La justice US attaque Standard and Poor’s, un bouc émissaire bien utile ?

Le monde à l’envers ? Selon l’agence de notation Standard and Poor’s (S&P), elle-même, la justice US envisage de lancer une procédure contre elle. Raisons invoquées : S&P aurait mal évaluer le risque présenté par certains actifs avant la crise financière. Chose que l’agence de notation estime d’ores et déjà  comme « injustifiée ».

Une manière – quasi désespérée – pour l’administration Obama  de planter in extremis un arbre en vue de cacher la forêt ? Et ce, alors que l’épineux problème de la falaise fiscale et du déficit record du budget public US n’a pas été solutionné.

La division civile du département de la Justice (DoJ) US  va ainsi déposer une plainte  au civil  contre l’agence de notation, accusant cette dernière d’avoir mal évalué le risque sur certains actifs avant la crise de 2007-2008. La plainte du ministère se concentrera « sur ses notations en 2007 de certaines obligations américaines adossées à de la dette (CDO) », titres financiers basés sur des montages liés à des emprunts immobiliers à risques,  à  savoir,  les  trop célèbres  « subprime ». Lesquels   ont   été en grande partie  à l’origine de la crise financière mondiale.

Face à cette  accusation, S&P affirme  « regrette(r) profondément » que ses notations « aient échoué à anticiper totalement la rapide détérioration des conditions sur le marché hypothécaire américain durant cette période tumultueuse ».  Ajoutant  qu’une « plainte du DOJ serait sans fondement factuel ou légal », considérant  par ailleurs que ses analystes ont travaillé de bonne foi.

L’agence de notation  fait valoir  par ailleurs qu’elle  a « examiné les mêmes données sur les emprunts obligataires à risque que le reste du marché, y compris des responsables du gouvernement américain ». Relevant que ces derniers  avaient publiquement affirmé en 2007 « que les problèmes sur le marché du subprime semblaient maîtrisés ».

S & P  relève par ailleurs que les  titres financiers pointés aujourd’hui du doigt  avaient été évalués de la même manière par ses concurrents.

La Banque de France rappelle quant à elle  dans un document daté  de mai 2012, que de  nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre des agences de notation   lors  de l’émergence  de la crise des subprime en 2007. Certains investisseurs affectés par la performance de certains actifs financiers disposant initialement des meilleures notations ne comptant  pas en rester là face à leurs déboires.
Selon l’établissement financier, de nombreuses tranches notées AAA ont ainsi connu de fortes pertes liées aux insuffisances de la méthodologie de certaines agences (non prise en compte de risques comme la concentration, la corrélation, ou encore le risque extrême).

Rappelant que depuis le début de la crise de l’endettement public, de nombreuses questions se posent à nouveau quant aux pratiques de ces agences,  notamment sur les effets amplificateurs de leurs décisions voire même  sur leur légitimité pour noter des dettes souveraines.

La Banque de France rappelle par ailleurs que Standard & Poor’s est détenue à 100 % par la maison d’édition McGraw-Hill qui publie notamment le journal Business Week ainsi que de nombreux journaux financiers. Son principal actionnaire est la société d’investissement Capital World, laquelle détient aussi une participation dans Moody’s.  D’autres entités telles que Vanguard Group, State Street ou encore Black Rock  sont également actionnaires directs ou indirects des deux agences de notation.

Simple hasard ? Aux  derniers jours de l’année 2012, alors que républicains et démocrates n’arrivaient toujours pas à se mettre d’accord sur le budget US – situation qui  menaçait les Etats-Unis de devoir  faire face à un véritable « mur fiscal »  l’agence Standard and Poor’s avait  indiqué que la  situation   d’impasse qui prévalait alors ne devrait pas la contraindre à une nouvelle dégradation de la note de la dette US.
L’agence de notation avait  toutefois  rappelé qu’elle maintenait la perspective négative pour le pays, laissant même entendre qu’elle n’excluait pas devoir effectuer une nouvelle dégradation dans les prochains mois ….

Rappelons qu’à l’été 2011, Standard and Poor’s avait retiré aux Etats-Unis leur triple A, justifiant sa position par l’effet négatif du blocage politique observé alors sur le relèvement du plafond légal de la dette publique.

En septembre 2012, l’agence de notation Moody’s a averti pour sa part qu’elle retirerait également son triple A aux Etats-Unis si le Congrès ne trouvait pas en 2013 un moyen de réduire à moyen terme le ratio dette publique/PIB.

Nouvel  hasard de calendrier ? Les sénateurs américains ont adopté le jeudi  31 janvier,  le projet de loi relevant le plafond de la dette fédérale. Rappelons  que le 23 janvier  dernier, la Chambre des représentants a avalisé le texte qui permet au gouvernement fédéral de continuer à emprunter jusqu’à la mi-mai …. 

Sources : AFP, Reuters, BDF


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