Le Sénat planche sur la loi Santé

Fin du « numerus clausus » pour les étudiants en médecine, hôpitaux de proximité, transformation numérique: le Sénat a entamé lundi 3 juin, après l’Assemblée nationale, l’examen du projet de loi Santé, qui doit selon Agnès Buzyn répondre à « l’urgence dans des territoires qui se sentent abandonnés ».

Les sénateurs auront toute la semaine pour ausculter le projet de loi relatif à « l’organisation et à la transformation du système de santé » et ses quelque 700 amendements, avant un vote solennel à l’issue de cette première lecture mardi 11 juin. Le gouvernement vise une adoption définitive avant la fin juillet.

Traduisant une partie des mesures du plan « Ma Santé 2022 » présenté en septembre par Emmanuel Macron, le texte porté par Agnès Buzyn prévoit une réforme des études de santé pour notamment pallier le manque de médecins, la labellisation de 500 à 600 « hôpitaux de proximité », une régularisation de médecins étrangers, un accès élargi aux données de santé ou encore la création d’un espace numérique de santé.

« Nous n’avons pas le choix, il faut répondre à l’urgence dans des territoires qui se sentent abandonnés », a affirmé la ministre de la Santé, alors que le sujet de la désertification médicale a émergé lors du grand débat.

« Pas à la hauteur des enjeux »

« De 1991 à l’année 2000, moins de 4.000 médecins ont été formés chaque année. Nous payons aujourd’hui le prix fort de ce manque d’anticipation à l’heure où le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques deviennent de phénomènes de grande envergure », a-t-elle développé.

La mesure phare du texte – la suppression du « numerus clausus » qui limite le nombre d’étudiants admis en 2e année de médecine – sera effective à la rentrée 2020, avec l’objectif d’augmenter d’environ 20% le nombre de médecins formés. Mais les effets ne se feront sentir que dans une décennie. « Aucune mesure ne permet d’augmenter dès demain le nombre de médecins formés », a reconnu la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal.

Le rapporteur de la commission des Affaires sociales Alain Milon (LR) a vu dans le texte « des inflexions positives, comme la « refonte attendue » des études de médecine, mais jugé que « son ambition pour l’heure ne me paraît pas à la hauteur des enjeux ». Comme la plupart des groupe politiques, il a regretté le recours « très large » aux ordonnances « sur des sujets majeurs pour les territoires comme les hôpitaux de proximité ».

« Préoccupation majeure »

Les sénateurs ont déjà adopté le projet de loi en commission moyennant des modifications, mais sans remettre en cause ses grands axes. En séance, le Sénat à majorité de droite a rejeté une motion du groupe CRCE à majorité communiste visant au rejet en bloc du texte. « Quelques mesures vont dans le bon sens, mais sont noyées par votre refus de sortir du carcan budgétaire », a lancé Laurence Cohen à l’adresse de la ministre.

La question de la désertification médicale devrait être largement débattue dans la chambre des territoires, les sénateurs rivalisant de propositions, entre mesures incitatives et mesures de régulation de l’installation.

« L’inégal accès aux soins est une préoccupation majeure pour nos concitoyens. Aucun territoire n’échappe véritablement à cette problématique qui cristallise les angoisses, voire les colères », a souligné Elisabeth Doineau (centriste).

Le PS propose en particulier que la dernière année d’études en 3e cycle (médecine générale et autres spécialités déficitaires) soit une année de pratique « en autonomie », réalisée en cabinet ou en maison de santé, dans les zones manquant de médecins. Une proposition qui dépasse « les clivages partisans » et permettrait de « déployer plusieurs milliers de professionnels » sur le territoire, « très rapidement ».

En commission, les sénateurs ont « enrichi » le volet numérique du texte, adoptant plusieurs amendements pour accélérer la généralisation du dossier médical partagé et de l’espace numérique de santé.

De manière générale, que ce soit pour la médecine de ville ou l’hôpital, les sénateurs défendent le rôle des acteurs de terrain et les « dynamiques locales », plutôt qu’un modèle « homogène ».

(Avec AFP)

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