CybelAngel, la pépite cyber française, entre au Next40

Ce n’est pas encore le CAC40, mais la distinction est déjà notable. La pépite française du cyber CybelAngel a été sélectionnée lundi 8 février par le gouvernement dans la nouvelle liste du Next 40, les 40 start-up et licornes françaises ayant le potentiel de « devenir des leaders technologiques de rang mondial ». C’est la deuxième société cyber à être ainsi labellisée, après Vade Secure, seul acteur du secteur dans la précédente liste de 2019. Simple gadget de com’? La start-up assure le contraire. « Ce genre de sélection nous donne une vraie crédibilité auprès de nos clients, des grands groupes pour la plupart, explique Erwan Keraudy, patron et cofondateur du groupe. Cela montre que nous ne sommes plus des petits jeunes en sweat à capuche, mais un vrai acteur mondial, présent en Europe, aux Etats-Unis ou au Japon. »

Spécialiste de la détection des fuites de données de grands groupes, CyberAngel est, aux côtés d’Alsid, Tehtris, Gatewatcher ou Sqreen, une des plus belles success-stories du secteur cyber français. Lancée en 2013 par l’ancien trader Erwan Keraudy, son frère Stevan (centralien et spécialiste du machine learning) et Matthieu Finiasz (Normale Sup, Berkeley, également fondateur de la messagerie sécurisée Olvid), la start-up propose à ses clients une sorte de scan automatique du web,

y compris le deep et le darknet, à la recherche de données et de documents qui auraient pu y fuiter. « Notre grande force, c’est à la fois ce moteur de recherche très puissant, qui peut scanner toute l’architecture d’Internet dans le monde, et le machine learning, qui nous permet de ne pas être ensevelis sous les informations et de présenter des informations fines à nos clients », résume Erwan Keraudy.

45 millions de fichiers médicaux en accès libre

Dans les milliards de documents qu’il scanne tous les jours, CyberAngel a déjà trouvé des pépites : plans de réacteur de nouvel avion, qu’un fabricant de vis de précision taïwanais avait insuffisamment protégé ; documents de sécurité d’aéroports ; et même des données issues d’une cyberattaque massive, probablement étatique, sur le projet de vaccin contre le Covid-19 d’un grand groupe pharmaceutique mondial. « Il y a trois grandes sources de fuites de données : le cloud, l’IOT (les objets connectés) et les protocoles de communication industriels dit OT », indique Camille Charaudeau, directeur marketing et stratégie produit de CybelAngel. Dans un rapport publié mi-décembre, la pépite française annonçait la découverte de 45 millions de fichiers d’imagerie médicale, dont des radios, sur 2.140 serveurs non protégés dans 67 pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne.

La technologie de la société française a déjà été adoptée par une centaine de clients : 60% des grands groupes du CAC 40, dont Sanofi, LVMH, L’Oréal, Total, Danone, Axa et Air Liquide, mais aussi des géants allemands, comme Deutsche Bank, et des grands groupes américains et japonais. Si la pépite ne communique pas ses chiffres, son chiffre d’affaires, en hausse annuelle de 100% en moyenne, serait désormais compris entre 10 et 20 millions d’euros. Elle compte passer de 122 salariés aujourd’hui à 160 à la fin de l’année, et 300 à 400 dans deux ans. « Notre technologie nous ouvre les portes d’un marché mondial, nous avons les moyens d’être la première licorne française du secteur », assure Erwan Keraudy. Une ambition partagée par Tehtris, autre pépite française du cyber, qui a levé 20 millions d’euros en novembre dernier.

Ancien du FBI

Outre l’Europe (Allemagne, Royaume-Uni, pays nordiques), le groupe veut notamment se développer aux Etats-Unis, le plus gros marché mondial du cyber. « Les Etats-Unis, c’est douze fois le marché français, explique Erwan Keraudy, installé à New York depuis fin 2018. Nous restons un groupe français par la technologie, qui est en France et y restera. Mais on ne peut pas se contenter du marché français, qui ne serait pas suffisant pour nous faire vivre. » Pour sa conquête de l’Amérique, CybelAngel s’est offert un soutien de poids en recrutant en 2019 Todd Carroll, un ancien du FBI spécialiste des sujets cyber.

Trop américain, CyberAngel ? Ce n’est pas l’avis de l’ANSSI (Agence nationale de sécurité des systèmes d’information), le gendarme français du cyber, qui considère la start-up comme un pilier de l’écosystème cyber français. « L’ANSSI suit attentivement le développement de CybelAngel depuis sa création, assure ainsi Guillaume Poupard, DG de l’agence, cité dans le communiqué. Ses solutions innovantes apportent des briques de grand intérêt pour la construction de stratégies efficaces et pragmatiques de sécurisation des systèmes numériques, en France comme ailleurs dans le monde. »

Le groupe, qui a déjà levé plus de 50 millions d’euros depuis sa création, n’exclut pas une introduction en Bourse ces prochaines années pour poursuivre son développement. « J’aimerais être coté au Nasdaq, mais rester une entreprise française », assurait Erwan Keraudy à Challenges en 2018.

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