Credit Suisse: à Zurich, l’icone Thiam sauve son job

Elle est immanquable. Le voyageur, en sortant de la gare de Zurich, tombe sur la statue en pied d’Alfred Escher. Le fondateur, en 1856, du Crédit Suisse est un grand homme chez les Helvètes. Il a même été élu à quatre reprises à la tête de leur confédération. Fin août dernier, c’est The Economist, qui statufiait son lointain successeur, Tidjane Thiam qui a repris les rênes du groupe financier en 2015. Dans un portrait fleuve et flatteur, le prestigieux hebdomadaire britannique racontait que le franco-ivoirien avait fait son entrée au Comité international olympique et allait acquérir la nationalité suisse.

Idole de la finance suisse

Un monument de l’Helvétie moderne, ouverte et tolérante, alors que le brillant Thiam – tout X-Mines qu’il était- avait été rejeté par l’establishment français en raison de sa couleur de peau. Mais voilà, quelques jours après la parution de cet article un fait divers s’est produit  à quelques encablures de la statue d’Escher à Zurich. Le financier Iqbal Khan, se sentant suivi, descend de sa voiture, s’écharpe avec un quidam et va porter plainte à la police. L’enquête est rondement menée et révélée via le site Inside Paradeplatz. Le quadragénaire était « filé » par des détectives privés à la solde de son ex-employeur, Credit Suisse. Promu à la tête de la gestion privée par Thiam, le franco-pakistanais a quitté la banque en juin dernier pour le concurrent UBS. Les deux hommes, dont les villas cossues se jouxtent, se seraient embrouillés quelques mois auparavant lors d’un cocktail chez Thiam pour une histoire de voisinage. Les arbres de l’un faisaient de l’ombre à l’autre.

Enquête interne

Au sein de Credit suisse, on prend l’affaire au sérieux. On fait surveiller Khan, notamment pour savoir s’il ne va pas faire son marché en  débauchant les talents de la banque. L’affaire de pieds nickelés prend un tour dramatique avec le suicide présumé d’un consultant, qui aurait servi d’intermédiaire entre le groupe Credit Suisse et l’agence de détectives privés. Enquête interne mais indépendante diligentée par un cabinet d’avocat l’innocentant, soutien affiché des principaux actionnaires et du président du conseil de surveillance de la banque, Urs Rohner. En quelques jours Tijiame Thiam a  redressé la situation. Pas de clients ou actionnaires lésés, pas de prises de risques inexpliquées ou d’argent détourné. Le 5 octobre, Herbert Scheidt le président de l’Association suisse des banquiers est intervenu dans les médias pour expliquer qu’il…n’avait pas à intervenir.

Fusibles sacrifiés

Circulez il n’y a rien à voir. Il n’empêche. Selon David Herro, représentant du fonds américain Harris Associates, actionnaire de Credit Suisse, qui a fait un aller-retour express en Suisse pour réaffirmer son soutien à la direction, c’est « ground zero Zurich ». Une petite phrase lâchée au Financial Times qui sous-tend que l’affaire a fait beaucoup de dégâts et que tout est à reconstruire. La façon dont le directeur de la sécurité de Credit Suisse a été limogé vaut aveu. Autre fusible, Pierre-Olivier Bouée, en charge de la direction opérationnelle de la banque, a lui aussi quitté précipitamment l’établissement. Véritable numéro deux de la banque, il était très proche de Tidjane Thiam. Les deux hommes avaient débarqué ensemble de chez l’assureur Prudential il y a quatre ans. Pour redonner son lustre à Credit Suisse. 

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