofondateurs détenant toujours la majorité.

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Reste que, malgré un développement intelligent, Faguo semble encore à des années lumières des baskets Veja, marque fondée en 2005. L’entreprise qui fabrique ses baskets au Brésil a réalisé en 2019 pas moins de 50 millions d’euros de résultats, soit près de cinq fois plus que Faguo. « En réalité il est ardu de comparer les deux marques, relève Laurent Thoumine, responsable du pôle textile à Accenture. Veja s’est créée sur le pure style quatre ans auparavant alors que Faguo est basée sur une conviction sociétale plus que stylistique. L’un produit au Brésil uniquement des baskets alors que l’autre confectionne en partie en Asie une grande diversité de produits. Enfin Veja n’avait pas de magasin jusqu’à peu alors que Faguo compte sur ses points de vente pour être distribué. »

Concernant le futur de la marque, l’expert du secteur se montre plus inquiet pour l’entreprise qui plante des forêts que pour celle qui fait travailler des Indiens pour récolter son caoutchouc en Amazonie. « Faguo aura sûrement une crise de croissance due à son modèle de développement avec des coûts logistiques importants qui seront difficiles à assumer si une collection marche moins bien. Alors que Veja n’a pas de limite dans son développement grâce à un très bon marketing et une stratégie d’influenceurs très puissants. »

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