« Les entrepreneurs n’ont plus le droit de voter avec leurs pieds »

Entrepreneur engagé dans le débat public, Marc Simoncini, serial e-entrepreneur et business angel, fondateur de Meetic et patron de Sensee, a posté, dimanche 15 novembre, un message sur Facebook et Twitter suite aux attentats, pour conjurer ses collègues chefs d’entreprises tricolores exilés à revenir au pays.

Ces posts ont été repris et diffusés largement sur les réseaux sociaux, créant la controverse. Leur auteur ne compte pas en rester là.

Vous attendiez-vous à autant de réactions, qui vont de l’encouragement à l’agacement?

J’ai écrit ce texte dimanche, derrière mon ordinateur, à chaud, comme un cri du coeur. C’est une contribution épidermique, un peu à l’emporte-pièce mais j’assume. Je ne m’attendais pas à ce que ça prenne comme un feu de paille, j’ai été submergé de réponses sur les réseaux, de SMS, de coups de fil. Je me suis fâché avec quelques amis entrepreneurs, beaucoup de mes amis, partis en Belgique, aux Etats-Unis, en Asie qui n’ont pas apprécié le message qu’ils trouvent culpabilisant, ils me voient comme un donneur de leçons. Mais s’ils ont pas aimé, moi je persiste et signe. D’autant que, parfois à ma surprise, beaucoup d’autres m’ont passé des messages de soutien. En France certains me disent que j’ai le courage de dire ce qu’ils n’osent pas dire pour ne blesser personne. A l’étranger, certains m’avouent que je leur ai collé le doute, qu’ils se posent des questions.

Pourquoi jugez-vous urgent, après ces attentats terroristes, que les entrepreneurs exilés reviennent ?

Car la vie en France a basculé en 48h. Aujourd’hui, nous sommes en guerre. Et le nerf de la guerre, c’est l’argent. J’ai passé mon week-end à lire tout ce que je pouvais sur l’état de l’armée, de la police, de la justice, et j’en suis ressorti effrayé. La France n’a plus les moyens d’assurer sa sécurité. Les effectifs et les moyens de l’armée ont été drastiquement réduits. La police œuvre avec du matériel antique. La SNCF met 400 millions d’euros pour son budget de sécurité et quand on voit l’attaque avortée dans le Thalys fin août, on se dit qu’il faudrait plus du double! Voilà pourquoi tous les entrepreneurs, qui ont de l’intelligence, des idées, qui créent les richesses, qui sont les forces vives du pays doivent rester et rentrer en France. Il faut impérativement s’unir tous d’abord pour payer des impôts, faire rentrer l’argent nécessaire mais aussi pour peser politiquement, se faire entendre, imposer une meilleure allocation des ressources budgétaires. A un moment, il faut arbitrer entre le pognon que tu as et le pays dans lequel tu veux vivre. Ce n’est plus possible de voter avec ses pieds. C’est l’heure, pour ceux qui ont réussi, de rendre à ce pays qui leur a permis de réussir, s’ils veulent le garder pour permettre à leurs enfants d’y réussir!

Comptez-vous aller plus loin ?

Oui, j’aimerais secouer tous mes amis de bonne volonté, et les autres, les timides, les peureux, les fatalistes, les démobilisés, pour signer un manifeste commun, appelant toutes les bonnes âmes à contribuer, d’une façon ou d’une autre. Car si à ceux qui se sont barrés pour l’argent se rajoutent d’autres qui partent par peur, quel sera l’avenir de ce pays qu’on aime tant ? Je m’en fous d’avoir l’air cocardier. On est au pied du mur, et pour ceux qui ont de l’argent, du talent, le devoir d’aider c’est maintenant.

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