Le Liban menace d’expulser les réfugiés syriens s’il n’obtient pas d’aides internationales

Le Liban accueille des Syriens déplacés depuis maintenant plus de onze ans. Alors que les ressources sont de plus en plus sollicitées par la crise économique, un soutien accru aux personnes déplacées et aux communautés d’accueil libanaises reste une priorité absolue pour le gouvernement libanais et ses partenaires, soulignait, lundi 20 juin 2022, Hector Hajjar.

En présentant le Plan de réponse à la crise du Liban 2022-2023 (PRCL), le ministre libanais des Affaires sociales a tiré le signal d’alarme. « Nous vous demandons instamment d’être aux côtés du Liban, de son peuple et de son gouvernement, aux côtés des personnes déplacées pour répondre à leurs besoins urgents, et de travailler ensemble pour surmonter les obstacles à leur retour en toute sécurité dans leur patrie », implorait-il. Le gouvernement réclame 3,2 mrds$ (3,03 mrds€) d’aides pour soutenir les familles locales et les réfugiés. Son appel est relayé par l’Onu et ses partenaires.

Ayant déjà permis d’apporter 9 mrds$ (8,52 mrds€) depuis 2015, le PRCL rassemble 126 partenaires humanitaires. Ce plan ambitionne de proposer un soutien à 1,5 million de Libanais, 1,5 million de Syriens déplacés et à plus de 209 000 réfugiés palestiniens.

Neuf Syriens sur dix vivent dans la pauvreté

Selon Najat Rochdi, coordinatrice résidente et humanitaire des Nations unies au Liban, neuf Syriens sur dix vivent dans la pauvreté dans ce pays. Elle ajoute que « les niveaux de pauvreté ont également augmenté de manière substantielle pour les citoyens libanais, les migrants et les réfugiés palestiniens ».

Il n’existe pas de camps de réfugiés officiels au Liban. « Les Syriens sont dispersés dans des villages en milieu urbain et rural. Ils partagent souvent des logements précaires avec d’autres familles réfugiées, dans des conditions de surpeuplement », précise l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

 » Ces circonstances entraînent des mécanismes d’adaptation négatifs, les familles étant obligées d’envoyer leurs enfants au travail plutôt qu’à l’école, de sauter des repas ou de s’endetter « , commente-elle. Elle souligne l’importance d’un soutien aux municipalités afin qu’elles puissent « maintenir les services de base dans un contexte d’énormes déficits de capacité », précise un communiqué de l’Onu.

Le gouvernement libanais s’est engagé à augmenter le nombre de familles locales bénéficiant d’une aide régulière en espèces dans le cadre du programme national de lutte contre la pauvreté financé par les donateurs présents dans le PRCL. Elles sont aujourd’hui 36 000 familles à recevoir ce financement et devrait être 75 000 dans les deux prochains mois. Financé par un prêt de la Banque mondiale, un filet de sécurité sociale existe également pour ces populations. Il permet d’apporter une aide mensuelle à quelque 60 000 familles libanaises parmi les plus pauvres pendant un an et vise à s’élargir pour toucher 150 000 familles au total.

Aide au retour ou expulsion

« La situation n’est plus tenable« , assure Hector Hajjar. Son Premier ministre Najib Mikati a été plus direct que lui en déclarant « le Liban n’est plus en mesure de porter un tel fardeau. » Il appelle « la communauté internationale à coopérer avec le Liban pour rapatrier les déplacés syriens. » Et prévient que, sans soutien, « Beyrouth prendra une décision qui n’est pas souhaitable pour les pays occidentaux, à savoir l’expulsion des Syriens. »

Le Liban et ses 6,7 millions d’habitants demeure le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés par habitant et kilomètres carrés au monde selon le HCR. C’est aussi un état qui traverse, depuis 2019, la plus grande crise économique et sociale de son histoire – qualifiée d’une des pires au monde depuis 1850 par la Banque mondiale – et qui se trouve en cessation de paiement depuis mars 2020.

Le HCR estime à 6,6 millions le nombre de réfugiés syriens dont 5,6 millions présents dans des pays voisins de la Syrie. La Turquie en accueille le plus grand nombre (3,72 millions au 16 juin 2022). Le Liban 839 000 (malgré l’objectif du PRCL d’en aider 1,5 million), la Jordanie 675 000, l’Irak 260 680 et l’Égypte 141 300 selon les derniers chiffres au 16 juin 2022 de l’Agence des Nations unies aux réfugiés.

Expert missionné par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Olivier De Schutter indiquait, en mai 2022, dans un rapport: « les dirigeants politiques sont complètement déconnectés de la réalité, y compris du désespoir qu’ils ont créé en détruisant la vie des gens. Il décrit également le Liban comme l’un des pays les plus inégalitaires au monde, mais les dirigeants semblent au mieux ignorer cela et au pire se sentir à l’aise avec cela ». Il parlait même d' »État défaillant ».

Les Nations unies ont placé la crise du Liban en alerte rouge le 16 juin 2022. Najat Rochdi estime que 2,2 millions de personnes ont un besoin d’aide urgente pour leur assurer l’accès à la nourriture et aux autres besoins de base jusqu’à la fin de l’année. Un chiffre en augmentation de 46% par rapport à 2021.