Mauvaise nouvelle pour Chypre : l’agence de notation financière Fitch a abaissé vendredi la note de du pays de deux crans supplémentaires, la rétrogradant de BB- à B. Un pas de plus vers la catégorie des pays considérés comme étant en défaut de paiement.
Alors que le Mali et l’Algérie nous démontrent encore une fois que gaz et pétrole régissent en quelque sorte la planète toute entière, rappelons que Chypre revêt une importance stratégique dans la course aux hydrocarbures que mène actuellement l’état d’Israël contre Liban, Syrie, Égypte et Turquie …. dans le cadre de la bataille menée autour des licences d’exploitations des immenses champs gaziers de Leviathan et de Tamar.
En tout état de cause, Fitch considère désormais que le soutien que l’Etat devra apporter aux banques chypriotes devrait être réévalué à la hausse. L’agence de notation estime en effet que les coûts totaux de la recapitalisation du secteur bancaire pourraient dépasser 10 milliards d’euros, ce qui, le cas échéant nécessiterait d’augmenter le montant du programme de soutien -17 milliards prévus à l’heure actuelle – dont aurait besoin Chypre.
Si tel était le cas, la dette de l’Etat chypriote pourrait atteindre 140% du PIB en 2013, au lieu des 120% estimés précédemment. L’agence estime toutefois hautement improbable que Chypre se voit confrontée à un défaut de paiement avant le remboursement en juin d’obligations d’un montant d’1,4 milliard d’euros.
Néanmoins, Fitch maintient Chypre sous surveillance négative, envisageant même de devoir recourir à une nouvelle dégradation en cas de révision à la hausse des besoins de renflouement des établissements financiers de l’île.
En décembre dernier, un responsable gouvernemental chypriote avait indiqué pour sa part que Chypre risquait de ne pas pouvoir rembourser des prêts dus en décembre et verser les salaires des fonctionnaires si un accord sur un plan de sauvetage n’est pas conclu rapidement avec la troïka formée par l’Union européenne (UE), Banque Centrale Européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI).
Ce dernier ajoutant que le gouvernement chypriote ne pourrait recourir à aucun plan B en cas d’échec des négociations sur un plan d’aide avec la troïka, laissant parallèlement poindre la menace d’une nouvelle dégradation de la note de Chypre.
Précisons à toutes fins utiles que fin juin, le pays, alors président de l’Union européenne, avait demandé à bénéficier d’une aide, les finances du pays étant en effet grandement impactées par son adhérence à la situation qui prévaut en Grèce. En cas d’issue favorable, Chypre deviendrait ainsi le quatrième pays de la zone euro à « bénéficier » d’une telle « assistance » après la Grèce, l’Irlande et le Portugal.
A la demande de la troïka, Nicosie s’est vue contrainte de mettre en œuvre une série de mesures d’austérité, l’objectif étant de réduire ses dépenses d’un milliard d’euro. Un vaste programme d’économies sur quatre ans représentant 7,25% du Produit intérieur brut.
En novembre dernier, nous indiquions ici-même que l’agence de notation Moody’s venait de menacer le pays d’abaisser les notes de trois banques chypriotes. Et ce, alors même que quelques heures auparavant c’est la note du pays tout entier qui avait été placée sur la sellette. Cyprus Popular Bank, Bank of Cyprus et Hellenic Bank faisant partie des établissements concernés. La « menace » émise par l’agence de notation étant officiellement motivée par les retards et des incertitudes qui entourent les négociations en vue d’un sauvetage financier de Chypre.
Mais simple coïncidence ? Chypre pourrait rapidement revenir sur le devant de la scène via notamment son implication dans l’exploitation de l’immense champ gazier de Leviathan situé au large des côtes d’Israël.
Rappelons ainsi qu’en mai dernier, dix consortiums et cinq groupes pétroliers, dont le français Total, le malaisien Petronas et l’américain ATP s’étaient porté candidats dans le cadre d’enchères portant sur 12 blocs des 13 blocs d’exploration pétrolière et gazière au large de Chypre.
En octobre 2012, le gouvernement chypriote avait annoncé avoir accordé quatre licences d’exploration de gaz dans ses eaux territoriales, dont une au groupe pétrolier français Total et une autre à un consortium franco-russe.
Mais en décembre dernier, le porte-parole du gouvernement Stefanos Stefanou, avait indiqué que les négociations avec les candidats retenus pour le bloc 9 – un consortium alliant la branche ENP de Total et le russe Novatec – avaient cessé. « Le gouvernement a décidé de mettre fin aux négociations directes car elles se sont avérées insatisfaisantes », avait alors ajouté M. Stefanou sans donner de plus amples détails. Ajoutant toutefois que les autorités allaient désormais négocier l’attribution du bloc 9 avec un consortium établi entre le groupe pétrolier italien ENI et le sud-Coréen Kogas, lequel consortium s’était vu attribuer les blocs 2 et 3 en octobre dernier.
Hasard de calendrier ? L’accord entre Chypre, ENI et Kogas vient d’être conclu en début de semaine. La compagnie française Total demeure quant à elle toujours dans la course en ce qui concerne l’exploitation du bloc 11. Le gouvernement ayant parallèlement décidé de négocier avec elle l’attribution du bloc 10.
Au début du mois de janvier, les consortiums ENI/Kogas et le français Total ont proposé d’unir leurs forces pour extraire le gaz dans les 3 années qui suivront la signature de leurs licences d’exploration. Ce qui avait fait dire au ministre du commerce chypriote, Neoclis Sylikiotis, que l’approche de ces deux compagnies en terme d’exploration des blocks off shore au large de Chypre était de loin plus « agressive » que celle de l’américain Noble Energy sur le Bloc 12.
Rappelons qu’en décembre 2010 un accord a été signé entre Israël et Chypre en vue de faciliter et de poursuivre les recherches off-shore d’hydrocarbures – de part et d’autre – dans la partie orientale de la Méditerranée … de gigantesques réserves de gaz ayant été alors découvertes dans la zone. Selon les contrôles de la commission gouvernementale israélienne mise en place pour gérer un fonds d’exploitation des ventes, les recettes prévues des gisements « Léviathan », « Tamar » et « Dalit » se monteraient en effet à 100 voire à 130 milliards de dollars jusqu’en 2040.
Mais, le 8 septembre 2011, le Premier ministre turc déclarait à Al Jazzera, que la Turquie ne laisserait pas Israël jouir seule du gaz exploité dans les eaux chypriotes. Ce dernier jugeant « provocatrice » l’exploration au voisinage du gisement très prometteur de Léviathan. Parallèlement le Premier ministre Recep Erdogan menaçait d’envoyer sa flotte au voisinage du site aux frontières controversées, annonçant qu’il pourrait fournir une escorte navale à ses propres bâtiments d’exploration en Méditerranée chargés d’effectuer des forages sur des gisements d’hydrocarbures au large de la côte nord de Chypre.
A la même époque, le Premier ministre turc avait réitéré l’opposition de son pays aux zones économiques exclusives fixées en 2010 dans le cadre d’un accord entre Chypre et Israël. Le gouvernement chypriote grec – seul à ce jour à être reconnu par la communauté internationale – effectuait à cette date des travaux d’exploration sur le fabuleux gisement de Leviathan avec la compagnie américaine Noble Energy, s’appuyant pour ce faire sur le résultat de ses négociations menées avec l’Etat hébreu. Rappelons toutefois que la partie turque, située dans le nord de l’île est uniquement reconnue par Ankara.
Elisabeth STUDER – www.leblogfinance.com – 25 janvier 2013 –