En guerre mais attractif, l’autre « french paradox »

Alors que la ville de Saint-Denis est en état de guerre, les présidents français des groupes étrangers basés dans l’hexagone, ont ouvert ce mercredi 18 novembre la 10e édition de Les Etats de la France, un colloque organisé au Conseil économique et social, par une minute de silence en hommage aux victimes des attaques terroristes du 13 novembre dernier. Tous ont tenu à manifester leur soutien et leur solidarité. Et paradoxe: alors que le climat de peur dû à la menace terroriste fait peser un risque économique sur le secteur du tourisme, un sondage de l’institut Ipsos est positif sur l’attractivité de l’Hexagone. Réalisé avant les attentats, l’enquête met en évidence un jugement plutôt positif sur la vitalité économique de la France. Dans les faits, 32% des entreprises étrangères installées en France jugent que le pays est attractif et que les réformes entreprises par le gouvernement pour améliorer la compétitivité vont dans le bon sens. « C’est 9 points de mieux que l’an dernier. Cela marque un retournement de situation », note Brice Teinturier, le directeur général de l’Ipsos.

Un verre à moitié plein

Cette tendance est confirmée par Christophe Duron, président de Procter & Gamble France : « nous avons l’habitude de regarder le verre à moitié vide. Or, pour avoir travaillé à l’étranger, je peux vous dire que notre pays à une multitude d’atouts comme la qualité de ses infrastructures, la qualité de formation de sa main-d’œuvre ou encore la stabilité des institutions. Dans les pays à bas coûts comme ceux asiatiques, c’est loin d’être le cas. En somme, pour évaluer l’attractivité d’un pays, il faut prendre une photo grand angle. » Dans la même veine Françoise Bartoli, présidente France du laboratoire pharmaceutique AstraZeneca, se veut elle-aussi positive: « les maisons mères plébiscitent la qualité de formation des salariés français. C’est un élément important et cela fait la force de notre pays. Par exemple, lorsqu’un laboratoire pharmaceutique international ferme un site ou rachète une entreprise française, elle garde les centres de recherche et développement basés dans l’hexagone. » Même certains groupes américains, si promptes à s’adonner au French bashing, reconnaissent que la France est attractive. « Quand je discute avec les dirigeants américains, ils reconnaissent la qualité des infrastructures, la qualité de formation ou encore la qualité de vie », raconte Fabrice Domange, directeur général d’AIG Europe de l’Ouest.

Reste que le pays fait encore l’objet d’un certain nombre de griefs. « Les réformes vont dans le bon sens. Pour preuve, le coût du travail dans l’industrie s’est amélioré et on est légèrement plus compétitif que l’Allemagne. Mais, il ne faut pas s’arrêter là. Il faut continuer », poursuit Christophe Duron, président de Procter & Gamble France. En cause, un code du travail jugé trop volumineux et trop contraignant ou encore l’accumulation de lois qui s’empilent les unes sur les autres. « En moyenne, un décret d’application met 5 mois pour paraître après qu’une loi ait été votée au parlement. Cela génère de l’immobilisme et contribue à brider l’économie », pointe Michel Ginestet, Président de Pfizer France. Pour remédier à ce problème, symptomatique du goût français pour les textes législatifs, Amélie Vidal-Simi, présidente-directrice générale de Henkel France propose de faire comme en Allemagne: « chaque nouvelle loi votée en supprime une autre. C’est le principe du one in, one out« .

Macron: moderniser l’économie française

Tous les patrons attendaient vers midi Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie. Malgré les événements tragiques de ces derniers jours, ce dernier a tenu à venir. « Notre pays est en deuil. Mais notre rôle à nous, c’est de tenir debout, d’agir et d’être à la hauteur des évènements. Je suis convaincu que nous devons continuer à moderniser la France. Notre pays est plus fort s’il est plus ouvert dans la mondialisation », explique le ministre. Ce dernier a détaillé de nouveau après sa conférence de presse de la semaine dernière, les grands axes de sa future loi intitulée #noe sur le numérique. Le bouillonnant ministre souhaite faire entrer l’économie française dans le XXIe siècle. « Nous devons mener une bataille culturelle pour avoir moins peur du risque et ne pas stigmatiser l’échec », a-t-il martelé. Notamment, il faut selon lui s’attaquer aux structures de financements de l’économie. En sus, il a redéveloppé son idée d’un fonds de pension à la française pour rediriger l’épargne vers l’économie réelle. Un peu plus tôt, Muriel Pénicaud, ambassadrice déléguée aux investissements internationaux et directrice générale de Business France, a rappelé tous le potentiel de l’hexagone dans les nouvelles technologies : « Nous avons entre 10 et 15 mille start-up en France. De plus, nous constatons qu’un tiers d’étudiants des grandes écoles d’ingénieur et de commerce souhaitent créer une start-up ou en intégrer une. » De quoi être optimiste pour l’avenir.

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