Iran : la Chine grande gagnante face à Total, grâce à Trump

Iran : la Chine grande gagnante face à Total, grâce à Trump

La Chine grande gagnante face à l’Europe des mesures prises par Trump contre l’Iran ? Cela y ressemble terriblement.

Le ministre iranien du Pétrole a ainsi indiqué mercredi que la major pétrolière chinoise CNPC remplacerait le géant énergétique Total dans le contrat pour le développement en Iran de la phase 11 du champ gazier South Pars (Pars Sud) en cas du retrait du groupe français. Ce qui constituerait un événement de taille dans le monde des hydrocarbures alors que le champ gazier de South Pars représente un enjeu stratégique de tout premier ordre depuis des années et constitue une « prise » de tout premier ordre pour Total.

Le chinois CNPC remplacerait Total en cas de sortie du groupe français

“Total a affirmé que si elle n’obtenait pas de dérogation de la part des Etats-Unis pour continuer ses activités, elle commencera le processus pour quitter le contrat » a ainsi indiqué Bijan Namdar Zanganeh, cité par l’agence Shana du ministère.

Ajoutant que dans ce cas, « la société chinoise CNPC remplacera Total et prendra ses parts » et que si CNPC se dédiait à son tour, la société iranienne Petropars prendrait la main.

Rappelons qu’en vertu de l’accord conclu en juillet 2017, d’un montant de 4,8 milliards de dollars, Total détient 50,1% des parts du consortium,, suivi par le groupe chinois CNPC (30% des parts) et de l’Iranien Petropars (19,9%),  ce dernierdépendant de la Compagnie nationale iranienne de pétrole (NIOC). Un accord de principe  avait d’ores et déjà signé en novembre 2016, un porte-parole du ministère précisant alors que le dossier  représentait un investissement de 6 milliards de dollars.

Il s’agissait alors d’un retour en force du groupe français en Iran, pays où la société était fortement implanté, avant que Téhéran ne fasse l’objet de sanctions internationales accrues depuis 2012, les grandes puissances mondiales tentant par ce biais lutter contre le programme nucléaire iranien largement controversé.

Le temps des négociations douloureuses sur les dossiers Eurodif/Sofidif et l’enrichissement de l’uranium semblaient alors n’être que d’un lointain passé. Il est vrai que l’Iran dispose des deuxièmes réserves mondiales de gaz après la Russie, et que le pays pourrait représenter une alternative de tout premier ordre  en cas de points de discordes accrus avec  Moscou.

Le groupe français a d’ores et déjà averti dans un communiqué qu’il mettrait fin à ce grand projet gazier situé en Iran, s’il ne pouvait obtenir une dérogation de la part des autorités américaines, avec le soutien de la France et de l’UE.

Le ministre a ajouté que le contrat ne prévoyait pas de “pénalité pour la sortie de Total”, mais que l’argent dépensé jusque-là par le groupe ne serait pas remboursé avant la fin des travaux. Petite précision et non des moindres : le géant pétrolier français a dépensé plusieurs dizaines de millions de dollars jusque-là sur le projet.

Trump bouleverse  les accords conclus avec l’Iran

Le 8 mai, le président américain Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis se retirait de l’accord signé en 2015 entre les plus grands pays de la planète (en terme politique et financier … ) et l’Iran. Téhéran avait alors accepté de freiner son programme nucléaire en échange de la levée d’une partie des sanctions internationales. Mais fidèle à lui-même et ses velléités de déconstruire tout ce que l’administration Obama aura pu établir, Trump a annoncé le retour des sanctions américaines contre Téhéran.

L’accord avec le consortium mené par Total était le premier signé avec l’Iran après l’entrée en vigueur de l’accord sur le nucléaire de 2017. Téhéran misait sur cet accord pour encourager d’autres sociétés occidentales et des compagnies asiatiques à conclure des contrats avec l’Iran.

Element notable :  l’Iran dispose des deuxièmes réserves mondiales de gaz, après la Russie, et des quatrièmes réserves mondiales de pétrole. De quoi peser lourdement dans les négociations diplomatiques.

Total intéressé depuis des années par le très stratégique champ de South Pars

Rappelons que l’Iran et le Qatar se partagent le champ offshore de South Pars (Pars Sud), situé dans les eaux du Golfe, qui contient environ 14.000 milliards de m3 de gaz, soit 8% des réserves mondiales. L’objectif de Téhéran est notamment de développer la phase 11 du gisement pour le relier à sa première usine de gaz naturel liquéfié (GNL) sur la côte du Golfe.

En 2004, déjà, Total avait conclu un accord de principe avec l’Iran pour le développement de cette phase et pour la construction d’une usine de GNL destinée au traitement de sa production. Cet accord n’avait pu toutefois être finalisé.

L’Iran avait annoncé en février 2006 qu’il allait signer des contrats avec le géant anglo-néerlandais Shell, le français Total et l’espagnol Repsol pour développer des projets à South Pars. “Les contrats seront probablement signés” dans les prochains jours, avait alors déclaré Akbar Torkan, le directeur général de la compagnie publique Pars Oil and Gas Company (POGC), en charge du champ pétrolier. Les contrats concernent les phases 11 et 13 du gisement étaient destinés à la production de gaz naturel liquéfié (GNL) pour l’export. Concurrençant ainsi les autres majors pétrolières … ou quand le nucléaire a parfois bon dos pour mettre des bâtons dans les roues aux projets énergétiques iraniens….

Total était prévu pour travailler sur la phase 11, avec un projet appelé Pars GNL, tandis que Shell et Repsol devaient travailler sur la phase 13, avec un projet appelé Persian GNL. Les compagnies devaient collaborer avec la Compagnie nationale iranienne de pétrole (NIOC). L’investissement pour chaque phase était alors estimé entre 1.2 et 1.5 milliard de dollars.

Mais en septembre 2007, le Financial Times avait indiqué que le ministre iranien du Pétrole avait déclaré que l’Iran souhaitait “reconsidérer” un très important projet gazier avec le groupe pétrolier français Total portant sur une usine de liquéfaction de gaz à South Pars.

Le projet portant sur plusieurs milliards de dollars doit “être reconsidéré”, avait alors assuré Gholam Hossein Nozari expliquant que les prix que Total souhaitait pratiquer pour la vente du GNL qui sortirait de l’usine étaient trop élevés. Les prix proposés à Téhéran par Total vont forcer l’Iran “à étudier la faisabilité d’un nouveau plan”, avait-t-il ajouté.

Le ministre iranien avait également remis en cause une des clauses prévue dans le projet, selon le FT, selon laquelle Total récupérerait pour lui-même 5 millions de tonnes de GNL. Ceux-ci “doivent être remis sur le marché” et ne pas aller au pétrolier français, avait alors estimé le ministre.

L’Iran avait donné jusqu’à juillet 2008 à Total pour faire une nouvelle proposition de prix pour pouvoir finaliser ce projet, selon le FT. Total de son côté avait fait valoir que les investissements nécessaires avaient considérablement augmenté depuis les premières négociations.

L’”affaire” voyait le jour alors que le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, avait affirmé quelques jours auparavant que Paris avait “demandé” à de grandes entreprises françaises dont Total, de ne “pas répondre aux appels d’offres” en Iran en raison de la crise autour du programme nucléaire de ce pays.

En juin 2009, Téhéran avait également un accord de près de cinq milliards de dollars avec le chinois chinoise CNPC pour le développement de la phase 11 du champ de South Pars. Mais cet accord avait été annulé fin 2012-début 2013, la compagnie chinoise n’ayant pas honoré ses engagements.

La Russie place ses pions

La Chine n’est pas la seule à placer ses pions …. et profiter de la politique menée par Donald Trump. L’”opportunité” profite également à la Russie.

En effet, à l’heure actuelle, en dehors de l’accord signé avec le consortium dont fait partie Total, seule la société russe Zarubezhneft a signé en mars 2018 un contrat de 742 millions de dollars en vue d’augmenter la production de deux champs pétroliers dans l’ouest du pays.

En novembre 2017, le groupe public russe Gazprom a quant à lui annoncé des accords avec l’Iran prévoyant sa participation à des projets de gaz naturel liquéfié ainsi qu’à un projet de gazoducs vers le Pakistan et l’Inde. De quoi rendre le dossier nucléaire encore plus géopolitique …

Signés en marge d’une visite de Vladimir Poutine à Téhéran mercredi, ces contrats constituent “un grand pas dans le développement du partenariat russo-iranien dans le secteur gazier”, avait alors souligné le vice-président de Gazprom Vitali Markelov.

L’un de ces contrats a été signé avec l’Organisation iranienne pour la rénovation et le développement industriel (Idro), un organisme d’Etat, et prévoit la possibilité de “projets de liquéfaction du gaz pour le vendre à des pays tiers”, précisait alors Gazprom.

Lequel a également signé avec la société publique pétrolière iranienne Nioc un accord permettant de démarrer les études de faisabilité d’un projet de gazoduc Iran-Pakistan-Inde ainsi qu’un accord sur un système de production et de transport de gaz naturel sur le territoire iranien.

Surnommé “pipeline de la paix”, le projet de gazoduc IPI (Iran-Pakistan-Inde) et a été initié en 1994 dans le but au départ de livrer du gaz iranien à l’Inde en traversant le Pakistan, mais sa construction a été retardée pendant des années par des différends concernant la fixation du prix du gaz et par les relations tendues avec les pays concernés.

A la même période, le géant russe des hydrocarbures Rosneft (semi-public) avait annoncé avoir signé avec Nioc une “feuille de route” pour la mise en oeuvre de projets communs dans le domaine de la production de pétrole et de gaz en Iran.

Cité par l’agence Interfax, le directeur général de Rosneft, Igor Setchine, avait déclaré qu’il était question de “toute une série” de gisements qui seront exploités avec des partenaires iraniens pour un “investissement total” pouvant aller “jusqu’à 30 milliards de dollars”.

Sources : AFP, agence iranienne Shana, Financial Times, Interfax

Elisabeth Studer – 17 mai 2018 – www.leblogfinance.com

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