La famille Benetton s’associe à Blackstone pour tisser sa toile en Italie

La holding de la famille Benetton et le fonds d’investissement américain Blackstone lancent une offre publique d’achat (OPA) sur la totalité du groupe Atlantia, un gérant italien de concessions autoroutières et aéroportuaires.

Edizione, la holding de la famille Benetton, et le fonds d’investissement américain Blackstone ont annoncé jeudi unir leurs forces pour lancer une offre publique d’achat (OPA) sur la totalité du groupe Atlantia. Les deux associés entendent prendre de court le géant espagnol du BTP ACS qui lorgne également le gérant italien de concessions autoroutières et aéroportuaires.

L’offre proposée par la famille Benetton et Blackstone valorise l’ensemble du groupe à 19 milliards d’euros, ce qui, en cas de succès, en ferait l’une des plus grosses OPA depuis le début de l’année. Le prix de l’OPA a été fixé à 23 euros par action, auquel s’ajoute un dividende de 0,74 euro.

Benetton, principal actionnaire d’Atlantia avec une part de 33,1%, compte ainsi contrecarrer les projets jugés hostiles d’ACS, qui s’est allié avec deux autres fonds, GIP et Brookfield, pour racheter Atlantia et prendre notamment le contrôle de ses autoroutes.

Une opération à près de 13 milliards d’euros

Pour acquérir les 66,9% du capital qu’il ne possède pas encore, Benetton, conjointement avec Blackstone, devra débourser près de 12,7 milliards d’euros. Les acheteurs hériteront aussi de la dette nette d’Atlantia, qui s’élève à 29 milliards d’euros.

L’objectif est de retirer Atlantia de la cote et le mettre ainsi à l’abri d’éventuels prédateurs qui voudraient s’en emparer et perturber les projets d’investissement à long terme de la famille Benetton pour le groupe qu’elle considère comme « stratégique ». L’OPA aura été la première décision d’envergure d’Alessandro Benetton, 58 ans, depuis qu’il a pris en janvier les rênes de la holding familiale, Edizione.

Créé en 1965 dans le nord-est de l’Italie par quatre frères et soeur, Benetton était connu initialement pour ses pulls doux en laine déclinés en de multiples couleurs, avant de se diversifier.

« Préserver l’intégrité du groupe et son identité italienne »

L’offre vise « non seulement à soutenir au mieux les projets industriels d’Atlantia », mais aussi à « préserver l’intégrité du groupe et son identité italienne », a commenté Alessandro Benetton. À travers son OPA, Benetton compte aussi éviter que la société d’autoroutes Abertis, détenue conjointement avec ACS, passe sous le seul contrôle du groupe espagnol. L’offre a été lancée par un véhicule créé à cet effet, contrôlé à 65% par Benetton et à 35% par Blackstone, qui contribuera à hauteur d’environ 4,4 milliards d’euros.

L’annonce a été bien accueillie à la Bourse de Milan, où le titre a clôturé jeudi en hausse de 4,29% à 22,83 euros, restant toutefois en dessous du cours de l’OPA. Le prix de l’offre, jugé « attractif » par les analystes d’Equita, représente une prime de 5,3% par rapport au cours de clôture de mercredi et de 24,4% par rapport au cours du 5 avril, avant que ne circulent de premières spéculations sur une éventuelle offre d’ACS pour Atlantia. Le groupe espagnol avait annoncé le 6 avril avoir conclu « un accord exclusif » avec GIP et Brookfield afin de racheter « la majorité de la division de concessions autoroutières ».

Approchée « de manière non sollicitée » par ACS et les deux fonds, la holding des Benetton avait fait savoir le lendemain qu’une telle opération était « dénuée d’intérêt », dans la mesure où elle conduirait à un « éclatement du groupe Atlantia ». Atlantia, qui emploie plus de 30.000 personnes dans 24 pays, gère cinq aéroports et plus de 50 concessions autoroutières dans une dizaine de pays.

Une bataille boursière à venir?

Une bataille boursière pour Atlantia n’est pas à exclure, car ACS, dirigé par Florentino Perez, président du club de football du Real Madrid, est toujours en embuscade et pourrait renchérir sur l’offre de la famille Benetton. ACS dispose de liquidités supplémentaires depuis la vente en 2021 de ses activités énergie au géant français du BTP Vinci pour un montant d’environ 4,9 milliards d’euros. Toutefois, « une prise de contrôle hostile d’Atlantia par ACS a peu de chances de réussir sans un accord avec le principal actionnaire d’Atlantia, Edizione », ont prévenu les analystes de Kepler.

Cette OPA intervient au moment où Atlantia s’apprête à encaisser, le 5 mai, 8 milliards d’euros, fruit de la vente de sa part de 88% détenue dans Autostrade per l’Italia (Aspi) à un consortium emmené par la Caisse des dépôts italienne (CDP) et auquel appartient également le fonds Blackstone. Florentino Perez avait lui aussi manifesté son intérêt pour Aspi auprès d’Atlantia, sans toutefois déposer une offre formelle.

Depuis l’effondrement du viaduc de Gênes en août 2018, qui a fait 43 morts et dont Autostrade est le gestionnaire, la famille Benetton était sous forte pression pour vendre sa part.