Le Nobel d’économie à trois experts des crises bancaires

Benjamin des Nobel, le prix d’économie clôt lundi la saison des célèbres récompenses. Il était un des grands visages de la crise financière de 2008 : le prix Nobel d’économie a été décerné lundi à Ben Bernanke, l’ancien président de la banque centrale américaine (Fed) et ses compatriotes Douglas Diamond et Philip Dybvig, pour leurs travaux sur les banques et leurs sauvetages nécessaires durant les tempêtes financières.

L’ex-banquier central, même s’il n’a pas empêché la faillite de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers en 2008, est resté dans l’histoire économique récente comme l' »hélicoptère Ben », qui a ouvert les vannes financières de la Fed pour ne pas reproduire les erreurs des tours de vis trop brutaux de ses prédécesseurs des années 1930, qui avaient propagé le marasme boursier à la production et à l’emploi.

L’ancien professeur d’économie, spécialiste de la Grande dépression, avait quitté son poste à la tête de la Federal Reserve il y a huit ans en voyant salué son rôle pour sortir l’économie américaine de la crise.

Le trio récompensé « a significativement amélioré notre compréhension du rôle des banques dans notre économie, particulièrement durant les crises financières, ainsi que la façon de réguler les marchés financiers », a salué le jury Nobel.

« Une importante découverte de leurs recherches », dont les travaux commencent à partir des années 1980, « a été de montrer pourquoi éviter l’effondrement des banques est vital », a souligné le comité de l’Académie suédoise des sciences chargé de décerner le prix.

Agé de 68 ans, Ben Bernanke a été président de la Federal Reserve (Fed) entre 2006 et 2014, bail marqué par la crise financière de 2008-2009 et la chute de la banque américaine Lehman Brothers. La plus grande faillite bancaire dans l’histoire des Etats-Unis avait déclenché une crise financière mondiale et souligné le risque posé par des géants bancaires « too big to fail » (« trop grands pour faire faillite »).

« Je suis incroyablement honoré, évidemment », a réagi l’ancien banquier central, lors d’une conférence de presse à Washington.

« Nous avions éteint nos téléphones portables, mon épouse et moi. (…) C’est finalement notre fille à Chicago qui a été contactée et nous a appelés sur notre téléphone fixe », a-t-il raconté.

L’économiste a analysé la Grande Dépression des années 1930 et a notamment montré comment les retraits massifs – les « bank runs » (« ruée aux guichets ») – « étaient un facteur décisif dans la prolongation et l’aggravation des crises ».

Le jury ne fait toutefois aucune référence directe à l’action de Ben Bernanke à la tête de la Fed dans les motivations de son prix.

Douglas Diamond, né en octobre 1953, et Philip Dybvig, 67 ans, respectivement professeurs à l’université de Chicago et à l’université Washington de Saint-Louis, ont développé des modèles théoriques montrant comment les banques peuvent être vulnérables à la rumeur sur leur effondrement imminent.

Ces travaux ont notamment débouché sur le modèle Diamond–Dybvig sur les paniques bancaires « autoréalisatrices », rappelle le comité Nobel.

« Je dormais profondément quand au téléphone j’ai entendu une voix suédoise (…). Je me suis demandé si c’était authentique », a plaisanté Douglas Diamond, en racontant comment il a réagi à l’annonce de son nouveau prix Nobel d’économie. « Oh, c’est pas mal ! », a-t-il pensé ensuite. « Il ne faut pas le gagner trop jeune, après, cela vous monte à la tête », a ajouté ce professeur, qui se dit « obsédé par la stabilité financière et les banques ».

Interrogé sur les risques actuels du système financier, M. Diamond a reconnu que les hausses d’intérêts menées actuellement par les banques centrales dans le monde pour juguler l’inflation revenaient à « ôter de la liquidité dans le système ».

« Les banques centrales doivent être prudentes quant au rythme auquel elles réduisent cette liquidité ou bien elles feront face à des crises financières qui vont leur lier les mains et les empêcher d’atteindre leur but macro-économique », a averti le Nobelisé.

– « Faux Nobel » –

Seul à ne pas avoir été prévu dans le testament d’Alfred Nobel, le prix d’économie « à la mémoire » de l’inventeur s’est ajouté bien plus tard aux cinq prix traditionnels, lui valant chez ses détracteurs le sobriquet de « faux Nobel ».

Vendredi, le prix Nobel de la paix a récompensé le militant bélarusse emprisonné Ales Beliatski, l’ONG Memorial et le Centre ukrainien pour les libertés civiles en pleine invasion de l’Ukraine par Moscou.

La veille, Annie Ernaux était devenue la première Française à remporter le Nobel de littérature, après 15 hommes.

Le Nobel de médecine avait ouvert le bal en couronnant lundi dernier le Suédois Svante Pääbo, père de l’homme de Denisova et cartographe de l’ADN de l’homme de Néandertal.

Celui de physique a récompensé le Français Alain Aspect, l’Autrichien Anton Zeilinger et l’Américain John Clauser pour leurs découvertes sur le mécanisme révolutionnaire de « l’intrication quantique ».

Un trio, les Américains Carolyn Bertozzi et Barry Sharpless conjointement avec le Danois Morten Meldal, a été couronné en chimie pour « le développement de la chimie click et de la chimie bioorthogonale », avec un rarissime deuxième prix pour M. Sharpless.

Malgré une seule femme sacrée en sciences et des Nobélisés 100% américano-européens cette année, les prix Nobel progressent en termes de diversité, a affirmé lundi à l’AFP un des principaux responsables des comités attribuant les récompenses.

Hans Ellegren, secrétaire général de l’Académie royale suédoise des sciences, s’est dit « plutôt satisfait » de l’évolution du nombre de femmes couronnées en sciences, pointant le nombre croissant de lauréates ces cinq dernières années.