Cinq choses que vous ne savez peut-être pas sur Darty

Si je vous dis Darty, vous me dites « contrat de confiance », « SAV » ou « camionnette bleue et jaune »? Rarement une entreprise fut aussi bien identifiée par un slogan. Ce qui a valu à cette entreprise créée en 1957 de se démarquer en France dans le secteur de l’électroménager et de se faire racheter par la Fnac. Les deux mastodontes forment aujourd’hui un groupe qui pèse plus de 7,4 milliards d’euros et compte 510 magasins en France, dont 350 Darty, et plus de 56 millions de clients en 2017 en France, dont 18,6 millions de clients Darty. Retour sur cinq éléments clés, mais pas forcément très bien connus, de l’histoire de Darty. Cinq éléments sélectionnés à partir du livre de Bernard Darty (qui a quitté toutes ses fonctions au sein du groupe en 1993), Une histoire de confiance*, publié ce mercredi 5 septembre par les éditions Dunod.

L’électroménager et Darty, un hasard complet

Darty aurait pu ne jamais se faire connaître dans la vente d’électroménager. Et pour cause. La famille Darty travaille à l’origine dans la confection de vêtements. Une activité que les trois frères, Natan, Marcel et Bernard exercent aux côtés de leur père Henri. Dans les années 1950, ce sont trois magasins qui témoignent de cette entreprise familiale Darty, dont l’un (le premier) est situé avenue de la porte de Montreuil, presque à côté d’un magasin appelé Electro Montreuil qui met en vente des postes de radio et même des premiers téléviseurs. C’est ce magasin qui va jouer un rôle déterminant dans le tour pris par l’entreprise Darty, comme cela est raconté dans le livre Une histoire de confiance:

« Il se trouve qu’en décembre 1957, le bail de ce magasin est mis en vente. Les frères Darty se portent aussitôt acquéreurs. Ils envisagent de changer la nature du bail pour pouvoir vendre leurs vêtements dans les deux magasins. Mais c’était sans compter le refus de l’administration de la ville de Paris (SAGI), propriétaire de l’ensemble des magasins. Le chef de bureau, soucieux du respect des règlements, refuse la modification du bail: ‘Vous devez exercer une activité conforme à l’engagement de la location. Pas question de vendre des vêtements!' »

Le « contrat de confiance » signé par les salariés

Trouver le slogan qui va marquer les mémoires et devenir associé au nom de la marque pour une très longue durée. Le pari est loin d’être gagné de prime abord, l’enjeu colossal. Et Darty ne s’y trompe pas lorsqu’au début des années 1970, il se penche sur cette question. Difficile d’imaginer plusieurs décennies après que l’élaboration du « contrat de confiance » si bien ancré dans l’imaginaire des clients résulte d’un processus de réflexion:

« On met à plat tout ce qui caractérise Darty depuis le début. Tout ce sur quoi l’entreprise a déjà communiqué. Le plus bas prix, le plus grand choix, le meilleur service… Et l’image de Bernard qui s’engage au nom de Darty sur la première page des catalogues à rembourser la différence. Tous ces engagements, cela ressemble à… un contrat, n’est-ce pas? Partant de là, on en arrive à la rédaction de sept articles qui déclinent chacun des promesses faites par Darty à sa clientèle. C’est à ce moment qu’émerge l’idée du fameux Contrat de Confiance », est-il raconté dans le livre de Bernard Darty.

Un contrat qui est un peu plus qu’un slogan puisqu’il a été signé par tous les collaborateurs de l’entreprise. De quoi ajouter encore à la stratégie de communication de l’entreprise.

La camionnette bleue et jaune devient un argument de vente

Le SAV et Darty, c’est une très vieille histoire. Depuis les débuts, l’entreprise a misé sur ce service aux clients et la camionnette aux couleurs bleue (couleur préférée de Bernard Darty) et jaune est apparue dans les années 1960. Une société appelée Darty Service est créée dès 1968 pour formaliser encore davantage ce SAV. Une démarche qui trouve écho auprès des clients comme le montre cette anecdote racontée dans Une histoire de confiance:

« Un jour, un client demande à un vendeur Darty: ‘Vous me faites une ristourne? J’ai vu le même appareil à 10% de moins chez la concurrence.’ Le vendeur lui répond: ‘Ecoutez monsieur, il faut aller là où vous vous sentez le mieux. Mais je vais quand même vous poser une question: connaissez-vous notre SAV, les petites voitures Darty?’ ‘Oui, très bien’, répond le client. Alors le vendeur ajoute: ‘Pouvez-vous me décrire les voitures du SAV de notre concurrent?’. C’est tout. Le client a signé tout de suite! »

Darty-Boulanger… une guerre entre deux Bernard

A la fin des années 1970, Darty ambitionne de s’implanter dans le Nord-Pas-de-Calais, un territoire sur lequel Bernard Boulanger a développé depuis de nombreuses années le même type d’activités que Darty. S’en suivent quelques escarmouches au niveau des prix entre les deux entreprises. Jusqu’en 1986 lorsque Boulanger tombe dans l’escarcelle du groupe Mulliez, cette rivalité voit s’opposer deux Bernard: Bernard Darty et Bernard Boulanger comme le rappelle le livre sur l’histoire de Darty:

« Au cours d’une croisière organisée par Phillips, les deux Bernard ont longuement échangé et Bernard Darty se souvient avoir plaisanté: ‘Tu es aussi bon que moi mais la chance a voulu que je naisse à Paris et toi à Lille… Le nombre d’habitants n’est évidemment pas comparable… »

Quand Darty a voulu se mettre au sport

Sparty, c’est le nom associé à la (brève) aventure de Darty dans la vente d’articles de sport, une activité gérée par François-Marie Valentin. Plusieurs magasins voient le jour dans les années 1980 mais les résultats ne sont pas forcément au rendez-vous:

« Chaque mois, François-Marie Valentin doit, tout comme ses collègues des autres filiales, présenter et commenter les comptes de la société qu’il dirige: ‘Je participais aux réunions mensuelles de présentation des résultats de Darty. Je me sentais un peu comme le vilain petit canard dans son coin. Les gens me regardaient avec une certaine curiosité. Les résultats n’étaient pas ceux attendus, la progression du bénéfice n’était pas aussi rapide que le groupe l’aurait souhaité' » est-il raconté dans Une histoire de confiance.

Le sort de Sparty est tranché en 1987 lorsqu’il est racheté le groupe Genty-Cathiard qui avait déjà racheté GO Sport.

*Bernard Darty (en collaboration avec Jean-Luc Rigaud et Lise Beninca), Une histoire de confiance, Dunod, 18 €

En bonus: Quand Bernard Darty s’inquiète de la « menace » Amazon

Si Bernard Darty n’est plus ni dirigeant, ni même actionnaire de l’entreprise Darty depuis 1993, il n’en porte pas moins un regard sur le paysage commercial actuel et prend soin à la fin de son livre de « tirer la sonnette d’alarme »  sur la « menace que représentent Amazon (…) et l’arrivée du géant chinois Alibaba ». « Amazon est devenu un monstre tentaculaire qui s’approprie le chiffre d’affaires marginal des autres entreprises en rongeant leur bénéfice, ce qui conduira immanquablement à leur disparition. La pieuvre Amazon va s’infiltrer dans tous les secteurs, de l’alimentaire aux produits technologiques en passant par l’assurance et peut-être même les soins de santé, avec des ruses de prédateur qui visent à détruire toute concurrence » écrit-il. Il s’insurge contre le modèle économique d’Amazon estimant que son activité de location d’espace sur le cloud vient « compenser les pertes de la vente au détail » et que cela « détruira purement et simplement tous ses concurrents. Car qui peut résister face à un commerçant qui travaille à perte? »

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