Dette: comment la France écoule son « papier » avec succès

L’ambiance est soudain électrique, ce 7 janvier, au neuvième étage du ministère des Finances. Comme chaque premier jeudi du mois. Debout dans la salle de marchés de Bercy, l’œil rivé sur les six écrans de son collaborateur, Anthony Requin, le directeur de l’Agence France Trésor, rend les ultimes arbitrages sur le premier paquet de dettes émis par l’Etat en 2021. Une bagatelle de 11 milliards d’euros répartis entre des obligations à 10 ans, 20 ans et 30 ans qui seront dans quelques minutes soumis aux enchères de la quinzaine de banques qui jouent les intermédiaires entre Bercy et les marchés financiers. Tant qu’il n’a pas donné son feu vert, le nom des banques demeure anonyme, histoire de prévenir tout favoritisme des banques hexagonales.

Car, en ces temps de pandémie, la dette française est une valeur ultra-prisée des investisseurs du monde entier. A commencer par un opérateur pas comme les autres, la BCE : elle rafle en moyenne 50 % de la mise, via le marché secondaire, et les banques centrales des pays hors de l’Union européenne près de 25 % ! Ce jeudi, il y avait ainsi un appétit de plus de 9,6 milliards pour les obligations tricolores à 10 ans, alors que seuls 5 milliards étaient proposés.

Et la France a pu une nouvelle fois emprunter à taux négatifs (- 0,33 %).

La salle de marchés de l\'Agence France Trésor. C\'est ici que sont soumis aux enchères des banques les paquets de dette émise par l\'Etat.

La salle de marchés de l’Agence France Trésor. C’est ici que sont soumis aux enchères des banques les paquets de dette émise par l’Etat. (F. Bouchon/ Le Figaro)

« Qualité de signature sur les marchés »

« La crise sanitaire n’a absolument pas modifié les excellentes conditions auxquelles la France se finance depuis plusieurs années, se félicite Anthony Requin, qui démarre un programme de financement de quelque 260 milliards cette année, soit 11 % de la richesse nationale. Cela découle de la politique d’achat de la BCE et de la qualité de la signature de notre pays sur les marchés. »

Même en période de confinement, lui et ses équipes ont d’ailleurs poursuivi en visio les fameux road shows auprès des investisseurs internationaux et des agences de notation financières pour vanter les mérites de la dette française et la robustesse des « fondamentaux » de l’économie tricolore. Un mot est évidemment tabou : le défaut, concept inconnu depuis plus de deux siècles chez les grands argentiers français. Cela n’empêche pas quelques sueurs froides. Mi-mars 2020, face à des marchés paniqués par la paralysie de l’économie mondiale, la cinquantaine de hauts fonctionnaires de l’Agence France Trésor ont vu le taux des obligations françaises à 5 ans faire du yoyo. Un indicateur suivi comme le lait sur le feu. « Si la France voyait son taux d’emprunt moyen remonter au même niveau qu’en 2007, soit 4 %, la charge de la dette s’envolerait à 80 milliards au lieu de 26 », prévient Anthony Requin. Pas étonnant que la note quotidienne du chief economist de l’agence sur les tendances de marché remonte systématiquement à l’Elysée.

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