Les étranges pratiques de BPCE dans l’hôtellerie

Le dossier ne pèse pas lourd, au regard des près de 1.000 milliards d’euros d’actifs sous gestion de Natixis. Pourtant AEW, l’une de ses boutiques affiliées, a passé la démultipliée, ces derniers jours, pour trouver un accord avec Éric Baptista, patron du groupe hôtelier de montagne Temmos, en annulant une partie de sa dette.

Plus que les sommes en jeu, l’affaire risquait surtout de réveiller les critiques sur les difficultés de Natixis (et de sa maison mère, BPCE) à piloter une myriade de boutiques de gestion d’actifs, chacune soucieuse de son autonomie.

Tour de passe-passe ?

A l’origine, le dossier Temmos ressemble à celui de centaines de groupes hôteliers malmenés par la crise. A travers sa filiale Mont-Blanc Tourisme, Temmos est propriétaire des fonds de commerce de deux hôtels quatre étoiles situés à Chamonix, Le Morgane et Le refuge des aiglons. « Après des semaines de fermeture en raison de la situation sanitaire, nous avons dû recourir à un Prêt garanti par l’Etat (PGE)« , explique Eric Baptista, entrepreneur d’origine indienne qui réside lui-même aux Houches, à quelques kilomètres de Chamonix. Il sollicite la Banque de Savoie et le Crédit coopératif, deux établissements du groupe BPCE. Et obtient en août 2020 un PGE à hauteur de 2,3 millions d’euros. De

quoi limiter les dégâts, pour des hôtels qui emploient une cinquantaine de CDI, et montent à une centaine d’employés en saison.

Sauf que, simultanément, le bailleur, AEW, qui détient les murs des deux hôtels, toque fermement à la porte pour obtenir le paiement de ses loyers. En février 2021, alors que les négociations avec Temmos n’aboutissent pas, AEW déclenche une saisie, avec l’intervention d’un huissier, sur les comptes de la société hôtelière à hauteur de 1,950 million d’euros. Ainsi, le montant du PGE distribué par le réseau de banques de BPCE s’évapore… au bénéfice d’une société de gestion d’actifs qui fait partie du groupe BPCE. Eric Baptista a contesté cette intervention en justice.

Le précédent H2O

Une main du groupe bancaire (AEW) a-t-elle récupéré ce que l’autre main (Crédit coopératif et Banque de Savoie) avait octroyé ? Un porte-parole du groupe bancaire dément formellement un tel « raccourci ». « Nous ne sommes pas là pour dépouiller les sociétés soutenues par notre réseau bancaire, se défend la porte-parole d’AEW. Et nous ne participons pas aux décisions des établissements bancaires ». Son homologue chez BPCE ajoute que le modèle « multi-boutiques » revendiqué par Natixis s’appuie sur « la complète indépendance de gestion » pour ces sociétés affiliées à Natixis.

Précisément, cette affaire chamoniarde, en passe de se régler par l’annulation et le report d’une partie des loyers exigés par AEW, n’est pas sans rappeler le retentissant feuilleton H2O qui s’achève à peine. A la demande de l’Autorité des marchés financiers (AMF), cette autre boutique de gestion d’actifs de Natixis avait été contrainte, au cours de l’été dernier, de suspendre une partie de ses fonds, devenus illiquides. Comme dans le cas d’AEW, l’autonomie dont bénéficiait H20 avait conduit à quelques dérapages, peu contrôlés par BPCE. Depuis cette mésaventure, qui a écorné l’image du groupe mutualiste, Natixis a rompu les amarres avec H2O.

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