Le dernier bilan de l’Insee révèle que la proportion de logements inoccupés sur l’ensemble du territoire français a atteint 8,2 % en 2023, soit plus de 3 millions d’unités laissées vacantes. Sur l’île de beauté, cette part plafonne à 3,2 %, soit 8 350 habitations disponibles, un résultat qui place la Corse au premier rang des régions les moins concernées par ce phénomène. Un tel écart mérite une analyse précise, tant il camoufle une situation habitative moins favorable qu’il n’y paraît.
Les zones urbaines de l’île affichent des taux particulièrement réduits : 1,5 % à Bastia et 3,3 % à Ajaccio. Au sein des intercommunalités à forte attractivité touristique, ces chiffres chutent encore, à 1,4 % pour l’aire d’Île‑Rousse‑Balagne et à 2,1 % dans celle de Sud Corse. À première vue, ces niveaux pourraient traduire une offre locative abondante et un marché équilibré. Or, ils témoignent surtout d’un déficit de logements destinés à l’habitat permanent.
Entre 2009 et 2020, la population insulaire s’est enrichie de 38 000Â habitants, tandis que près de 46 100 nouvelles constructions voyaient le jour. Parmi ces dernières, la moitié est destinée à un usage secondaire, investie par des propriétaires extérieurs ou réservée à des locations saisonnières. Les résidences secondaires concentrent par ailleurs l’essentiel de la croissance du parc immobilier, privant ainsi les Corses d’un nombre adéquat d’appartements et de maisons à l’année.
L’enquête publiée à l’été 2024 par l’Insee souligne que 28 000 personnes – correspondant à 8 % de la population locale – se trouvent logées dans des espaces sous-dimensionnés. Cette contrainte spatiale affecte en priorité les zones les plus peuplées et celles soumises à de fortes pressions touristiques. Les ménages disposant de faibles revenus subissent la situation de plein fouet : 18 % des familles monoparentales et 10 % des couples avec enfants vivent dans un logement trop exigu. La proportion atteint jusqu’à 26 % pour les foyers monoparentaux comptant deux enfants.
Les indicateurs de fréquentation hôtelière offrent une comparaison parlante. À Paris, le taux d’occupation record met en évidence une offre d’hébergements insuffisante pour accueillir la demande, poussant certains visiteurs à se tourner vers des alternatives hors réseau officiel. Sur l’île de beauté, la pénurie de résidences permanentes contraint une partie des salariés – notamment ceux du secteur touristique et des services – à résider à plusieurs dans un même logement ou à emprunter des solutions temporaires.
Le ralentissement observé depuis 2014 dans le recul du taux de vacance, marqué par un léger désengagement des résidences secondaires en zones rurales, ne modifie guère ce constat. Les élus locaux et les professionnels du secteur plaident pour la construction de logements sociaux et intermédiaires, ainsi que pour l’assouplissement des règles d’urbanisme en faveur de la location longue durée. Sans une hausse significative de l’offre destinée à l’habitat permanent, l’île continuera de pâtir d’une accessibilité résidentielle limitée, malgré un indicateur global de vacance détenu comme l’un des plus bas de France.