Les 7 fausses idées sur l’immobilier qu’on entend partout

De nombreuses idées fausses circulent sur la pierre en France et font gonfler la bulle immobilière. Le marché hexagonal est en effet très particulier. La solvabilité des ménages français est par exemple beaucoup plus forte que celle des ménages espagnols ou américains avant la consolidation de leurs marchés respectifs. Cela ne jouera pas sur l’ampleur de la baisse des prix immobiliers en France, mais sur sa durée.

Un simple retour à la moyenne du ratio prix sur revenu signifierait une chute des prix d’environ 35% (soit -4,2% par an pendant 10 ans) avec une hypothèse de progression des revenus raisonnable de 1% par an. La baisse pourrait être de l’ordre de 5% en 2014, de l’ordre de 8% en 2015, suivi d’un long effritement.

L’immobilier nous protège de l’inflation mais pas de la déflation. Le graphique ci-dessous qui représente la répartition du capital en France sur très longue période, montre clairement que jamais dans l’histoire économique de notre pays, l’immobilier n’a autant pesé dans la richesse des ménages français.

(Extrait de Le capital du XXIe siècle -éditions du Seuil, de Thomas Piketty)

1. Le manque de logements soutient les prix de l’immobilier. #FAUX

Selon certains experts, la bulle immobilière aurait pour origine la pénurie de logements. Le manque atteindrait même 800.000 à 1 million de biens… En réalité, il n’en est rien. Entre 1950 et 1990, la construction de nouvelles habitations a largement dépassé l’évolution du nombre de ménages. Depuis, les deux paramètres évoluent assez simultanément, le différentiel étant de quelques dizaines de milliers de logements (en excès ou en déficit selon les années), soit un très faible pourcentage du parc total de 33 millions de maisons et appartements.

Pour autant, une demande potentielle à la hausse n’est pas forcément synonyme d’augmentation des prix: pour cela, il faut que le besoin soit solvable. Et c’est ici que se trouve l’explication du chiffre souvent avancé des 800 000 à 1 million de logements manquants. Il s’agit en fait du nombre de personnes « aux portes du logement », c’est-à-dire qui n’ont pas les moyens de se loger et sont donc non solvables surtout au niveau actuel des prix.

2 Quand on est locataire, on jette l’argent par les fenêtres, d’autant que les loyers sont très chers. #FAUX

Premièrement, les loyers ont globalement progressé en ligne avec les revenus, ce qui n’est pas le cas des prix de l’immobilier. Sauf cas particulier, il n’y a donc pas de surchauffe des loyers par rapport au revenu des ménages. De plus, les frais d’un propriétaire sont plus importants que ceux d’un locataire pour un même bien, ce qui offre au locataire une capacité d’épargne mensuelle plus forte que celle des propriétaires. Au final, l’actif du locataire est supérieur à celui du propriétaire pendant de longues années.

Prenons le cas d’un primo-accédant à Paris: le capital détenu par le locataire (son épargne qui lui aurait servi d’apport en cas d’achat) est toujours équivalent à celui du propriétaire (son bien immobilier) entre 22 et 34 ans après l’achat (selon le scénario économique et le prix de l’immobilier). Le locataire ne jette donc pas plus d’argent par les fenêtres que le propriétaire, il choisit juste de détenir des liquidités plutôt qu’un bien, à condition bien sûr qu’il fasse l’effort d’épargner chaque mois ce qu’il dépenserait s’il était propriétaire.

3. Le marché est en panne depuis la crise. Or sans transactions, les prix ne peuvent pas baisser. #FAUX

Le recul du nombre de transactions précède toujours de plusieurs mois la baisse des prix. Les volumes ont baissé de 18% en 2012, de 5% en 2013 et de l’ordre de 8% pour 2014, alors que l’indice des prix baissait très lentement. Sur le long terme, le volume s’est toujours avéré être un indicateur avancé du niveau des prix immobiliers: l’éclatement de la bulle immobilière de 1991 en France avait été précédée de quatre ans par une baisse des volumes. Aux Etats-Unis, les prémices étaient apparues six ans auparavant.

Depuis l’été, la baisse semble s’accélérer avec un recul en glissement annuel de 4% pour Paris. Nous anticipons une baisse de l’ordre de 5% pour l’ensemble de l’année avec une accélération de la baisse en 2015 du fait de l’effet moutonnier. La baisse attire la baisse et inversement.

4. Les ménages français sont endettés à taux fixe ce qui les protège contre l’inflation. #FAUX

Le contexte actuel et de moyen terme est clairement à la déflation. Le fait d’être endetté à taux fixe ne protège absolument pas d’une baisse du prix de son logement. La solvabilité des particuliers français pourrait de toute façon finir par être affectée en cas de retournement des prix de l’immobilier, car celui-ci s’accompagne généralement d’une dégradation de la conjoncture.

Le taux fixe protège donc le marché d’un ajustement violent, mais pas d’un ajustement tout court. Les détenteurs d’un prêt restent solvables sous condition de ressources constantes, ce qui n’est plus le cas en situation de chômage ou d’augmentation des impôts. Même en cas de hausse des taux (avec le retour très peu probable de la croissance et donc de l’inflation) les taux fixes ne protègent qu’une partie des propriétaires. Les propriétaires en place sont protégés, mais pas les futurs accédants au marché.

5. La part de la dette immobilière dans le PIB français reste modeste, une baisse des prix immobiliers est impossible dans ce contexte. #FAUX

Cet argument repose sur le fait que le niveau de la dette immobilière en France (41 % du PIB) est loin derrière celui des autres pays à bulle: 75 % du PIB aux États-Unis par exemple en 2008. Un simple regard sur le dernier éclatement de bulle en France permet de contrer cet argument. À la veille du dégonflement de la bulle immobilière de 1991, le ratio dette immobilière/PIB en France était de 22 %, c’est-à-dire deux fois moindre qu’aujourd’hui: ceci n’a pas empêché le marché de baisser de 38 %!

6. Les taux sont au plus bas et les prix ont un peu baissé depuis un an, c’est le moment d’acheter. #FAUX

Les taux hypothécaires ont atteint au printemps 2013 leur niveau historique le plus bas (du fait de la politique de taux zéro des Banques centrales). Ils pourraient remonter très progressivement en 2015, notamment avec la politique plus restrictive de la Banque centrale américaine l’année prochaine. Les crédits à vingt ans pourraient atteindre 3,4 % fin 2015. Les conditions d’emprunt restent donc très favorables et ont de forte chance de se dégrader dans un avenir proche. La remontée des taux anticipée entraînera mécaniquement un ajustement à la baisse des prix de l’immobilier. Ce n’est pas la baisse minime des prix de l’immobilier depuis plus d’un an qui compensera l’ajustement anticipé à plus long terme de ceux-ci. La baisse des prix sera plus forte que l’avantage actuel tiré des taux d’emprunt historiquement bas.

7. Le prix des logements, corrigé à la fois de l’évolution du revenu et des conditions de crédit, est actuellement au plus bas depuis 1965. #FAUX

Sans être au plus bas, l’indice du prix des logements, corrigé de la capacité d’emprunt, ne montre pas, il est vrai, de signe évident de surchauffe. Cependant, cela suppose que les conditions actuelles de crédit soient normales, or elles sont extrêmement favorables et ne peuvent pas être durables. Si la durée de prêts diminue de cinq ans et que les taux augmentent de 100 points de base (1 %), on surpasse immédiatement les deux derniers pics de capacité d’emprunt. Le risque alors est de s’exposer à une forte correction comme celle que l’on a connue après 1990, année de pic du ratio prix/capacité d’emprunt.

Jean-Luc Buchalet, co-fondateur et dirigeant de Pythagore consult et membre du Cercle des Analystes Indépendants.


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