Le Canada s’accorde avec l’Ukraine pour une coopération militaire … en vue de lui vendre de l’armement

Le secteur de l’armement a encore de beaux jours devant lui … Le Canada et l’Ukraine ont signé lundi à Ottawa un accord de coopération dans le secteur de la défense. Si, officiellement, il formalise certes l’aide canadienne visant au « renforcement des capacités » militaires de Kiev, cet accord ouvre ni plus ni moins la voie à une libéralisation des ventes d’armes canadiennes à l’Ukraine, lesquelles faisaient l’objet de restrictions jusqu’à présent.

L’accord est « un pas très important » vers l’objectif – officiel, bien sûr – a déclaré à cette occasion le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan. Il devrait permettre au Canada et à l’Ukraine « de collaborer de près sur les questions de sécurité mutuelle et sur les préoccupations en matière de défense » a-t-il ajouté. Selon lui, l’accord « démontre la force de l’engagement du Canada envers la sécurité euro-atlantique et notre soutien inébranlable à l’Ukraine » s’est-il exclamé, un brin grandiloquent alors que d’importants contrats pourraient être conclus à la clé.

En mars dernier, le Canada a prolongé jusqu’en 2019 la mission d’un contingent des forces armées canadiennes chargé de former et d’assister les troupes ukrainiennes. Ce contingent canadien avait été déployé en avril 2015, soit un peu plus d’un an après le déclenchement du conflit armé dans l’Est de l’Ukraine, dans le cadre d’une opération internationale avec le Royaume-uni et les Etats-Unis.

Les 200 militaires canadiens  sont déployés pour assurer « un entraînement individuel sur le maniement des armes » mais aussi sur le tir de précision ou la neutralisation des explosifs et munitions. Depuis le début de la mission, les forces armées canadiennes ont formé 3.200 soldats ukrainiens, selon le ministère.

Depuis que le Canada est devenu le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine, le 2 décembre 1991, les deux pays entretiennent des relations étroites. Cette relation bilatérale est renforcée par des liens interpersonnels prenant racine dans une communauté forte de 1,3 million de Canadiens d’origine ukrainienne.

Selon le site du gouvernement canadien, depuis janvier 2014 et jusqu’en février 2016, le Canada a annoncé plus de 700 millions de dollars « en aide indispensable » à l’Ukraine, dont des prêts à faible intérêt totalisant 400 millions de dollars destinés à aider l’Ukraine à stabiliser son économie, et plus de 240 millions de dollars « en aide bilatérale au développement axée sur la démocratie, l’état de droit et une croissance économique durable ».

En ce qui concerne l’aide bilatérale en matière de sécurité offerte à l’Ukraine, le Canada a fourni aux forces armées ukrainiennes – toujours selon le site du gouvernement – de l’équipement militaire non létal  dont la valeur dépassait 16 millions de dollars en février 2016. La contribution du Canada au fonds de l’OTAN pour l’Ukraine s’élevait à un million de dollars à la même date. « Etant donné l’importance des gisements de pétrole et de gaz non conventionnels en Ukraine, les secteurs connexes suscitent un intérêt grandissant » poursuit encore le site …

En juillet 2015, deux ONG avaient demandé à Ottawa de renoncer au projet du gouvernement conservateur sortant, qui souhaitait permettre la vente à l’Ukraine d’armement canadien dit « prohibé », notamment des fusils automatiques et des véhicules blindés.

Dans une lettre adressée au ministère des Affaires étrangères canadien, Amnesty International Canada et l’organisme pacifiste Project Ploughshares avaient indiqué qu’il serait mal avisé d’ajouter l’Ukraine à la liste des pays à qui les entreprises canadiennes peuvent vendre des armes automatiques. Demandant à ce que la vente d’armes à l’Ukraine soit reportée jusqu’à ce que la situation des droits de la personne s’améliore dans le pays.

Malgré un changement de régime et des réformes au sein de la police, les deux organismes canadiens estimaient que demeuraient alors des risques de violations des droits de la personne en Ukraine. Les organismes citaient notamment des cas de brutalité policière pour mater des manifestations antigouvernementales à l’automne 2013, des événements menant en février 2014 au renversement du gouvernement de Viktor Ianoukovitch.

Les deux ONG redoutaient par ailleurs que des armes de fabrication canadienne soient utilisées contre des civils dans le cadre du conflit avec les rebelles prorusses, dans l’est du pays. « Les deux parties dans ce conflit ont violé à plusieurs reprises le droit international humanitaire », écrivaient ainsi les deux organismes.

Si le Canada se targue d’avoir les contrôles «parmi les plus rigoureux» en matière d’exportation de matériels militaires, ces 25 dernières années, le tiers des ventes canadiennes d’armement à l’étranger ont été destinées à des dictatures, certaines très violentes et meurtrières.

C’est en août 2016, que Ottawa a discrètement assoupli son mandat en matière d’exportation de matériel militaire, le gouvernement libéral de Justin Trudeau se donnant ainsi une plus grande marge de manoeuvre, suivant ainsi les traces du précédent gouvernement conservateur.

Le gouvernement fédéral avait alors publié les rapports 2014 et 2015 sur les exportations de matériel militaire du Canada, lesquels expliquent notamment de quelle manière le Canada effectue des contrôles à l’exportation. Or, certains passages de ces deux dernières éditions ont été réécrits et diffèrent des précédents rapports.

C’est aussi discrètement que le Canada lève désormais ses restrictions sur la vente d’armement en Ukraine.

Elisabeth Studer – 8 avril 2017 – www.leblogfinance.com

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